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« Miser sur la confiance dans la gestion des urgences » par Karine Meaux

21 novembre 2024

Et si la clé d’une aide humanitaire plus efficace résidait dans la confiance ? Karine Meaux, responsable Urgences de la Fondation de France, invite à repenser les pratiques de gestion des urgences pour redonner une place centrale à la flexibilité et à la proximité.

Depuis plusieurs années, les acteurs humanitaires se posent régulièrement la question des meilleures modalités d’action pour apporter une aide de qualité. La qualité de l’aide a été définie par le Core Humanitarian Standard (la Norme humanitaire fondamentale de qualité et de redevabilité) comme étant « l’ensemble des éléments et caractéristiques de l’assistance humanitaire qui soutiennent sa capacité à satisfaire à temps aux besoins et attentes explicites ou implicites, tout en respectant la dignité des personnes que l’organisation vise à aider ».

Une « processionnalisation » excessive de la gestion des urgences

Pour comprendre comment la gestion des urgences a évolué, il faut remonter dans le temps. Dans les années 1990, à l’heure des grands sommets sur la qualité et l’efficacité de l’aide, de nombreux humanitaires sont passés du rôle d’acteurs sociaux engagés sur le terrain à celui de gestionnaires de projets, voire d’administrateurs de données. Certes, la bonne volonté a guidé nos pas. Il était important d’établir des indicateurs et des standards afin de garantir une qualité de services minimale aux populations en difficulté et ce sur tous les terrains. Il était nécessaire d’encadrer les relations avec les organisations dites partenaires, pour anticiper les risques et limiter les conflits. Il fallait être le plus transparent possible pour écarter tout risque de conflits d’intérêts ou de corruption, à coup d’appels d’offres et de gonflement progressif des procédures de conformité (ou « due diligence). Il s’agissait surtout de prouver aux donateurs, aux fondations et aux bailleurs de fonds que nous, acteurs opérationnels de l’aide, étions dignes de confiance, que la générosité n‘excluait pas le professionnalisme et que nos organisations étaient crédibles. Mais au lieu de de nous donner plus de moyens, de liberté, ces pratiques de sélection et de suivi ont contribué à réduire nos possibilités d’actions.

L’action humanitaire a tout à gagner à s’engager sur un chemin basé sur le dialogue et la confiance.

Karine Meaux, responsable Urgences de la Fondation de France

Miser sur la confiance

Or, cette tendance de standardisation de nos moyens d’actions n’est pas inéluctable. Plus qu’un manuel de procédures, ce sont avant tout quelques grands principes qui doivent définir nos modalités d’intervention. C’est ce que nous avons fait au sein de la Fondation de France.

Cela s’exprime d’abord par une forte volonté de proximité, avec un accent mis sur la localisation, en France comme à l’international. Au Liban et plus récemment en Ukraine, plus de 80 % des soutiens sont destinés à des associations locales, c’est-à-dire ancrées dans leurs quartiers, dans leurs villages, dans leurs territoires. Au lieu de demander des dossiers administratifs très lourds et complexes, le dialogue, le croisement des recommandations et les visites sur le terrain permettent de créer des relations de confiance en amont et tout au long de la mise en œuvre des actions. Cela n’exclut pas de mettre en place si besoin des mécanismes d’apprentissage et d’amélioration continue comme des audits pédagogiques, des dispositifs d’accompagnement par les pairs, des démarches de capitalisations collectives et itératives….

Autre mot clé, souvent mentionné par les organisations partenaires : la flexibilité. Chacun s’accorde à dire que notre monde est de plus en plus mouvant et incertain. Dès lors qu’un accord de confiance et de réciprocité existe entre des partenaires, c’est l’agilité et l’intelligence qui doivent prévaloir, et non des processus qui ralentissent l’action.

Accepter de ne pas toujours tout mesurer et contrôler

De l’intelligence relationnelle et du bon sens. En effet, ce que nous pourrions perdre en misant sur la confiance et la flexibilité a-t-il vraiment plus de valeur que ce que nous avons perdu en déshumanisant notre travail ? L’humain, qui est au cœur de l’humanitaire, doit rester notre principale référence et constitue notre plus bel atout. Il est urgent de résister à la tentation grandissante de la qualité normée et sécurisée, de désintellectualiser nos actions. L’action humanitaire a tout à gagner à s’engager sur un chemin basé sur le dialogue et la confiance, à embrasser sans crainte toute la complexité des relations humaines et à assumer le risque de ne pas pouvoir toujours tout mesurer et tout contrôler.


 #CAUSEDUMOIS\CONFIANCE


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