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La philanthropie, alliée de la démocratie

21 Jui.2024

Urgence climatique, inégalités sociales, crises humanitaires… La philanthropie s’attache à relever les grands défis de nos sociétés, tout en œuvrant à les rendre plus inclusives et plus justes, respectueuses des différences, des droits de chacun et des libertés collectives. Si la promotion des valeurs démocratiques oriente de plus en plus les engagements des fondations, elle inspire aussi leur fonctionnement.

Une démocratie de plus en plus bousculée

Accélération des mutations, besoin de protection, repli identitaire, montée de l’autoritarisme dans le monde, tendance aux communautarismes, rétrécissement de l’espace civique, polarisation des opinions, défiance par rapport au savoir, à la science, aux médias et même à la vérité… les modèles démocratiques font l’objet de nombreuses remises en question et l’espace démocratique se fragilise.

La liberté du débat démocratique est souvent mise à mal, tiraillée par la polarisation des opinions qui laisse peu de place à la nuance, à l’expression d’avis différents, à la confrontation d’idées dans le respect et l’écoute de l’autre. Tout ceci conduit à une dévitalisation de la démocratie et une remise en cause des valeurs de liberté d’expression, de représentativité, d’égalité, d’inclusion qui la fondent.

Quelle place dans ce contexte pour la philanthropie ? Quels sont ses leviers d’action ? Et quelle est sa légitimité pour agir au nom de l’intérêt général ?

Une action directe en faveur de la démocratie

Face à la menace qui pèse sur la démocratie, la philanthropie est un engagement. « Le terme de démocratie était très présent dans les actions des fondations en Europe de l’Est et du Sud-Est, mais en France, il émerge surtout depuis 1 an, explique Alexandre Giraud, directeur de l’Action philanthropique à la Fondation de France. Est-ce lié à la proximité et au renforcement du conflit en Ukraine, qui fait peser une lourde menace sur le front démocratique ?  Au fait que le dialogue entre politiques devient de plus en plus difficile, se polarise, ce qui constitue aussi une menace pour l’avenir de la démocratie et une de ses valeurs premières, la liberté d’expression ? Ou encore que la démocratie représentative fait de moins en moins recette auprès des jeunes, ce qui conduit aussi à une recomposition du paysage politique ? Le numérique, avec l’explosion des réseaux sociaux, contribue aussi à fragiliser la démocratie, favorisant la propagation de fausses informations, les raccourcis de pensées et les opinions binaires, ne laissant aucune place à la nuance et l’argumentation constructive dans les débats. Je pense aussi que nous avons pris conscience que la démocratie n’était finalement pas un état de fait immuable et que même la France n’était pas préservée par rapport à ce recul démocratique. C’est donc très important que les fondations se penchent sur le sujet, endossent ce rôle plus « politique » et s’engagent à la fois à restaurer la confiance dans les valeurs de la démocratie et à préserver ce bien précieux, garant des libertés individuelles et du vivre ensemble ».

Pour préserver la vitalité de la démocratie, les fondations encouragent et favorisent le développement d’initiatives de différente nature : soutien aux médias indépendants, accès à l’information/pluralisme de l’information, soutien à la société civile…

Créée en 2023 par Sarah Durieux, la Fondation Multitudes  soutient, au niveau européen, des actions qui s’articulent autour d’une conviction : lutter contre les injustices passe par le fait de préserver et régénérer la démocratie. « La philanthropie développe de multiples initiatives mais elle s’intéresse trop peu à ce qui permet d’accomplir ses missions. A savoir une démocratie qui fonctionne. Notre système démocratique ne fait plus recette, notamment auprès des jeunes, car il ne respecte pas les règles de parité sociale. En France, 60 % des députés sont issus des classes supérieures alors qu’elles ne représentent que 10 % de la population. Pour raffermir la démocratie, il faut un leadership inclusif et des processus décisionnels qui reflètent notre société dans son ensemble », explique Sarah Durieux.

La Fondation Multitudes soutient des projets qui incitent les partis politiques à inclure des personnes issues de tous les groupes sociaux dans leur leadership. Elle accompagne des programmes incitant les jeunes à se réinvestir dans la politique pour en faire un moyen d’action, et lui permettre de fonctionner mieux. Elle finance une quinzaine de projets en Europe, comme l’association italienne Fantapolitica qui encourage des personnes de moins de 30 ans à s’engager dans la vie municipale. Par ailleurs, elle multiple les espaces de discussion. « Notre dimension européenne permet un partage d’expériences très riche, qui évite les systèmes en silos - pays par pays et expertise par expertise. Nous développons une communauté de pratiques avec des gens qui travaillent sur ces questions - des chercheurs, des philanthropes. Le mois dernier, nous avons réunis à Paris les équipes de Fantapolitica et celles d’associations françaises et allemandes autour de la démocratisation de la politique ».

