Le Laboratoire plastique de Pamparigouste : l'étang de Berre au cœur d'une initiative citoyenne et scientifique
Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP), 19 à 23 millions de tonnes de déchets plastiques se déversent chaque année dans les lacs, rivières, mers et océans. Sans action significative, ces chiffres alarmants pourraient tripler dans le monde d’ici 2040. Les enjeux sont immenses, tant en termes d'équilibre des écosystèmes et de la biodiversité que de santé publique. Face à l’urgence à agir, le Laboratoire plastique de Pamparigouste, soutenu par la Fondation de France, s’est donné pour missions de comprendre les origines de la pollution plastique dans l’étang de Berre, à l’ouest de Marseille, tout en insufflant une mobilisation innovante, artistique et citoyenne autour de ces enjeux.
Le Laboratoire plastique de Pamparigouste est né en 2019 avec la constitution d’un collectif de scientifiques, artistes et riverains par le Bureau des Guides du GR2013 mobilisés face aux enjeux qui affectent un écosystème fragile : la lagune de l’étang de Berre et ses rives, marquées par la forte empreinte industrielle qui l’environne.
Marcheurs de l’assemblée du laboratoire plastique en novembre 2023. ©Marielle Agboton / Bureau des guides du GR2013
Mu par un engagement collectif au service d’un territoire vulnérable, le projet, démarré en 2022 pour une période de trois ans, articule plusieurs volets pour mesurer la réalité de la pollution plastique et ses conséquences, et développer des solutions efficaces pour restaurer un écosystème fragile. Plusieurs laboratoires de recherche sont associés au projet pour étudier les transferts, échanges et déplacements des microplastiques dans la lagune et réaliser une cartographie des zones les plus touchées sur toute la superficie de l’étang (155 km²) et de ses rives. Les premiers résultats alertent sur l’ampleur et la gravité du problème. Ils seront complétés par des informations précises sur les sources et les flux des microplastiques vers la mer Méditerranée, afin d’avoir une compréhension totale de la situation dans la région.
Observation de prélèvements de surface de la Touloubre avec l’équipe de L’institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions. ©Mathilde Rouziès / Bureau des guides du GR2013
Parmi les premiers résultats enregistrés, les études révèlent que près de 600 à 1 000 milliards de particules de microplastiques sont actuellement stockées dans les 2 premiers centimètres de surface des sédiments de l’étang de Berre, soit une masse comprise entre 1 100 et 2 000 tonnes de plastique. Près de 8 à 15 nouveaux millions de particules se déposent chaque année dans les sédiments.
Au-delà de ces données scientifiques, c’est l’engagement des citoyens pour la transition de ce territoire qui est au cœur du Laboratoire plastique de Pamparigouste, à la fois à travers une exploration sociologique et par la mise en œuvre de nombreuses résidences artistiques.
Une démarche participative pour repenser notre rapport à l'environnement
À chacune de ses étapes, le projet favorise l’implication active des citoyens : ces derniers s’approprient ainsi pleinement l’ensemble des enjeux et prennent part à la prise de décisions et au déploiement d’actions. L’engagement du Ministère de la Culture et la contribution d’une multitude d’acteurs régionaux (l’institut Inrae-Montpellier , le laboratoire Chrome de l’Université de Nîmes , le syndicat mixte Gipreb , des associations, collectivités et bases nautiques riveraines, etc.) viennent également nourrir cette démarche collective.
Journée de Ramassage en compagnie de Wings of the océan, protocole de tri et classification des déchets récoltés juin 2023. ©Marielle Agboton / Bureau des guides du GR2013
Le projet propose des temps d’observation et d’expérimentation collectives sur le terrain en associant chercheurs, artistes, riverains, ainsi que des résidences artistiques et scientifiques, sous la forme de marches exploratoires, de navigations et d'évènements publics. L’art permet de compléter nos connaissances de ce milieu lagunaire par l'expérience sensible et l’imaginaire, et la dimension sociologique vise à repenser collectivement nos modes d’actions. A la clé : la possibilité pour le laboratoire d’enclencher des initiatives concrètes pour la préservation et la résilience des littoraux, de la mer et des écosystèmes aquatiques, en associant interventions sur le terrain et sensibilisation des citoyens et des acteurs de la vie locale.
En 2024, plusieurs artistes ont mené des expérimentations ancrées localement, afin de rendre visible les formes invisibles de la pollution causée par les microplastiques. Parmi eux, le projet de Bulat Sharipov, vidéaste russe, qui s’appuie sur des images de plastique captées au microscope, avec différentes optiques, lumières et mouvements. Le plastique est ainsi considéré comme un sujet d’exploration à part entière pour comprendre sa provenance, sa destination ainsi que son impact sur nous et sur l’environnement.
Deux journées collectives pluridisciplinaires mêlant prélèvements scientifiques et rencontres avec des artistes ont également eu lieu en juin 2024, et une grande campagne de prélèvements sur les plages, soutenue par les communes, a également été organisée : 25 citoyens volontaires y ont participé.
Multiplier les outils pédagogiques pour rassembler et fédérer
En complément du cahier collectif L’Étang perpétuel, mis en place dès le lancement du projet pour sensibiliser les riverains à sa dimension écologique du projet, deux nouvelles initiatives ont vu le jour en 2024 afin d’enrichir les connaissances. Le cahier Ressentir l’Étang, développé par le collectif d’arts visuels SAFI, se présente comme un support d’exploration scientifique composé de récits d’exploration et de jeux d’observation pour permettre à chacun de mieux découvrir et percevoir l’étang, sur et sous la surface. Autre projet : une caravane mobile présentant des dispositifs artistiques et scientifiques interactifs, destinés à mieux comprendre le projet du laboratoire, a sillonné les plages de l’étang de Berre pendant l’été à l’occasion des Fêtes de l’Étang pour aller à la rencontre des habitants.
#CAUSEDUMOIS\TRANSITION ECOLOGIQUE - MAI 2024
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