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Belle-Ile-en-Mer, destination… agricole !

27 septembre 2019

Coûts d’exploitation en hausse, pression foncière, conflits d’usage avec les estivants… l’activité agricole sur les petites îles touristiques est mise à rude épreuve, et recule depuis 50 ans. Une fatalité ? A Belle-Ile-en-Mer, les agriculteurs et les habitants ont prouvé le contraire !

Sur les îles, comme dans nombre de régions rurales touristiques, la trajectoire de l’activité agricole semblait toute tracée… vers une quasi-disparition. Tout a commencé au tournant des années 70, avec le remembrement et le virage vers des cultures intensives, générant des regroupements et une diminution du nombre d’exploitants et de cultures. A Belle-Ile-en-Mer, par exemple, le nombre de fermes est passé de 64 à 36 « et l’âge moyen des exploitants n’a cessé de s’élever, les jeunes hésitant à reprendre les fermes familiales ou à s’installer » souligne Mary-Anne Bassoleil, chargée de mission au CPIE (centre permanent d’initiatives pour l’environnement) de Belle-Ile-en-Mer. Sur ces territoires à haute valeur touristique, la question du foncier agricole est vite devenue critique. Nombre de propriétaires attendent que leur terrain devienne constructible, et décuple ainsi sa valeur plutôt que de conclure un bail agricole. La cohabitation avec les estivants n’est pas toujours sereine, l’activité agricole générant certaines nuisances (bâtiments, bruits, odeurs…) au cœur des villages. « Et on peut également citer le grand nombre de périmètres de protection (Natura 2000, espaces naturels sensibles, site classé...) qui limitent les possibilités d’exploitation des parcelles situées dans ces zones, les contraintes particulières liées à l’insularité (surcoût du transport pour le matériel ou les produits à usage agricole), et enfin les spécificités liées au sol et au climat, avec les embruns, l’hiver, et la sécheresse estivale !», ajoute Mary-Anne.

Quand « Voie Lactée » montre la voie

Tout converge donc pour aboutir à une « déprise » agricole. Avec toutes les conséquences que l’on connait : pertes d’emplois, diminution du nombre d’habitants permanents, développement de friches, appauvrissement du paysage, dépendance alimentaire accrue à l’égard du continent. « 94 % des denrées alimentaires consommées sur l’île sont-elles importées », confirme Mary-Anne Bassoleil. C’est pour contrer cet enchaînement que le CPIE se mobilise depuis 15 ans. Notamment en soutenant des démarches de relocalisation de la production alimentaire, comme « Voie Lactée », un projet de développement local visant à transformer collectivement le lait produit sur l’île, soutenu par la Fondation de France. Car aujourd’hui, la production des vaches laitières Belliloises est vendue sur le continent, et les yaourts, fromages ou crèmes consommés sur l’île sont importés !

Spécificité de « Voie Lactée » : la démarche est menée par un collectif d’éleveurs laitiers, accompagnés par le CPIE et une sociologue spécialiste du changement dans le monde rural. Ensemble, ils construisent le dispositif de A à Z : étude de marché, conception de la gamme de produits et de l’outil de fabrication, sécurisation de l’approvisionnement et des débouchés de distribution, recrutement des équipes de transformation, plan d’investissement… « Chaque étape est co-construite ! Organiser ce consensus, c’est un processus forcément long mais indispensable pour assurer une véritable adhésion des premiers acteurs concernés, les agriculteurs, et inciter d’autres à s’engager ! souligne Mary-Anne Bassoleil. D’ailleurs « Voie Lactée » inspire une nouvelle dynamique. Maraîchage, cultures fruitières, boulangerie paysanne, atelier viande bovine… Aujourd’hui le CPIE recense une quinzaine de projets d’installation ou de développement agricole local, tous différents et tous pensés dans une logique de circuit court, pour une relocalisation de la consommation alimentaire. » Preuve que la « déprise » agricole n’est pas irrémédiable !