Autre exemple de mobilisation au niveau européen, l’alliance Civitates , rejointe par la Fondation de France en 2017, qui regroupe plusieurs fondations européennes membres du Network of European Philanthropy (NEF). Ensemble, elles ont lancé un fonds commun pour défendre et promouvoir la démocratie en Europe. Depuis sa création, il a soutenu plus de 50 organisations dans 18 pays pour un montant total de 13 millions d'euros : « Civitates a trois domaines d’intervention prioritaires : le soutien à la société civile et la défense des libertés de se réunir et de s'associer ; le soutien aux médias d’intérêt public indépendants ; et le soutien aux organisations qui s’intéressent à l’impact des nouvelles technologies sur les institutions démocratiques », explique Elisa Peter, directrice du fonds.  

Plus récemment en France, plusieurs fondations (Porticus, Fondation de France, Fondation Danielle Mitterrand, OSF) ont créé le fonds pour la démocratie, avec la volonté de créer une structure philanthropique dédiée à cette thématique. « La démocratie est une condition et une composante essentielle de l’intérêt général, au carrefour de toutes les grandes causes pour une société plus juste, écologique et solidaire, explique Laetitia Veriter, responsable philanthropique à la Fondation de France. Nous œuvrons pour faire émerger une initiative philanthropique collective et ambitieuse, dédiée à l’enjeu de la vitalité démocratique française. Elle vise à soutenir des associations ou des mouvements qui favorisent l’éducation à la citoyenneté et le pouvoir d’agir de toutes et tous, luttent contre la désinformation, participent à la protection de l’Etat de droit, renforcent la participation des personnes discriminées et éloignées de la sphère publique, proposent de nouvelles pratiques, de nouveaux imaginaires démocratiques, et embarquent notamment les nouvelles générations. »

Promouvoir les valeurs démocratiques

Pour Pierre Sellal, Président de la Fondation de France, « la philanthropie a longtemps été indissociable de la notion de progrès : le monde n’est pas condamné au « mal », il peut être rendu meilleur par la volonté et l’action, l’altruisme et les solidarités, la capacité de faire ensemble et l’efficacité qui en découle. Notre époque est moins à l’aise avec l’idée de progrès, et le philanthrope se considère sans doute moins démiurge que par le passé. Il reste cependant épris de vérité, de savoir et de connaissance, dont la relégation ou la contestation sont les indices de sociétés d’inégalités et de tensions. C’est pourquoi la philanthropie est éminemment présente dans le soutien à l’éducation, à la recherche, à la science, qui sont gages sinon de progrès, en tout cas d’aisément, de références partagées et de capacité au dialogue. »

Ainsi, même si leur objet ne contient pas le mot démocratie, de nombreuses fondations contribuent à la faire vivre et en porter les valeurs :  réduire les inégalités, favoriser l’accès à l’éducation, aux droits, agir contre les discriminations, la désinformation, promouvoir une information de qualité et pluraliste, contribuer à la création artistique et son rayonnement…  sont autant d’engagements à forte résonnance démocratique.

La place de plus en plus importante du numérique dans la société engendre également de nombreux enjeux démocratiques : comment lutter contre la désinformation et la manipulation de l’opinion par des acteurs publics ou privés sur les réseaux sociaux, notamment dans des contextes d’élections ? Comment favoriser l’accès à une information fiable et de qualité dans la sphère numérique ? Comment rendre accessible les outils numériques au plus grand nombre tout en protégeant les citoyens et leurs données ? Autant d’enjeux dont se saisissent plusieurs acteurs de la philanthropie, comme le « sous-fonds » Tech et démocratie de l’alliance Civitates, destiné à lutter contre les effets néfastes de la technologie sur la démocratie. Autre exemple d’initiative, l’European AI and Society Fund, créé en 2020 par un consortium de fondations européennes et hébergé à Bruxelles par le NEF. Sa mission : s'assurer que la société civile puisse être un partenaire actif et efficace dans l'élaboration de la règlementation autour de l'Intelligence Artificielle en Europe, afin qu’elle réponde aux besoins des personnes et de la société.

Par ailleurs, pour trouver des solutions efficaces et durables, la coopération et l’action collective, qui sont des formes de fonctionnement démocratique, sont indispensables. Thierry Pech, directeur général du think tank Terra Nova, insiste sur l’importance de construire de larges consensus pour affronter les grandes transitions qui nous attendent : écologiques, démographiques, numérique…(1) « Les enjeux climatiques nécessitent de nombreuses transformations de nos choix quotidiens, et appellent de nouvelles formes de démocratie, au-delà de la démocratie représentative ».

