La Fabrique du Regard : apprendre aux jeunes à décrypter le monde par l'image
À l’heure où les images façonnent notre rapport au monde, La Fabrique du Regard, le pôle pédagogique de l’association Le BAL, propose un dispositif ambitieux d’éducation à l’image et aux médias. Au travers d’ateliers de découverte, de sensibilisation et de création, ce projet soutenu par le collectif culture et création de la Fondation de France, accompagne les jeunes du primaire au lycée dans l’analyse des images et les invite à devenir acteurs de leurs propres représentations.
Créé en 2010 dans le 18ème arrondissement de Paris par le photographe Raymond Depardon et Diane Dufour, commissaire d’exposition et ex-directrice de l’agence Magnum Photos, LE BAL est un lieu dédié à l’image contemporaine sous toutes ses formes : photographie, vidéo, cinéma, nouveaux médias. Son pôle pédagogique, La Fabrique du Regard, mène depuis 2008 un travail en profondeur pour former les jeunes à et par l'image. En 15 ans, c’est près de 30 000 jeunes qui ont été formés dans 275 quartiers d’Île-de-France, du primaire au lycée, dans les établissements scolaires ou au sein de structures socio-éducatives.
Chaque année en juin, un festival vient couronner ce travail collectif. Du 3 au 8 juin derniers, LE BAL a accueilli une restitution publique des projets : vernissage, rencontres entre élèves, enseignants, artistes et éducateurs, et parcours immersif à travers les productions réalisées tout au long de l’année. L’occasion de faire dialoguer les créations audiovisuelles avec les grands enjeux sociétaux et de valoriser des méthodes pédagogiques innovantes.
Fabriquer le regard : un enjeu d’éducation
Les adolescents sont confrontés en permanence à un flot d’images : réseaux sociaux, chaînes d’information, vidéos virales… Mais ont-ils les outils pour les décrypter ? La Fabrique du Regard leur propose d’apprendre à observer, à interroger, à décoder les messages, à distinguer information et opinion, mise en scène et témoignage. L’objectif : leur permettre de mieux comprendre ce qu’ils voient et de garder une distance critique, notamment face aux discours complotistes et aux fausses informations.
Destiné aux jeunes de 6 à 25 ans, en particulier ceux issus de quartiers prioritaires d’Île-de-France, le programme favorise aussi l’accès à la culture et à la création artistique. Il s’appuie sur les enseignants, qui bénéficient eux-mêmes de formations spécifiques. Plus de 1 200 enseignants et bibliothécaires ont ainsi été formés, participant à la construction d’un véritable réseau pédagogique et culturel sur le territoire. « Dans le projet du BAL, il y a toujours cette question : comment les images peuvent-elles nous aider à mieux saisir les enjeux de société ? La Fabrique du Regard s’inscrit pleinement dans cette démarche, en impliquant les jeunes dès le plus jeune âge à travers des ateliers qui croisent création, réflexion et engagement », souligne Christine Vidal, co-directrice du BAL.
Les élèves découvrent leurs œuvres lors du festival de la Fabrique du Regard © Marianne Baisnée
Une pédagogie collaborative et transversale
Déployé sur toute l’année scolaire, le projet propose à 85 élèves par an un parcours de 15 à 60 heures, pensé en deux temps : voir et faire. La première phase, entre novembre et janvier, est dédiée à la découverte. Elle comprend trois ateliers : une analyse collective autour de l’image en classe, une projection de courts-métrages au cinéma, et une visite d’exposition au BAL. Ces rendez-vous permettent d’explorer les codes de l’image contemporaine et d’en interroger les enjeux.
La seconde phase, de février à avril, est consacrée à la création. Les élèves s’appuient sur différents outils et approches : photographie, film, prise de son, logiciels d’IA, interview, narration visuelle... Chaque classe conçoit une œuvre collective, fruit d’un processus mêlant écriture, analyse, mise en voix et réalisation. Les jeunes sont accompagnés tout au long du processus par leurs enseignants, mais aussi par des artistes issus de différentes disciplines : photographes, vidéastes, réalisateurs… Ces productions sont diffusées sur ERSILIA , la plateforme numérique d’éducation à l’image du BAL, aujourd’hui utilisée par plus de 160 000 personnes. Elles sont également accessibles sur le site de la Fabrique du Regard et sur LUMNI, la plateforme éducative de l’audiovisuel public.
Cette année, le programme a été construit autour de deux thématiques : « Face aux images médiatiques, se mettre à distance » et « Intelligence artificielle, réseaux sociaux : reflètent-ils nos existences ? ». Des sujets essentiels dans un contexte de méfiance envers les médias et d’hyper-exposition numérique. Parmi les projets marquants, quatre classes du lycée George Sand de Domont (95) ont travaillé avec le photographe Matthieu Samadet sur des balades photographiques. Chaque élève a utilisé un appareil photo pour capturer son environnement quotidien, dans une démarche à la fois artistique et documentaire. D’autres groupes ont réalisé des courts-métrages sur les enjeux de l’intelligence artificielle, en explorant ses biais sexistes, racistes et ses impacts sur la démocratie.
Photos : © Marianne Baisnée
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