Aide aux exilés : les fondations unies au nom de la solidarité
La récente actualité venue d’Ukraine a remis en lumière l’âpre réalité qui conduit chaque année des millions de personnes à quitter leur pays. Qu’il s’agisse de fuir la guerre, la misère ou les violations de droits humains, le nombre de personnes déracinées à travers le monde a plus que doublé en 10 ans et devrait atteindre le seuil des 100 millions en 2022, à cause de la guerre en Ukraine.
De nombreuses fondations impliquées qui agissent en complémentarité
Face à l’extrême vulnérabilité de ces populations, les acteurs de la philanthropie se mobilisent pour améliorer les conditions d’accueil et accompagner les parcours d’intégration. Aux côtés de la Fondation de France, une quinzaine de fondations abritées telles que la Fondation Inkermann, la Fondation Un monde par tous, la Fondation Equinoxe, la Fondation ASL, la Fondation Yo et Anne-Marie Hamoud, ou encore la Fondation BNP Paribas sont engagées sur cette cause, et agissent de manière coordonnée. Leurs champs d’intervention sont aussi divers que complémentaires : hébergement, aide juridique, défense des droits, suivi psychologique, apprentissage de la langue ou formation professionnelle. Sur le terrain, cet accompagnement est assuré par des acteurs venus de tous horizons : ONG humanitaires, petites associations, ainsi que de nombreux bénévoles impliqués de manière spontanée.
Pour soutenir toutes ces envies d’agir et répondre aux besoins, la Fondation de France intervient notamment par le biais de son programme Solidarité Migrants. Lancé en 2015, il a permis de soutenir plus d’une centaine d’actions. Il s’articule autour de deux axes : l’accueil citoyen, en soutenant les collectifs qui accompagnent les exilés arrivant en France, et la santé mentale des exilés. La Fondation de France accorde également une attention particulière aux mineurs non accompagnés afin de les protéger et de les accompagner dans leur scolarité. Enfin, un dernier volet international permet d’agir auprès des populations déracinées, hors des frontières hexagonales, comme au Liban par exemple. L’action de la Fondation de France intervient notamment auprès des jeunes, à travers du soutien psychosocial, l’accès à l’éducation, à la formation et à l’insertion professionnelle.
Soutenir les citoyens engagés dans l’accueil et l’intégration des migrants
En France, l’accueil des personnes exilées suscite nombre d’initiatives, dont beaucoup sont portées par des collectifs de citoyens. Selon Elise Plessis, membre du comité Solidarité Migrants de la Fondation de France, « cette dynamique citoyenne a grand besoin d’être reconnue et soutenue afin qu’elle puisse se structurer et professionnaliser son action, car elle repose majoritairement sur du bénévolat. Les collectifs d’hébergement solidaire sont aussi souvent isolés, les aider à travailler en réseau leur permettrait de mutualiser leurs moyens, d’agir de manière complémentaire et partager les bonnes pratiques. »
La Fondation de France soutient une douzaine de projets d’accueil citoyen. En Isère par exemple, l’association Tero Loko a réussi le pari d’associer l’accompagnement des migrants à un projet de redynamisation du territoire. Les personnes accueillies ont été formées au maraîchage bio et à la boulangerie. Embauchées en contrat d’insertion, elles assurent aujourd’hui la vente de leurs productions en circuit-court et proposent des ateliers de cuisine, ce qui recrée du lien social sur tout le territoire.
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La nécessité d’un accompagnement global
Parce que l’accueil des exilés nécessite un accompagnement global (soutien à l’apprentissage de la langue, à l’engagement citoyen…), les fondations abritées se rencontrent régulièrement lors d’ateliers thématiques afin d’agir de manière concertée. Parmi elles, la Fondation Inkermann, qui soutient chaque année une quinzaine de projets. « Les migrations font partie de l’histoire de l’humanité, c’est donc pour nous un devoir moral que de permettre à ceux qui ont quitté leur pays de pouvoir vivre dignement, là où ils l’ont choisi. Mais au-delà de l’accueil, c’est à tous les niveaux qu’il convient d’agir pour créer les conditions favorables à leur intégration », explique Anne Lacoste de la Fondation Inkermann. Active sur tous les terrains, la fondation soutient entre autres la Cimade et Paris d’exil, deux réseaux d’accueil et de défense des droits, Réfugiés Bienvenue, impliquée dans l’hébergement citoyen et l’insertion professionnelle des exilés ou encore le Comede, une association qui agit pour la santé physique et psychique. « Avec les autres fondations abritées, nous échangeons régulièrement pour partager des informations ou tenter d’agir collectivement afin d’avoir un impact plus fort », ajoute Anne Lacoste. Parmi les autres philanthropes engagés : la Fondation Un monde par tous, qui soutient des projets d’hébergement citoyen mais aussi de défense des droits, la Fondation ASL qui intervient notamment dans le champ de la santé, la Fondation Yo et Anne-Marie Hamoud, très active sur les droits humains et l’apprentissage de la langue, ou encore les plus récentes : la Fondation Talents solidaires dédiée au dialogue interculturel et la Fondation J’M, en faveur des mineurs exilés.
