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Climat : comprendre et agir… vite !

7 décembre 2020

Face au dérèglement climatique, il est urgent d’agir ! Les chantiers sont immenses : il s’agit de mesurer le phénomène, ses conséquences, mais surtout de construire des modes de vie et de production moins « climato-perturbants ». Les acteurs de la philanthropie accélèrent leur engagement sur ce terrain, en apportant leur soutien au monde scientifique comme aux citoyens… parfois réunis dans des projets communs.

Contenir le réchauffement climatique dans les limites d’1,5 degré d’ici 2100 : l’objectif de l’accord de Paris -extrêmement ambitieux- implique des révisions majeures, particulièrement pour les pays les plus développés, et pour les économies en croissance. Sur ce front, les États seuls ne peuvent pas tout. « La mobilisation de la société civile est essentielle pour trouver et mettre en œuvre des solutions innovantes, pour initier des coopérations nouvelles, et changer en profondeur nos façons de produire, de consommer et de vivre. A la Fondation de France, nous sommes convaincus du rôle clé que peuvent et doivent jouer les fondations pour accompagner et soutenir ce mouvement », souligne Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France.

22 millions
C’est le total des engagements de la Fondation de France et des fondations abritées en faveur de l’environnement

Accélérer la mobilisation philanthropique

En réponse à ce défi, le Centre français des fonds et fondations (CFF) a lancé le 19 novembre 2020 « La Coalition Française des Fondations pour le Climat ». Cette initiative vise à susciter une prise de conscience et une mobilisation rapide des fondations et fonds de dotations, quelle que soit leur taille ou leur mission, sur les questions climatiques. Soutenue  par 8 partenaires1 dont la Fondation de France, la coalition sera un outil de partage d’expériences et  de ressources, de valorisation des meilleures pratiques en vue de leur essaimage. « Nous sommes tous concernés, affirme Marie-Stéphane Maradeix, déléguée générale de la Fondation Daniel & Nina Carasso, à l’origine de la coalition. Nous pouvons agir sur les effets du dérèglement climatique pour les réparer, mais aussi sur les causes. Les fondations peuvent travailler à l’hybridation des actions, réunir les parties prenantes, financer des solutions éventuellement disruptives, les diffuser en open source et partager les apprentissages ».

Réchauffement climatique : quel impact sur la santé ?

Les variations de température, et spécifiquement les épisodes de canicule, ont-ils un impact sur le poids de naissance, la prématurité, la respiration des nouveaux nés ? Et pour les adultes, notamment asthmatiques, ont-ils un effet sur les capacités respiratoires ? Pour éclairer ces questions, le programme Recherche médicale de la Fondation de France a choisi de soutenir le projet de recherche de Johana Lepeule (Inserm / CNRS), dans le cadre de son axe « santé et environnement ».

La recherche, pour éclairer les citoyens et les décideurs

La question du changement climatique est déjà au cœur de nombreuses initiatives philanthropiques. Notamment en matière de recherche, indispensable pour éclairer les citoyens, nourrir la décision politique sur des bases scientifiques éprouvées. La Fondation BNP Paribas, abritée à la Fondation de France, en a fait l’un de ses 3 axes d’intervention. Son programme « Climate & Biodiversity Initiative » vise à comprendre les effets du réchauffement sur la biodiversité, à en évaluer les conséquences et à permettre aux acteurs de modifier leurs comportements. En 10 ans, elle a investi 18 millions d’euros en soutien à 27 équipes de recherche, et sensibilisé 400 000 personnes à travers des conférences et des expositions. Les 9 lauréats de son appel à projet 2019 mobilisent des équipes internationales et pluridisciplinaires.

Le projet LIFE WITHOUT ICE, qui étudie les conséquences de l'extinction des glaciers pour la biodiversité et les populations à l'échelle mondiale, est lauréat du programme « Climate & Biodiversity Initiative » de la Fondation BNP Paribas. © IRD-Olivier Dangles

De la nature… à l’agriculture

Parmi eux, le projet LIFE WITHOUT ICE, porté par l’Institut de Recherche pour le Développement - qui étudie les conséquences de l'extinction des glaciers pour la biodiversité et les populations à l'échelle mondiale. Ou le projet CAMBIO - mené par l’Université de Ghent en Belgique-  qui vise à faire du reboisement une réponse au changement climatique, en identifiant les mélanges d'essences les plus adaptés et résistants face aux événements extrêmes. "Ces projets de recherche ne sont pas juste un exercice intellectuel, il s’agit aussi d’une démarche responsable, explique Philippe Gillet, président du Comité scientifique du programme.  Les recherches retenues doivent être en adéquation avec les attentes des citoyens. Elles doivent aussi ouvrir la porte vers des solutions et des décisions politiques."

