Journée des Fondateurs 2025 : la force de l’action collective
Le 18 juin 2025, la Fondation de France organisait la 6e édition de la Journée des Fondateurs à l’Orangerie d’Auteuil à Paris. Ce rendez-vous annuel a réuni, aux côtés des équipes de la Fondation, 180 représentants de fondations abritées venus échanger, partager leurs expériences, s’inspirer et imaginer ensemble de nouvelles manières d’agir dans un monde en plein bouleversement.
« L’année qui vient de s’écouler nous rappelle avec toujours plus d’acuité la nécessité de l’action philanthropique mais aussi l’ampleur de notre responsabilité. Chacune de vos fondations contribue à quelque chose de beaucoup plus large : l’intérêt général. Face aux crises actuelles et aux contraintes budgétaires massives qui touchent de plein fouet le secteur associatif, nous devons repenser nos modes d’action et adopter une posture collective et sur le temps long pour construire ensemble des solutions efficaces et durables », a déclaré Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France, en introduction de cette journée.
Au programme de cette édition : une matinée consacrée à la réflexion et à l’échange aux côtés d’intervenants de renom pour interroger le rôle de la philanthropique et la complémentarité de son action avec celle de l’Etat et des entreprises. L’après-midi, plusieurs fondations abritées ont partagé leurs expériences inspirantes et quatre ateliers interactifs animés par des experts sur des thématiques d’actualité ont été organisés.
La philanthropie entre générosité et action
Pour ouvrir la journée, le philosophe André Comte-Sponville est venu partager son regard sur les grands enjeux de notre temps et sur la façon dont la philanthropie, fondée sur la générosité, peut contribuer à y répondre. Rappelant que « la générosité est la vertu du don, à condition que ce don soit désintéressé », il a également précisé, citant Emmanuel Kant, qu’elle consistait à « donner à ceux que l’on n’aime pas » (avec lesquels nous n’avons pas de lien d’amour).
Poursuivant son analyse, il a avancé que la solidarité, bien différente de la générosité qui n’implique pas de réciprocité, était mue par des intérêts partagés. Le philosophe a également insisté sur la difficulté aujourd’hui à faire société et sur la nécessité de recréer de la communion : « communier c’est partager sans diviser, et il n’y a que les esprits qui peuvent le faire. On peut ainsi communier dans un certain nombre de valeurs communes : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité. » Loin d’être fataliste, André Comte-Sponville a terminé par une ode à l’action : « Nous sommes tous pleins de peurs et pleins d’espoir, mais pas de crainte sans espoir et pas d’espoir sans crainte. Il faut ne pas se contenter d'espérer, il faut agir ici et maintenant. »
État, entreprises et philanthropie : quels rôles respectifs et quelles complémentarités ?
Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, Patricia Barbizet, présidente de l’Association française des entreprises privées (AFEP) et Pierre Sellal, Président de la Fondation de France, étaient ensuite réunis pour une table-ronde sur la complémentarité entre action publique, action philanthropique, et engagement des entreprises en faveur de l’intérêt général.
Pour Pierre Sellal, « les frontières entre les missions de l’État, des entreprises et de la philanthropie sont de plus en plus poreuses. L’État fait de plus en plus appel à des fonds privés pour le financement de ses politiques publiques. Or l’action philanthropique ne peut se substituer à l’action publique ».
Même constat pour Patricia Barbizet, qui regrette que « l’État ait abandonné la prise de risque et se désengage peu à peu du soutien à l’innovation et à la recherche. » Selon elle, « l'État ne doit pas se défausser de sa mission au prétexte que les entreprises y pourvoiront car les entreprises n’ont pas pour objet de combler les défaillances publiques. En revanche, elles peuvent accompagner et jouer un rôle tant environnemental que sociétal, en résonnance avec leurs missions, leurs collaborateurs et leurs savoir-faire ».
Réaffirmant que l’État était le meilleur garant de l’intérêt général, Bernard Cazeneuve a, pour sa part, déploré qu’il joue moins ce rôle aujourd’hui par manque de moyens sous l’effet de la forte dégradation des comptes publics. Selon l’ancien Premier ministre, « la stabilité des dispositifs d’aide de l’État est indispensable si on veut encourager la philanthropie à long terme. L’État doit également se recentrer sur ses prérogatives : accompagner les acteurs de la philanthropie sans être trop prescriptif et encourager la créativité et l’audace ».
La Fabrique philanthropique en action
Créativité et audace, c’est bien ce qui caractérise l’action des fondations. Plusieurs représentants de fondations abritées sont venus témoigner pour incarner les dynamiques d’action encouragées par la Fabrique philanthropique. Parmi eux, Max Thillaye du Boullaye, délégué général de la Fondation Anyama , a partagé le choix de sa fondation, engagée pour la protection de l’environnement, d’initier aux côtés de la Fondation de France la Coalition des fonds et fondations pour les forêts françaises. La coalition, qui rassemble aujourd’hui 24 acteurs philanthropiques, vise à transformer en profondeur la gestion des forêts en France. « Face à des enjeux colossaux qui nous dépassent, explique Max Thillaye du Boullaye, travailler ensemble et adopter une approche pragmatique était essentiel. Nous avons consulté les associations spécialistes des enjeux forestiers et c’est avec elles que nous avons construit notre stratégie d’action. »
Emmanuelle Dumas, de la Fondation Mustela, a quant à elle expliqué pourquoi cette fondation abritée a décidé de rejoindre le comité Petite enfance du collectif d'action Nouvelles générations de la Fondation de France : « un modèle plus opérationnel et doté d’une plus grande force de frappe. »
Frédérique Le Monnier, de la Fondation GRDF, a insisté sur l’importance « de ne pas être en surplomb des acteurs associatifs mais à leur côté et sur la durée ».
L’après-midi s’est poursuivie autour d’ateliers de réflexion collective, réunissant fondateurs, chercheurs, experts du secteur publique ou privé. Chacun des groupes de travail avait pour thème un enjeu de société actuel : la place des aidants dans notre système de santé, la jeunesse des territoires ruraux, l’art et la culture comme remparts à la polarisation du monde, et le vivant comme modèle inspirant pour trouver des réponses aux crises. Ces échanges se sont conclus par une restitution à plusieurs voix, démontrant une fois de plus toute la pertinence de la dynamique collective.
Photo : ©Lucien Lung/Fondation de France