Participation des publics concernés et coopération

L’esprit de co-construction, qui tend à devenir la règle, est de plus en plus présent dans les actions menées par les fondations, de même que l’implication des personnes concernées. « Nous soutenons fortement la participation active des personnes dans le choix et le suivi des actions qui les concernent, souligne Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France. Cette implication est l’un des critères-clé dans la sélection des projets que nous soutenons. Elle répond à une exigence démocratique, car elle redonne aux gens le pouvoir d’agir, et remplit une fonction d’efficacité avec une conviction. Pour réussir, on ne fait pas pour, on fait avec ».     

La coproduction est au cœur du modèle de la Fondation Un Monde par tous, créée en 1996 par Patrick Lescure. « Nous nous concentrons sur un triple défi : la crise écologique, l’explosion des inégalités et l’érosion des valeurs démocratiques et humanistes. Nous accompagnons près de 40 associations qui agissent sur le terrain tout en cherchant à s’attaquer à l’origine des problèmes et à offrir des alternatives, via des actions de plaidoyer et de résistance ». Un Monde par tous soutient des associations d’aide aux migrants comme l’Anafé (Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers) qui mène des travaux de réflexion et des actions de sensibilisation sur la question des migrations. Dans le champ de l’écologie, elle accompagne des associations qui promeuvent l’agriculture paysanne, la biodiversité cultivée, la souveraineté alimentaire et foncière. Le tout dans une relation de confiance avec les acteurs qu’elle finance. « Ce sont eux qui détiennent l’expertise. Je ne place pas la fondation dans la posture : je décide et je distribue. Nous sommes les maillons d’une chaîne, des acteurs parmi d’autres qui agissent pour le bien commun ».

 Philanthropie privée et intérêt général

Si la philanthropie s’engage pour la démocratie, elle doit aussi faire sien, dans ses pratiques, l’esprit de la démocratie. De nombreuses fondations introduisent la collégialité dans leurs modes de fonctionnement. Elles intègrent des compétences spécifiques, la représentation des salariés lorsqu’il s’agit de fondations d’entreprise mais aussi l’implication des personnes concernées dans les processus de sélection, de mise en œuvre et de généralisation des programmes.

« Les fondations s’attachent à développer des modes d’intervention démocratiques ; qu’il s’agisse du choix des actions, d’une mise en commun d’idées et d’expériences, ou même d’une transformation de leur fonctionnement en interne », souligne Sylvain Lefèvre, dans l’étude « Philanthropie et Démocratie, enjeux et perspectives pour les fondations au XXIème siècle ».(2)  

Et comme dans toute démocratie, il y a un équilibre à trouver entre pouvoir et contre-pouvoir, Nicolas Duvoux, qui a co-réalisé cette étude, indique que la philanthropie peut même agir « comme un contre-pouvoir dès lors que les causes qu’elle soutient ont du mal à avancer ». Car l’une des particularités de la philanthropie, c’est « qu’elle s’inscrit dans un temps long, en n’étant pas assujettie au temps court du marché ou la procédure électorale, ce qui en fait non pas un instrument de la conservation des ressources mais un instrument de réformes et d’innovation de la société ».

A l’écart de tout impératif d’échéances électorales ou de rentabilité, les fondations apportent ainsi une contribution importante et totalement complémentaire de l’action de l’Etat. Elles peuvent se permettre d’être audacieuses, de prendre des risques pour accompagner les projets les plus innovants, misant sur le temps long et en acceptant l’incertitude inhérente à toute recherche. Ainsi, la philanthropie exerce sa liberté avec cette possibilité d’agir, cette capacité à poser des questions, à interpeller, ce qui contribue aussi à la vitalité démocratique d’un pays.

L’expérimentation du programme « Territoires zéro chômeur de longue durée » en est une illustration. Initiée par ATD Quart Monde en partenariat avec plusieurs fondations, elle a abouti à une loi adoptée par le Parlement en 2016. Autre exemple, le projet de la Maison des femmes de Saint-Denis, conçu par la gynécologue Ghada Hatem, et soutenu par plusieurs fondations dont Kering, Raja et la Fondation de France. « Lorsque j’ai imaginé cette maison qui offrait à la fois une structure médicale et une unité de prise en charge des violences faites aux femmes, je suis allée voir mon ministre de tutelle qui a refusé ce projet car il était trop singulier et n’entrait pas dans les cases. Sans la philanthropie, il n’aurait jamais vu le jour ». La Maison des Femmes est aujourd’hui financée à 60 % par les pouvoirs publics. Preuve que la philanthropie complète et enrichit l’action de l’Etat, jouant à part entière son rôle de créateur d’innovation.

 


(1) Rapport Terra Nova : quel rôle et quelle place pour la philanthropie dans une démocratie aujourd’hui ?
(2) « Philanthropie et Démocratie, enjeux et perspectives pour les fondations au XXIème siècle », par le sociologue français Nicolas Duvoux et le politiste canadien Sylvain A. Lefèvre.

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