« Le rajeunissement des fondateurs et fondatrices apporte une nouvelle dynamique à la philanthropie. »
Par Anne Cornilleau, responsable d’études à l’Observatoire Philanthropie et Société de la Fondation de France.
Depuis 2001, l’Observatoire Philanthropie & Société de la Fondation de France mène des enquêtes nationales pour étudier l’évolution du secteur des fondations et fonds de dotation en France. La nouvelle édition du Baromètre de la philanthropie confirme le dynamisme du secteur philanthropique. Il révèle en particulier le rajeunissement des philanthropes : les personnes qui créent des fondations sont de plus en plus jeunes.
Fondations et fonds de dotation, la croissance se confirme
En 2024, en France le nombre de structures philanthropiques a poursuivi sa progression à un rythme soutenu (+4 % en un an) et atteint 5 833 fondations et fonds de dotation en activité. Les fonds de dotation et les fondations abritées restent les statuts juridiques privilégiés, ces deux statuts représentant 80 % de l’ensemble du secteur.
L’engagement croissant des particuliers et des entreprises pour l’intérêt général se traduit également par une progression du poids économique des fondations et fonds de dotation. En 2023, les trois indicateurs économiques estimés dans le baromètre (actifs, ressources et dépenses) sont en augmentation, dépassant sensiblement l’inflation qui était de 4,9 %. Les actifs détenus par les fondations et les fonds de dotation atteignent 44,7 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,7 % par rapport à 2022 et les dépenses engagées pour l’intérêt général s’élèvent à 17,5 milliards d’euros en 2023 (+ 9 %). Les ressources se développent à un rythme légèrement supérieur à celui des autres indicateurs (+ 9,8 %) pour atteindre plus de 18,6 milliards d’euros. Si la croissance de ces indicateurs est en partie liée aux produits financiers des fondations et fonds de dotation, qui bénéficient de la bonne performance des marchés boursiers, elle témoigne surtout de la solidité de l’engagement continu des fondations et fonds de dotation pour faire face aux défis sociaux et environnementaux actuels.
On observe toutefois des dynamiques différentes selon le statut juridique et la taille des structures. Rappelons que les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP) représentent la grande majorité du poids économique du secteur (plus de 80 % des ressources et des dépenses totales). En 2023, les indicateurs évoluent de façon différente au sein des FRUP. Les plus petites (moins de 1 million d'euros de dépenses) ont vu leurs dépenses diminuer alors que leurs ressources ont augmenté. Les plus grandes (plus de 10 millions d'euros de dépenses) ont quant à elles connu une hausse similaire (+9 %) de leurs dépenses et de leurs ressources.
Les actifs des fonds de dotation ont fortement augmenté (+20 %). Dans le même temps, leurs dépenses ont globalement progressé de 8 % (ce pourcentage étant fortement impacté par la baisse des dépenses enregistrée par un fonds de dotation particulièrement important).
Quant aux fondations abritées, elles ont enregistré une forte hausse de leurs ressources et de leurs dépenses (+14 %) quand leurs actifs ont augmenté plus modestement (+ 6 %).
En revanche, les fondations d’entreprise ont vu leurs ressources légèrement baisser (-0,4 %) sous l’effet du ralentissement économique qui a marqué l’année 2023. Leurs dépenses ont tout de même augmenté, mais à un rythme plus lent que l’inflation (+3,5 %).
Des philanthropes de plus en plus jeunes
Si les indicateurs économiques démontrent la vitalité du secteur et un engagement pour l’intérêt général qui progresse d’année en année, cette édition du baromètre met également en évidence le rajeunissement des fondateurs et fondatrices, apportant une nouvelle dynamique à la philanthropie.
La part des personnes âgées de moins de 35 ans parmi les fondateurs et fondatrices a doublé entre 2001 et 2022, passant de 5 % à 11 %. Même constat pour les personnes de 35 à 50 ans qui représentent désormais 22 % des fondateurs contre 16 % il y a 20 ans. De manière mécanique, la part des fondateurs de plus de 65 ans a diminué de manière significative : cette tranche d'âge, qui représentait la moitié des fondateurs actifs en 2001, ne constitue plus qu'un tiers des fondateurs en 2023.
Le baromètre confirme aussi ce rajeunissement au sein des 982 fondations abritées à la Fondation de France : la proportion des fondateurs de moins de 35 ans a plus que doublé depuis la création de la Fondation de France en 1969, passant de 3 % à 7 % et les personnes de 35-50 ans représentent aujourd’hui 21% des fondateurs et fondatrices.
Les jeunes philanthropes, souvent issus du monde de l’entreprise, ont à cœur de soutenir des projets innovants, d’expérimenter, d’agir en proximité et sur le long terme en s’appuyant notamment sur leurs expériences professionnelles. « Pour agir le plus efficacement possible, nous privilégions le soutien à des projets innovants en investissant dans des initiatives à fort impact, même risquées », souligne par exemple Charles, fondateur de la Fondation HCGB.24 abritée à la Fondation de France. Emmanuelle Oudéa, qui a créé la Fondation En revanche également abritée à la Fondation de France, se dit quant à elle « attachée à une philanthropie très inclusive et ancrée sur le terrain » et « connectée aux actions et aux gens » que sa fondation soutient.
Cette nouvelle génération de philanthropes choisit majoritairement l’environnement comme principal domaine d’intervention. Les personnes de moins de 35 ans accordent également une importance particulière à la jeunesse et l’éducation, comme Olivier Camino, engagé pour les nouvelles générations au sein de sa Fondation Altitudes, abritée par la Fondation Caritas France : « mon objectif est d’être un partenaire humble et exigeant, véritable « partenaire de cordée », en accompagnant les transformations profondes et nécessaires de notre système éducatif, pour offrir à chaque jeune une meilleure chance de réussite ».
De leur côté, les personnes de plus de 65 ans s’engagent plus fréquemment dans les domaines de la culture, de l’action sociale, de la recherche et de la santé.
Cette diversité des causes pour lesquelles se mobilisent toutes les générations de philanthropes est le reflet de la richesse de l’engagement privé au service de l’intérêt général, essentiel pour construire un avenir plus solidaire et durable.