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Protéger les plus vulnérables, libérer les talents !

24 juin 2020

Anne Bouvier, responsable des programmes Enfance et Éducation de la Fondation de France

Faire en sorte que chaque enfant grandisse dans des conditions dignes, favoriser l’expression des potentiels et des jeunes talents, encourager l’ouverture au monde et à la citoyenneté… c’est tout simplement préparer le monde de demain. C’est aussi l’une des causes majeures du mouvement philanthropique.

La Fondation de France est aux côtés des enfants et des jeunes… de leur naissance jusqu’à leurs 30 ans ! Quels sont, pour vous, les enjeux autour de cette période de la vie ?

Il s’agit d’accompagner et d’aider les familles en grande difficulté pour préserver les plus jeunes des conséquences de la précarité et de la pauvreté. Et dans ce domaine, les situations s’aggravent dramatiquement, notamment avec le développement de la grande pauvreté et l’arrivée de migrants : des parents, de jeunes mères isolées avec leur bébé se retrouvent à la rue, aux portes des grandes villes. Les associations estiment ainsi que 700 enfants dorment dehors à Paris chaque nuit, au cœur de l’hiver ! Les équipes des maternités témoignent de situations d’extrême dénuement de plus en plus fréquentes. En outre, depuis un an, nous recevons de nombreux projets autour des enfants exposés aux violences intrafamiliales. Signe d’un mouvement plus vaste, celui d’une société qui ouvre les yeux sur les violences conjugales. Nous avons soutenu 900 projets pour accompagner les enfants et leur famille en difficulté. L’objectif ? Restaurer les capacités des adultes dans leur rôle de parents, protecteurs et éducateurs. C’est ce que fait l’association Paroles de femmes à Gaillac, dans le Tarn, avec Des mots pour le dire, qui propose des séances de travail mères-enfants, des groupes de parole sur la parentalité ou bien encore des ateliers d’art-thérapie pour les enfants… Autant de propositions constructives pour aider les femmes et enfants victimes ou témoins de violences à exprimer leurs émotions, à dépasser la honte et la colère pour retisser des liens durables.

Et quand il n’y a pas de famille, quels types d’acteurs soutenez-vous ?

C’est une question de plus en plus cruciale, avec l’afflux de jeunes mineurs non accompagnés (JMNA). Des migrants de 12 à 18 ans font le voyage seuls, se retrouvent sans ressources, à la merci de tous les trafics. Les services de protection de l’enfance sont débordés. Il s’agit, alors, d’accompagner des initiatives citoyennes et associatives, comme la démarche portée par l’association Moissons nouvelles, au sein de la Maison d’enfants de Châteauroux, dans l’Indre, qui prend en charge des JMNA. Premier levier d’insertion scolaire ou professionnelle : la maîtrise de la langue française. L’association a ainsi monté un laboratoire d’apprentissage du français qui s’appuie sur des outils numériques et sur la participation d’enseignants retraités !

C’est toute une communauté qui se mobilise pour « armer » ces jeunes pour la vie.

Vous menez également de longue date des actions pour aider les jeunes à trouver leur chemin et pour lutter contre le décrochage scolaire…

Oui, nous avons plusieurs axes d’intervention : Aidons tous les collégiens à réussir et Grandir en cultures. Nous venons aussi en aide financièrement aux jeunes sans soutien familial et délivrons, enfin, des bourses dans le cadre du concours Déclics jeunes. Autant d’actions qui visent à aider les jeunes à s’émanciper, à devenir des citoyens responsables. Cette volonté de développer leur « pouvoir d’agir » irrigue des courants éducatifs de plus en plus forts, avec des démarches privilégiant la participation des jeunes eux-mêmes. Nous recevons des projets nombreux, créatifs, bien ficelés ! Le monde éducatif se montre de plus en plus ouvert. Les actions innovantes se développent en dehors du cadre des disciplines académiques. Elles « embarquent » différentes matières, différentes classes, elles s’ouvrent sur leur quartier et sur le monde. Par exemple, ces six écoles primaires et collèges qui se sont regroupés pour travailler en réseau, autour d’un grand projet sur le changement climatique. Les enfants concernés sont issus de milieux sociaux très divers, de la ville comme de la zone rurale, et viennent d’établissements publics ou privés. Le projet, qui se déroule sur deux ans, aura pour point d’orgue une expédition scientifique au Groenland, avec 18 enfants ambassadeurs de leur école et de leur commune. Par ailleurs, le champ des innovations pédagogiques intéresse plusieurs fondations abritées, comme la Fondation Montessori ou encore la Fondation Sève, qui promeut les « ateliers philo » dès l’école primaire.

L’interdisciplinarité et le décloisonnement semblent être le fil rouge de vos actions ?

Oui, car les problèmes auxquels font face ces jeunes sont complexes et multifactoriels ! Ainsi, par exemple, notre axe d’intervention Grandir en cultures ne se limite pas à mettre les enfants défavorisés au contact des arts et de la culture. Les pratiques artistiques ou scientifiques proposées doivent être au service d’enjeux de société : agir pour l’environnement, vivre ensemble avec nos différences, s’ouvrir à la citoyenneté. L’ouverture culturelle et la création deviennent ainsi des leviers, pour se construire en tant qu’adulte.

Repères en 2019

De la Fondation Béatrice Schönberg pour l’éducation des filles à la Fondation Engagement Médias pour les jeunes, en passant par la Fondation Auchan pour la jeunesse ou bien encore la Fondation Lire et comprendre, 55 fondations abritées par la Fondation de France s’engagent spécifiquement pour l’enfance et l’éducation, et de très nombreuses fondations à objets multiples mobilisent une partie de leurs fonds pour cette cause.

La Fondation de France propose, par ailleurs, quatre appels à projets: Accompagner les enfants, leur famille et les jeunes en difficulté, Soutenir les jeunes en souffrance psychique, Cap au vert, Grandir en cultures, pour un total de 2,7 millions d’euros.

Enfin, une série de bourses sont versées chaque année à des jeunes sans soutien familial, pour les accompagner dans leurs projets de vie (études, permis…). Quant au concours Déclics jeunes, il sélectionne et soutient chaque année 20 jeunes porteurs d’un projet d’intérêt général. Ces aides sont financées par la générosité des donateurs et par des fondations abritées.