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Rabeb, la princesse champignon

14 décembre 2018

Il était une fois une jeune Tunisienne, doctorante en agronomie qui fit pousser des champignons au fond de son jardin. Rabeb Daboussi, dans le cadre du programme Fikra, a introduit pour la première fois en Tunisie la culture des champignons sur paille. Avec succès pour elle, et surtout « pour sa province adorée » la région de Jendouba, dans le nord-ouest du pays.

La « princesse champignon », le surnom peut prêter à sourire… Il a pourtant contribué à la célébrité locale de Rabeb Daboussi, productrice de pleurotes et de shiitakés (un champignon noir et rare) à Tbainia, un village proche de la frontière algérienne. Cette trentenaire accumule trois diplômes : ingénieure agronome, bientôt doctorante, experte en développement territorial et en gestion des écosystèmes. Rabeb met toutes ses compétences au service d’une obsession : faire du champignon un produit roi dans sa région natale. En s’appuyant sur un procédé de culture sur paille, une première en Tunisie.

C’est un article de presse relatant le succès d’une champignonnière au Burkina Faso qui a provoqué le déclic. Pour monter son projet, elle s’entoure de cinq amis, tous diplômés chômeurs et investis dans le secteur associatif local. Rabeb a grandi à Tbainia, dans le gouvernorat de Jendouba, cette « terre aux ressources très importantes et peu valorisées, avec un taux de chômage massif », notamment chez les jeunes. L’une des régions les plus pauvres du pays, longtemps négligée par l’État, à laquelle les bailleurs de fonds internationaux – notamment le Fonds commun des fondations européennes pour la Tunisie (Fikra) –, ont commencé à s’intéresser après la révolution du Jasmin de 2011.   

En 2014, Rabeb répond à l’appel à idées lancé par le programme Fikra (voir encadré). Sélectionnée, elle est invitée à participer à un cycle de formations et bénéficie d’un accompagnement individuel par un coach. À l’issue de cette période d’incubation, qui lui a permis de structurer son projet, elle reçoit un soutien financier pour démarrer son activité. « Cinq mois après la réception du financement, en février 2015, nous pouvions déjà verser des petits salaires. La structure compte aujourd’hui sept emplois », relate-t-elle en circulant dans la champignonnière cultivée dans un grand champ, au beau milieu de plantes, d’arbres ainsi que d’un potager, « bio, évidemment ».

Plongée dans la pénombre, la serre offre un spectacle surprenant. Des dizaines de sacs en plastique sont suspendus à des poutres en bois. À l’intérieur, le cocktail de son, de paille, de blé et de gypse – mélange qui stimule l’éclosion d’un bouquet de champignons, à travers des trous percés dans le plastique. « Il ne faut surtout pas les arracher ! » Dans un geste délicat, Rabeb mime comment le champignon qui émerge du trou se cueille en un demi-tour de main. L’expression « pousser comme des champignons » prend ici tout son sens : une première récolte trois semaines après la semence, une deuxième sur le même substrat au bout de trois jours, puis, de nouveau, quelques jours plus tard ! Le compost issu de ce cycle nourrira le potager biologique, cultivé par l’équipe. « Chez nous, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! », lance Rabeb. Pour l’arrosage, « on nous avait conseillé l’eau courante. Nous avons testé l’eau de source… La récolte a été trois fois supérieure ! ».

Soutenus par la direction des Forêts, Rabeb et ses compagnons investis dans le projet ont donc fait installer un tuyau qui court sur deux kilomètres jusqu’à la source, en forêt, qu’on devine à l’horizon. Enfin, pour le conditionnement du produit, ils s’adressent à un artisan menuisier du village voisin qui fabrique des couvercles de pots en bois d’olivier.

La production mensuelle de pleurotes avoisine la centaine de kilos, celle des shiitakés, plus délicate, une vingtaine. Elle est vendue aux restaurateurs de la région, certains venant même de Tunis pour s’approvisionner… Rabeb envisage d’expérimenter d’autres formes de conditionnement des champignons pour aborder de nouveaux marchés, notamment à l’export.

Rabeb aurait pu rester à Bizerte ou à Tunis, où elle a suivi son cursus universitaire. Mais l’amour de sa terre natale, dont elle connaît chaque famille, a été plus fort. « Et une fois rentrée, grâce à cette expérience, j’ai pris confiance en moi et cultivé mon leadership. Je veux faire bouger les choses, et souhaite que toute la communauté profite de la réussite de notre projet. Le soutien de Fikra m’a permis ce déclic. »

« Je veux faire bouger les choses pour que toute la communauté profite de la réussite de notre projet. »

Une idée qui devient projet puis fait boule de neige et suscite d’autres développements sur le territoire : c’est le modèle cible des aides Fikra (voir encadré ci-contre). Une mécanique parfaitement illustrée par le parcours de Rabeb. D’abord parce que, au-delà de la réussite de « sa » champignonnière, la transmission est déjà au cœur de sa démarche. Sous la serre défi lent des étudiants tunisiens, américains, des chercheurs, des stagiaires en fin d’études… Rabeb partage son savoir-faire et assure des formations. Elle souhaite surtout inciter les personnes qui travaillent aujourd’hui avec elle à développer leur propre activité de production de champignons.

Ensuite, parce qu’elle s’appuie aussi sur l’héritage des anciens pour imaginer la croissance de son entreprise. « Et plus particulièrement d’une ancienne, précise Rabeb. Elle s’appelle Mabrouka Athmini, elle est ma voisine depuis l’enfance, une seconde maman et un mentor ! Incroyable herboriste autodidacte, elle m’a transmis sa passion des plantes ». Forte de ces savoirs ancestraux, Rabeb projette d’élargir son activité en développant la culture des plantes aromatiques afin d’expérimenter la fabrication d’huiles essentielles et leurs applications à la cosmétique comme à la recherche médicale.​

Le projet en bref

Culture de champignons comestibles

Qui ? Rabeb Daboussi, lauréate du programme Fikra

Pourquoi ?

  • encourager le droit à l’initiative des « acteurs du changement » issus de la société civile ;
  • proposer des solutions concrètes pour améliorer durablement les conditions de vie des communautés ;
  • contribuer au développement de la région du nord-ouest de la Tunisie.

Où ? Tbainia TUNISIE