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Démarche partagée au sein du programme Agroforesterie mené par la Fondation de France depuis 2011. Son hypothèse de départ : la pratique de l’agroforesterie, qui combine au sein d’une même parcelle des arbres et des cultures, peut être l’une des réponses de l’agriculture face au dérèglement climatique. En moins de 10 ans, le programme a financé 81 projets. Comme les travaux de recherche de Guillaume Blanchet à l’UMR-Systeme (Unité mixte de recherche) [2], sur la résistance des espaces cultivés en agroforesterie face au stress climatique et hydrique (plus de chaleur, moins de pluies). Des observations menées d’abord dans une ferme expérimentale installée dans l’Hérault, reconstituant ces conditions, puis en laboratoire, grâce à des outils de simulation numérique permettant d’extrapoler les observations de terrain. A la clef : les résultats attendus permettront de sécuriser la trajectoire des agriculteurs qui envisagent d’adopter ces nouvelles pratiques.

La recherche en agroforesterie permet de comprendre les interactions entre les arbres, le microclimat et la production légumière. © Thomas Salva

Un mouvement collectif

Car l’heure est au passage à l’acte. La question climatique est par nature transversale. Ce qui est vrai en agriculture l’est également dans tous les domaines :  le logement (selon l’Ademe, le bâtiment consomme près de la moitié de toute l’énergie et génère 20 % des gaz à effet de serre en France ), le transport (14 % du total des émissions de gaz à effet de serre)[3], la production industrielle, le commerce… Aucun secteur de la vie économique et sociale ne peut échapper à une révision majeure de son fonctionnement. Et pour cela, il est essentiel que les citoyens -qui sont aussi consommateurs et salariés- s’impliquent, s’organisent, innovent et expérimentent collectivement des solutions.

Cette philosophie ouverte et participative guide les nombreux projets intégrant la question climatique dans les différents programmes de la Fondation de France.  Par exemple le programme Habitat, quand il choisit de soutenir la démarche d’Energies solidaires, une association qui conjugue les luttes contre la pauvreté et contre le réchauffement climatique. En Ile-de-France, elle organise des chantiers de rénovation des logements de familles précaires, en associant les familles, des bénévoles et des professionnels. A la clef : une amélioration des conditions de vie, une réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, et une prise de conscience : chacun a le pouvoir d’agir à son échelle.

Exemple d'isolation d'une toiture avec des écomatériaux. © Thomas Salva

Agir ici, maintenant, ensemble

C’est aussi le cas du programme Transition écologique, qui aborde ces mutations comme un levier de transformation de la société, vers plus de participation citoyenne et de solidarité. « La société civile est prête à s’impliquer : depuis 2016, nous avons pu soutenir près de 200 projets, note Laetitia Bertholet, responsable des programmes Environnement à la Fondation de France. La question climatique est rarement isolée. Au cœur des projets, elle est associée aux enjeux de la biodiversité, du développement local, de l’éducation à une consommation responsable… car tout est lié. Nous soutenons par exemple le collectif  Vent d’ouest à Caen : l’initiative d’un groupe de citoyens qui réfléchissent ensemble à l’évolution de leur quartier vers des modes de fonctionnements plus durables. Ou encore Coopere 34, dans l’Hérault, pour son projet visant à poursuivre la dynamique entamée au niveau national par la Convention citoyenne pour le climat. Sans attendre que les solutions viennent « d’en haut », ces habitants débattent et s’organisent pour s’approprier localement les mesures proposées par la Convention. »

Fondation 2019 : la recherche économique en première ligne

« La science économique devrait être intimement liée à l’écologie, or ses croyances fondamentales et ses instruments de mesure reposent sur le pari d’une croissance infinie sur une planète finie ! » C’est face à ce paradoxe que Romain Ferrari a créé la Fondation 2019. Sa mission : recenser, développer et tester de nouveaux outils de mesure économique, qui prennent en compte les impacts environnementaux et sociaux. La Fondation 2019 soutient des recherches en partenariat avec des universités, des centres de recherches et des agences spécialisées. « Avec un objectif à terme, souligne le fondateur. Que ces outils éco-compatibles soient un jour adoptés pour orienter les choix, notamment pour modifier les régimes fiscaux, et dans la comptabilité des entreprises ou entités publiquespour une véritable transparence de leurs résultats ». Exemple de travaux en cours : une « TVA circulaire » pour favoriser les produits et services à faible impact, développée en partenariat avec l’ADEME et qui fait débat à l’Assemblée Nationale.

