Etude Solitudes : ces lieux qui créent du lien
Quels sont les lieux qui favorisent le lien social ? Où les personnes se retrouvent-elles pour sortir de leur isolement et créer de nouvelles relations ? C’est à ces « lieux du lien » que l’étude Solitudes de la Fondation de France consacre cette année son focus thématique. Au-delà des données quantitatives sur l’isolement des personnes, l’étude enrichit son approche par une enquête qualitative de terrain sur les lieux qui favorisent les interactions et les rencontres.
Premier constat : les personnes isolées se retrouvent majoritairement dans des lieux ouverts. Parmi eux, les centres commerciaux (qui sont fréquentés par 34 % de personnes isolées), les marchés et commerces de centre-ville (24 %), mais aussi les espaces publics et les espaces naturels (respectivement 19 et 23 %). Parce qu’ils sont gratuits, aisément accessibles et traversés par des publics variés, ces lieux sont l’occasion de maintenir le contact avec les autres et donnent le sentiment de faire partie du monde.
Pour autant, créer de nouveaux liens nécessite plus qu’une sortie au supermarché ou une balade au parc. L’étude dresse ainsi un deuxième constat : c’est avant tout dans les espaces du « faire ensemble » que s’initient de nouvelles relations. Participer à une action commune, être reconnu, avoir une place, un rôle au sein d’un collectif sont autant de pas vers l’inclusion. Parmi les lieux les plus créateurs de liens : les structures associatives qui permettent à près de 43 % des personnes qui les fréquentent régulièrement de nouer de nouvelles relations, ainsi que les espaces sportifs (37 %).
Engagée pour le renforcement du lien social, la Fondation de France soutient de nombreuses initiatives qui contribuent toutes à favoriser les échanges et les liens, avec pour point de départ l’habitat, le sport, l’alimentation… Focus sur quatre associations soutenues.
Terre d’Hippocrate : un jardin thérapeutique pour le soin et le lien
Pour aider les malades chroniques à prendre soin de leur santé, de leur alimentation et à favoriser leur bien-être social, des médecins du service de cardiologie de l'hôpital de Gap ont créé en 2021 l’association Terre d’Hippocrate. L’objectif : proposer un parcours de soins préventif et gratuit en petits groupes au sein d’un jardin partagé, installé à Rambaud dans les Hautes Alpes sur un terrain de près de 2000 m2. Le programme est centré sur l’alimentation, l’activité physique et le jardinage à travers différents ateliers. En plus d’être une réponse innovante en santé préventive, le jardin s’est révélé être un lieu d’échange et de dialogue permettant aux personnes malades de sortir de leur isolement, qui peut être particulièrement fort en zone rurale. Une évaluation du projet menée par l’association montre une nette amélioration du bien-être mental et de la qualité de vie des patients, associée à une meilleure activité physique et alimentation. Deux autres jardins ont été créés dans la région, à Laragne-Montéglin et à Veynes.
El'cagette : l’épicerie solidaire pour « nourrir l’humain et tisser des liens »
Créée en 2018 à Roubaix, El'cagette est une épicerie solidaire qui a pour objectif de rendre accessible le « bien manger » aux populations les plus précaires. « L’accès pour tous à une alimentation saine, durable et de qualité a été à l’origine d’El Cagette. La problématique alimentaire est une sorte de bien commun, elle réunit chacun de nous », explique sa fondatrice Anne Macou-Lescieux. « Notre credo est de nourrir l’humain et de tisser des liens », conclut-elle. Cette initiative est née d’un collectif de citoyens. Dans un premier temps, il s’agissait de réaliser des achats groupés en circuit court auprès de producteurs locaux. Très vite, elle a fédéré des dizaines de partenaires et bénévoles. Aujourd’hui, El'cagette compte plus de 460 familles adhérentes aux profils variés qui viennent remplir leur panier à moindre coût mais pas seulement. En effet, l’épicerie s’est enrichie d’initiatives et de services proposés par les bénévoles-adhérents : atelier de réparation de vélos, cantine de quartier, cours de couture ou encore café littéraire… autant d’occasions d’échanger, de faire ensemble, et de mieux se connaître.
Générations & Cultures : habiter ensemble
L’habitat, malgré sa dimension très intime, peut aussi être l’occasion de nouer de nouveaux liens. C’est le cas notamment avec la colocation intergénérationnelle qui rassemble, sous un même toit, jeunes et seniors. L’association Générations & Cultures et son dispositif « Un toit parmi les âges » propose ainsi de mettre en relation des personnes âgées qui ont de la place chez elles et des jeunes cherchant à se loger. Bien plus qu’un toit à partager, ce programme est aussi l’occasion pour les deux co-habitants de nouer des liens. C’est ce qui s’est passé pour Anne-Marie, 77 ans, qui a ouvert la porte de son domicile qu’elle occupait seule depuis la mort de son mari : « quand j’ai vu que des gens partageaient leur maison, j’ai trouvé ça génial ! » explique-t-elle. Avec sa jeune colocataire s’est instaurée une relation d’aide mutuelle et d’échange autour de la cuisine, de la couture, du cinéma. Retrouver un rôle, une utilité sociale, un ancrage permet d’entrer en lien avec les autres. « La solitude pour moi, ce n’est pas de l’isolement, confie la sexagénaire, c’est un état d’âme qui fait qu’on ne se sent plus utile sur terre. C’est à l’intérieur de soi… et pour l’éviter, il faut continuer d’avoir des liens. »
Repairs! 75 : un lieu d’entraide et de partage
Le lieu du lien peut aussi être celui où l’on trouve de l’aide et où l’on reçoit du soutien. L’association Repairs! 75, basée à Paris, se présente comme « une communauté d’entraide entre pairs par et pour les enfants placés » issus de l’Aide Sociale Enfance (ASE). « La solitude, c’est le point commun de la plupart des jeunes qui arrivent à Repairs », confie Solène, membre de l’association depuis 6 ans. Ces jeunes sont pour la plupart éloignés de leurs familles et de leurs amis. Les rencontres entre pairs au sein de l’association permettent de nouer des liens durables et de partager un vécu commun. L’organisation bimensuelle des « Pieds Dans le Plat », rendez-vous régulier entre les membres de la communauté, est l’occasion de faire le bilan des parcours et d’aider les jeunes les plus en difficulté à résoudre leurs problèmes. Le soutien apporté peut être d’ordre matériel (trouver un logement, payer une facture, bénéficier d’une aide ponctuelle pour s’alimenter, etc.) mais aussi relationnel (soutien moral et psychologique, mises en contact, bonnes adresses, conseils, etc.). « Repairs, ce n’est pas un lieu, c’est comme une deuxième famille, une famille choisie », conclut Solène.
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