« L’ensemble de nos travaux vise à améliorer la prévention en santé publique » - Valérie Siroux
Directrice de recherche INSERM et directrice de l'équipe « Epidémiologie environnementale appliquée au développement et à la santé respiratoire » à l’Institut pour l'Avancée des Biosciences de Grenoble, Valérie Siroux a assuré pendant trois ans la présidence du comité Santé Publique et Environnement de la Fondation de France. Elle revient sur l’impact de l’environnement sur la santé, en particulier sur les liens entre pollution de l’air et maladies respiratoires.
Que recouvre la notion de santé environnementale ?
C’est un domaine de recherche qui s’intéresse aux effets sur la santé que peuvent avoir des facteurs non intrinsèques à l’individu, c’est-à-dire qui ne relèvent pas de la génétique. Il peut s’agir de facteurs psychosociaux, de facteurs chimiques tels que les perturbateurs endocriniens, de facteurs physiques tels que les polluants de l’air, de facteurs biologiques tels que les moisissures ou encore d’agents infectieux comme les virus. L’idée d’un lien entre environnement et santé n’est pas récente. Déjà dans la Grèce Antique, Hippocrate mentionnait dans son traité « Airs, eaux, lieux » qu’il était indispensable de prendre en compte l’environnement pour approfondir la médecine. Vers le milieu du XIXe siècle, la médecine intègre une dimension sociale qui sera déterminante pour faire face aux épidémies, en particulier par des actions sur le contrôle de l’environnement (gestion des déchets, qualité des eaux, mesures d’hygiène…). Puis, à partir du milieu des années 1900, la recherche épidémiologique en santé environnementale se développe, en se concentrant dans un premier temps sur les facteurs comportementaux (tabac, alcool), puis sur la pollution de l’air et les facteurs chimiques. Avec les changements de nos modes de vie et le développement de la chimie de synthèse, les expositions aux contaminants environnementaux sont devenues multiples et complexes. Aujourd’hui, on étudie les impacts de l’environnement au sens large (« l’exposome ») sur la santé.
168 projets ont été soutenus et 13 millions d’euros alloués au programme Santé et environnement, depuis sa création en 2011.
Quels sont les objectifs de vos recherches et sur quels facteurs environnementaux portent-elles ?
L’ensemble de nos travaux vise à améliorer la prévention en santé publique, par l’identification de facteurs environnementaux, donc modifiables, sur la santé. Les maladies chroniques représentent 70 % des causes de décès dans le monde. Si l’on pensait autrefois qu’elles dépendaient principalement de facteurs génétiques, on sait maintenant que l’environnement joue un rôle majeur dans leur développement.
Au sein de notre équipe, nous travaillons par exemple sur les polluants de l’air et leurs effets sur la santé respiratoire. On distingue les effets à court terme, par exemple le déclenchement de crises d’asthme chez des patients asthmatiques après un pic de pollution, des effets de l’exposition à la pollution de l’air au long court sur le développement de l’asthme. Dans le cadre d’un programme de recherche européen (ESCAPE), nous avons réuni plusieurs cohortes dans différents pays pour étudier ces effets à long terme. Cette étude était une des premières à indiquer que l’exposition chronique à la pollution de l’air augmente le risque de développer un asthme à l’âge adulte.
Je collabore aussi avec des biogéochimistes de l’atmosphère comme Gaëlle Uzu (IRD, Grenoble) pour évaluer l’impact des PM (poussières en suspension dans l’air) sur la santé à travers de nouveaux indicateurs d’exposition. Classiquement, les études épidémiologiques mesurent la quantité et la taille des particules, mais il est également important de prendre en compte leur composition chimique et leur réactivité dans le milieu pulmonaire. A titre d’exemple, un microgramme de particules issues des embruns marins n’aura pas les mêmes propriétés chimiques qu’un microgramme de particules issues d’une source de combustion, et donc pas les mêmes effets sur la santé. Le potentiel oxydant des particules permet de mesurer le stress oxydatif, un mécanisme biologique par lequel les particules affectent la santé. Nos premiers résultats indiquent qu’un niveau important d’exposition prénatale au potentiel oxydant des PM est associé à une altération de la fonction respiratoire des enfants à naître.
Quelles avancées vos travaux ont-ils permis ?
Nos travaux, et ceux de la littérature, permettent de quantifier l’impact de l’exposition à la pollution de l’air sur la santé, et participent ainsi à orienter les politiques publiques visant à réduire les expositions de la population. Par exemple, les résultats sur le potentiel oxydant des particules apportent des éléments en faveur de l’intégration de cet indicateur sanitaire dans la règlementation. Il figure actuellement parmi les nouveaux indicateurs de surveillance de la qualité de l’air intégrés dans la proposition de directive européenne relative à la qualité de l’air ambiant qui doit être votée en 2024.
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