Après les catastrophes, reconstruire autrement

Cette implication citoyenne est d’autant plus précieuse dans les situations de reconstruction après les catastrophes naturelles. Comment ne pas reproduire les erreurs du passé, comment adopter des modes de vie plus durables ? La Fondation de France accompagne ainsi les habitants de la vallée du Thangpal, au Népal, durement touchés par le séisme de 2015. Passée l’action d’urgence (soigner, mettre à l’abri), place à la relance de l’activité économique pour les familles. « Et elles veulent s’orienter vers des modes de production plus résistants face aux risques de catastrophes, notamment climatiques, explique Karine Meaux, responsable des programmes Urgences. Avec une transition vers l’agriculture bio, moins consommatrice d’intrants chimiques et d’eau, avec un travail de reforestation qui vise à stabiliser les sols et à capter du carbone, avec un programme ambitieux de formation et de sensibilisation aux enjeux du changement climatique. »

Cinq après les tremblements de terre au Népal, l’agroecologie est au cœur des projets de la fondation de France comme mode de développement, de lutte contre le réchauffement climatique et de prévention des risques. © D.R

Opérer la jonction chercheurs-citoyens 

Comprendre d’un côté avec la recherche, expérimenter de l’autre avec les citoyens… et si ce fonctionnement en silo pouvait être dépassé ? L’expérience a montré que les résultats scientifiques seuls ne suffisaient pas à impulser des transformations durables. Et que les initiatives qui ne reposent pas sur un étayage scientifique sont fragiles. D’où l’idée d’une « recherche participative » qui se propose d’associer les deux mondes. Un mouvement dans lequel s’inscrit le programme de recherche-action sur le littoral, opéré depuis 2011 par la Fondation de France. Avec le réchauffement, l’acidification des océans et la montée de la mer, les côtes et les milieux maritimes sont en effet au premier rang des victimes des désordres climatiques. Le littoral constitue aussi des régions très peuplées, et très attractives, où la pression humaine, économique, touristique est forte. Tous les projets soutenus par ce programme sont orientés vers cette coopération entre scientifiques de différentes disciplines et citoyens. Par exemple PHENOMER[4], une plateforme qui fait appel aux observations du grand public pour signaler l’apparition de désordres liés aux micro-algues (coloration de l’eau, mousse abondante, mortalité anormale d’espèces...). Les données rassemblées décuplent les capacités d’observation et d’analyse des scientifiques, pour comprendre le phénomène. Ou le projet ACID-REEFS, qui observe la réponse des récifs coralliens face à l’acidification des océans. Ces récifs jouent un rôle majeur dans les équilibres écologiques et économiques en Polynésie Française. Dès le départ, le projet a associé 6 centres de recherches internationaux et nationaux, l’Institut des Récifs Coralliens du Pacifique et 2 associations locales de Polynésie française. Pour appréhender à la fois les questions de biodiversité et d’organisation humaine, et avec l’objectif de proposer un plan d’action pour les petits pays insulaires du pacifique. Pour comprendre et agir… vite.

Objectifs de développement durable : une « grille de lecture » pour les philanthropes

Au coeur de l'Agenda 2030, l’ONU a fixé 17 Objectifs de développement durable (ODD), qui couvrent l'intégralité des enjeux de développement dans tous les pays tels que le climat, la biodiversité,  la pauvreté, l'égalité des genres, la prospérité économique, l'éducation, etc. Pour tous les organismes -des pays aux collectivités locales en passant par les entreprises et les associations- il s’agit de partager un langage commun pour suivre la transition écologique et solidaire. La Fondation de France en a fait un outil de pilotage : depuis 2019, les quelque 10 000 projets d’intérêt général soutenus chaque année par la Fondation de France et les fondations abritées sont qualifiés à l’aune de leur contribution à l’un ou plusieurs des ODD.

 

[1] La coalition est soutenue par 8 partenaires : la Fondation Daniel et Nina Carasso, la Fondation de France, la Fondation Groupe EDF, la Fondation BNP-Paribas, la Fondation Chanel, le Fonds Decitre, Fonds de Dotation Vital Strategies, et le Donors and Foundations Networks in Europe (DAFNE).

[2] L’UMR System est sous la tutelle du Cirad , de l'Inra, de Montpellier SupAgro  et du CIHEAM-IAMM.

[3] Sources : https://www.facilogi.com/blog/adapter-le-logement-au-rechauffement-climatique/

http://les.cahiers-developpement-durable.be/outils/transports-climat/

[4] PHENOMER est un dispositif piloté par l’Ifremer et ses partenaires scientifiques (Station Biologique de Roscoff, , IUEM-LEMAR) et associatifs (Cap vers la Nature)