Favoriser le lien social pour favoriser le retour à l’emploi
Pour accompagner les personnes les plus éloignées de l’emploi vers un projet professionnel, miser sur le renforcement du lien social n’a rien d’accessoire. Bien au contraire. Focus sur 3 initiatives exemplaires qui ont fait des interactions sociales l’outil de leur modèle d’accompagnement.
Isolement social et accès à l’emploi sont deux problématiques intimement liées. Selon l’étude Solitudes 2022, menée par le Crédoc pour la Fondation de France, le chômage est un facteur déterminant de la solitude. Les personnes privées d’emploi sont ainsi 21 % à être isolées, contre 13 % pour le reste de la population.
« Chômage et solitude sont deux situations qui se nourrissent et c’est bien toute la complexité », explique Hadrien Riffaut, directeur de recherche en sciences sociales et co-auteur de l’étude Solitudes. Manquer de ressources sociales ou de réseaux professionnels réduit les capacités des personnes à rebondir et aller de l’avant. Et inversement, le fait de ne pas avoir d’emploi peut générer de la honte, du repli sur soi qui empêchent d’aller vers l’autre ou de demander de l’aide. Il y a là un cercle vicieux qu’il convient de déconstruire par un accompagnement large des personnes, qui s’attache autant à la reprise d’activité qu’à la réactivation des liens. »
Cette approche systémique de l’insertion, qui agit sur toutes les dimensions de la personne et non une seule, est à l’œuvre dans plusieurs projets soutenus par la Fondation de France. Focus sur ces initiatives exemplaires.
« Le fait de ne pas avoir d’emploi peut générer de la honte, du repli sur soi qui empêchent d’aller vers l’autre ou de demander de l’aide. »
Hadrien Riffaut, co-auteur de l’étude Solitudes
Convergence : un réseau d’acteurs mobilisés pour un accompagnement à 360°
Comment retrouver un emploi ou une formation quand on n’a pas de logement ou d’accès à une couverture sociale ? C’est pour augmenter les chances de réinsertion durable des personnes cumulant plusieurs difficultés que le programme Convergence développe des dispositifs innovants d’insertion fondés sur un accompagnement complet des bénéficiaires. Partant du constat que les chantiers d’insertion classiques ne s’intéressent qu’au volet professionnel mais ne permettent pas d’apporter une réponse aux autres problématiques rencontrées par les personnes (santé, logement, accès aux droits, problèmes psychologiques ou d’addictions…), Convergence leur propose un suivi personnalisé : mise en relation avec les acteurs du champs social et sanitaire, de l’insertion par l’emploi mais aussi du logement et de l’accès aux droits.
L’objectif : lever tous les freins qui pourraient compromettre les chances de réinsertion pérenne. Chaque bénéficiaire est accompagné selon ses besoins par une équipe de référents sociaux dédiés et durant une période pouvant aller jusqu’à 5 ans. Grâce à ce dispositif, les personnes peuvent ainsi mieux s’investir dans la reprise d’une activité professionnelle de manière sereine et durable. Des études menées sur un groupe engagé dans le programme Convergence montrent que 47% des personnes accompagnées ont pu accéder à un emploi ou une formation, 50% ont pu disposer d’un logement durable et les trois quarts d’entre eux ont pu améliorer la prise en charge de leurs problèmes de santé. Développée sur 8 territoires en France, le dispositif a favorisé le retour à l’emploi de 17 00 personnes au sein de 50 chantiers d’insertion.
Point d’eau : l’importance de faire pour et avec les exclus
Créée il y a plus de 30 ans à Grenoble, l’association Point d’eau accompagne les personnes en grande précarité. À l’origine, l’association se limitait à proposer un accueil de jour aux personnes en situation d’exclusion, offrant l’accès à l’eau pour se laver et faire sa lessive. Puis, partant des liens de confiance ainsi créés, elle a peu à peu fait évoluer son offre de services pour répondre à l’ensemble des besoins : santé (hygiène, réduction des risques, accès aux soins), reconstruction de l’estime de soi (activités socio-culturelles et sportives), accès aux droits (accompagnement social, service postal…) ou insertion (participation, retour vers l’emploi…).
Pour proposer ces accompagnements, Point d’eau mobilise des dizaines d’intervenants de tous secteurs, des salariés, des bénévoles mais aussi les bénéficiaires, dont la participation aux actions menées est une des clés essentielles. Loin du modèle aidant/aidé, le dispositif encourage ainsi chaque personne à s’impliquer dans les activités de l’association pour devenir acteur de la vie sociale. À l’accueil, au service des machines à laver, de la bagagerie, aux ateliers cuisine… Depuis 2022, une cuisine professionnelle accueille un chantier d’insertion pour les personnes éloignées de l’emploi. Le lieu, nommé Les Mets Connus, emploie 9 salariés en insertion qui travaillent à la fabrication de biscuits et de plats locaux à emporter.
Fablab : un réseau de tiers-lieu pour entreprendre ensemble
En réponse à des modes de travail et de fabrication qui évoluent, notamment grâce aux techniques numériques, la Fondation de France soutient depuis 2016 un réseau de fablab. De quoi s’agit-il ? D’espaces de travail partagés et collaboratifs (laboratoires, ateliers, bureaux) qui permettent de réfléchir, de concevoir et de produire ensemble toutes sortes d’objets, en utilisant la technologie de pointe telle que la modélisation 3D ou la conception PAO. Durant la crise sanitaire, de nombreux fablab ont par exemple fabriqué du matériel sanitaire et de protection contre la Covid-19 (respirateurs d’urgence, visières de protection, distributeurs de gel hydro-alcoolique à pédale…) pour répondre aux besoins non pourvus. Créateurs de lien social, ces fablab réunissent des entrepreneurs, des citoyens, des étudiants d’horizons divers venus chercher dans le collectif une aide technique, un conseil juridique ou une collaboration utile à la réalisation de leur projet. Ils permettent aussi de lutter contre la fracture numérique en rendant accessibles les technologies les plus avancées (modélisation numérique, imprimante 3D, découpe au laser...).
Pour Marion Ben Hammo, spécialiste de l’innovation sociale à la Fondation de France et en charge du programme Inventer demain, « la digitalisation croissante de la société peut favoriser l’isolement, il est donc nécessaire de soutenir des projets qui créent de la solidarité. Les tiers-lieux répondent à cette problématique, par exemple en favorisant des organisations du travail dans lesquelles des personnes isolées trouvent la possibilité de se sentir moins seules, de partager leurs projets avec d’autres et de créer des synergies inédites ».
Parmi les fablab soutenus, citons La Machinerie à Amiens qui favorise l’insertion professionnelle des décrocheurs scolaires et des personnes éloignées de l’emploi en les initiant aux nouveaux métiers numériques comme l'impression 3D ou la découpe au laser. Ou encore Les Imaginations Fertiles, un espace dédié à l'économie collaborative où les acteurs de l’innovation sociale, du design, de l’économie sociale et solidaire et de l'artisanat mêlent leurs talents et leurs réseaux. Installé au cœur du quartier le Mirail à Toulouse, ce tiers-lieu se veut un espace ouvert sur la cité où des animations à destination des habitants du quartier sont régulièrement organisées.
Tous les articles #causedumois\lien social
- En France, 11 millions de personnes se sentent seules
- « Un écran ne remplacera jamais une rencontre » - Marie-Laure Martin, présidente du comité Personnes âgées
- La gestion vertueuse des forêts, un enjeu prioritaire de la transition écologique
- Lien social, le terreau de notre engagement
- ► Point d’Eau, un acteur clé dans la lutte contre la grande précarité à Grenoble