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Peggy Vicomte : « Les femmes doivent avoir accès aux métiers du numérique, stables et rémunérateurs »

11 février 2025

Alors que 23% de femmes* seulement travaillent dans cette filière, la Fondation Femmes@numérique, abritée par la Fondation de France, œuvre à un changement d’échelle pour favoriser leur accès à ce secteur, très pourvoyeur d’emplois. Avec Peggy Vicomte, sa déléguée générale, le point sur les actions menées pour un indispensable rééquilibrage.

Vous êtes déléguée générale de la Fondation depuis 2021. Comment s’est-elle créée et quelles missions se fixe-t-elle ?

La Fondation Femmes@numérique a été imaginée en 2018 par des créateurs d’entreprises, des organisations professionnelles et des associations qui promeuvent l'égalité femmes/hommes et/ou les métiers liés aux nouvelles technologies. Tous partageaient alors un même constat : dix ans après la mise en place d’actions favorisant l'attractivité des filières scientifiques, le nombre de jeunes filles dans ces formations était resté identique. La fondation a été créée avec l’ambition de contribuer à un véritable changement d'échelle. Aujourd'hui, 23% de femmes seulement travaillent dans les métiers du numérique. Notre objectif est d’atteindre la parité.

Les enjeux sont multiples, économiques mais aussi sociétaux…

Dans un monde de plus en plus dématérialisé, l’Europe et la France se doivent d’être compétitives dans tous les domaines liés aux nouvelles technologies. Or, nous manquons de ressources humaines dans ce secteur. Alors, pourquoi se priver de 50% des talents, et empêcher les femmes d’accéder à une filière en plein essor, pourvoyeuses d’emplois stables et rémunérateurs ? Rien ne justifie cette situation, d’autant que les études montrent toutes que la diversité est source d'efficacité. Mais le sujet dépasse le champ professionnel, il s’agit de la place des femmes dans notre société. Si celles-ci ne sont pas présentes pour concevoir et administrer les produits et les solutions numériques, nous observons des biais d'usage (invisibilisation des femmes, reproduction des stéréotypes de genre…). Qu’il s’agisse du domaine de la justice ou de l'éducation, de l'accès à l'emploi, au crédit ou à l'investissement, leur absence entraine une forme d’iniquité.

Comment la Fondation agit-elle, notamment autour de la sensibilisation des filles ?

Aujourd’hui, on ne peut plus simplement sensibiliser 5 000 jeunes à la fin de la troisième, il faut toucher tous les élèves, et au plus tôt ! Pour cela, nous accompagnons notamment le collectif Maths et Sciences qui lutte contre les stéréotypes et propose, dès le primaire, des activités ludiques autour de la manipulation et la construction. De nombreuses études ont mis en lumière le rôle essentiel d’une sensibilisation précoce aux sciences ; notamment pour les filles qui, ensuite, se dirigent plus naturellement vers les technologies et les filières robotiques.

Quelles opérations soutenez-vous au collège et au lycée ?

Les stages de troisième et seconde jouent un rôle déterminant car c’est au fil d’échanges avec des professionnels que naissent les vocations. Mais il est, à l’évidence, compliqué de décrocher un stage pour un jeune qui n’a pas de réseau. Afin de résoudre ce problème, nous soutenons des associations comme La Mêlée, basée à Montpellier , qui réunit 20 000 professionnels et organise des ateliers pour faire découvrir les métiers du numérique aux élèves du secondaire et les mettre en contact avec des entreprises de la région Occitanie. Ces rencontres sont largement animées par des femmes qui interviennent comme autant de rôles modèles.

Vous recourrez aussi à des étudiants pour jouer ces rôles…

Oui, en effet. Dans le supérieur, les jeunes sont très engagés sur ces sujets et ont envie de partager leur passion. Nous menons, par exemple, une action en partenariat avec l'Institut Mines Telecom  intitulée « le programme Ambassadrices ». Cette opération réunit des étudiantes à qui nous proposons une formation pour les aider à intervenir auprès des lycéens (soft skills, prise de parole...). L’opération est un succès car les étudiantes ont le sentiment d’être efficace et de gagner, elles aussi, en compétence.

Vos actions passent par la création de conditions favorables à l’entrée des femmes sur le marché du travail… Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous travaillons pour cela avec l’université Paris-Dauphine et avec Isalys, une entreprise européenne de conseil en technologies qui nous restituent les bonnes pratiques des entreprises. Et puis, nous militons pour l’organisation, au sein des sociétés, d’ateliers avec les proches des salariés (filles, nièces, amies) sous forme de journées pour leur faire découvrir les métiers du numérique. La méthode est simple, et efficace.

Les entreprises ne résoudront pas leur problème de recrutement immédiat avec de telles opérations mais elles travaillent sur le temps long. Nous collaborons avec une quarantaine de sociétés françaises, très impliquées dans notre démarche.

La formation permanente est-elle aussi un enjeu, tout comme votre implantation dans les territoires ?

Le sujet est traité par plusieurs de nos partenaires, notamment Numeum (le syndicat professionnel de l’écosystème numérique en France) , qui travaille autour de la reconversion. L'ancrage territorial est également essentiel. Nous travaillons à faire ressortir l'expertise du tissu associatif local et nos Assises annuelles de la féminisation des métiers des filières numériques sont organisées chaque année en région ou dans les territoires ultramarins.

Vous engagez de nombreuses actions de plaidoyer. Pouvez-vous nous présenter les principales ?

Nous écrivons ou cosignons de nombreuses tribunes dans les médias. Nous travaillons autour de plaidoyers collectifs pour mobiliser l'ensemble de l'écosystème. Lors de nos dernières Assises, nous avons mis l'accent sur le programme « tech pour toutes » piloté par la fondation INRIA et destiné à suivre 10 000 filles par an, tout au long de leurs études supérieures. Par ailleurs, nous bénéficions, depuis notre création, du soutien des ministères de l'Éducation nationale, de l'Égalité ou encore de la Direction numérique de l'État.

Quel bilan faites-vous de vos actions ? Procédez-vous à des mesures d’impact ?

La Fondation Femmes@numérique réunit plus de 40 entreprises et 50 associations en France, sans compter 2 000 femmes professionnelles de la tech, membres de notre annuaire, et ces chiffres augmentent régulièrement. Côté réalisation, nous venons, par exemple, de mener une campagne sur les réseaux sociaux autour des enjeux du numérique qui a enregistré plus de 1 500 000 vues auprès des jeunes. Nous nous félicitons de ces résultats mais ce qui compte à nos yeux, ce sont avant tout les changements de comportement. Selon une récente étude, il faudrait, au rythme d’aujourd’hui, 130 ans pour arriver à une parité dans des filières du numérique. Face à ce constat, il faut agir plus vite, multiplier les actions de sensibilisation pour que les filles soient bientôt aussi nombreuses que les garçons dans les filières scientifiques. Notre ambition, passer de 130 à 30 ans !

*chiffres INSEE 2022


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