Autre mobilisation exemplaire : celle de la Fondation BNP Paribas qui aura consacré près de 18 millions d'euros à cette cause d’ici 2024. « La fondation intervient sur deux axes, l’insertion professionnelle par la formation et l’apprentissage du français », précise Agnès Beccaria, chargée de mécénat Solidarité France et International de la Fondation BNP Paribas. Parmi les actions soutenues : la formation aux compétences numériques (Simplon Foundation) ou la remise de bourses pour les étudiants réfugiés (Haut-Commissariat aux Réfugiés). Par ailleurs, la Fondation BNP Paribas s’est alliée à une dizaine de fondations (comme Sanofi, TotalEnergies, L’Oréal…) pour financer ensemble un dispositif d’apprentissage du français dans toute la Corrèze.
La santé mentale : une clef pour envisager un avenir
En complément de ces dispositifs, la Fondation de France a fait le choix de venir combler une absence de prise en charge essentielle mais négligée par les pouvoirs publics : celle de l’accompagnement psychologique. Pour Sophie Lasserre, responsable de l’axe Santé mentale des exilés : « S’occuper de la santé psychique des personnes migrantes est une condition nécessaire pour envisager un parcours d’intégration. Beaucoup ont vécu des choses très difficiles et parfois traumatisantes, à la fois dans leur pays d’origine, durant leur parcours migratoire et à leur arrivée dans le pays d’accueil. Violences physiques, sexuelles, morales mais aussi administratives… sont autant d’épreuves qui s’accumulent et finissent par briser l’individu. Trop souvent, les dispositifs existants se limitent à la santé physique. Or, tous les acteurs travaillant auprès des migrants témoignent d’une réelle problématique de santé mentale, face à laquelle ils se sentent impuissants. C’est pourquoi nous soutenons des initiatives qui facilitent le soin en santé mentale pour que les personnes puissent dépasser les blocages psychologiques qui les empêchent d’avancer. »
Santé mentale des exilés : la parole aux porteurs de projet
Le 14 juin, une première rencontre réunissant les porteurs de projets engagés dans la santé mentale des exilés était organisée par la Fondation de France au Palais de la Femme à Paris. Cette journée a été l’occasion pour la cinquantaine de participants venus de toute la France d’échanger et de mener une réflexion collective sur les enjeux qui entourent leurs pratiques : la mixité des publics, les conditions d’accueil, l’évaluation des projets, et les réponses thérapeutiques.
Une prise en charge adaptée aux problématiques des exilés
Cet accompagnement nécessite souvent de recourir à des interprètes formés et de privilégier des thérapies brèves pour en faire bénéficier le plus grand nombre. La Fondation de France soutient donc des associations qui proposent des prises en charge adaptées, souvent collectives, comme les groupes de paroles, l’art thérapie... À Saint-Étienne par exemple, le Comede Loire propose des ateliers de danse thérapie, de médiation ou des groupes de parole. L’association Limbo, elle, accueille lors de séjours thérapeutiques dans l’Oise des jeunes migrants victimes de tortures ou de violences sexuelles. C’est là que Renée Fontenelle intervient en tant que psychologue et psychanalyste bénévole : « Beaucoup souffrent de cauchemars, d’images persistantes ou de troubles dépressifs… Grâce aux groupes de parole, à la sculpture, au chant mais aussi au contact de la nature, ils retrouvent peu à peu des ressources, recréent des liens, reprennent confiance et peuvent ainsi se projeter vers quelque chose de positif ».
Accompagner les mineurs vers une vie autonome
Cet accompagnement holistique est d’autant plus nécessaire quand il s’agit de jeunes et d’adolescents. « Les mineurs isolés sont confrontés à un véritable dédale juridique, où leur minorité est souvent contestée, explique Claire Broussal, responsable du programme Enfants et familles en difficulté. Dès lors, ils sont plongés dans un no man’s land juridique et social, qui les fait se retrouver à la rue, sans solutions de prise en charge. » Très mobilisée sur cette cause, la Fondation de France soutient donc des associations qui hébergent, scolarisent et aident les jeunes dans leurs démarches sociales et juridiques. Avec la Fondation Equinoxe, elle soutient par exemple le réseau d’accueil solidaire CAJMA 22, qui accueille des jeunes et accompagne leur entrée dans la majorité en leur facilitant l’accès à un logement autonome, à la formation, à l’emploi et aux démarches administratives. La jeune Fondation J’M a elle aussi voulu s’inscrire dans cette aide aux plus vulnérables. « Une rencontre marquante avec une association qui agissait en faveur des mineurs isolés et la surprise de constater que peu de fondations étaient mobilisées sur cette question nous a convaincus que nous pouvions à notre échelle aider ces jeunes dans leur parcours », témoigne Benjamin Bleton, cofondateur avec son épouse de la Fondation J’M. La fondation envisage de soutenir la Touline de Chartres, une structure d’accueil spécifique pour jeunes exilés, mise en place par les Apprentis d’Auteuil, et a d’ores et déjà financé deux capsules vidéos diffusées en ligne (Guiti News) sur les fake news entourant la question migratoire. « Participer à changer le regard sur les exilés, à valoriser le courage exceptionnel dont ils font preuve, c’est ça aussi le rôle de la philanthropie, explique Emmanuelle Bleton, il est temps qu’on se rende compte que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. »