Accéder au contenu principal
Vous êtes fondateur
Vous êtes donateur
Vous êtes porteur de projet
Vous êtes fondateur
Vous êtes donateur
Vous êtes porteur de projet

Interview de Marc Hecker, expert du terrorisme

1 juin 2017

Interview de Marc Hecker, expert du terrorisme, directeur des publications et chercheur à l’Institut français des relations internationales, membre du comité dédié à la prévention des radicalisations mis en place par la Fondation de France.

Quel est votre rôle au sein de ce comité ?

J’apporte mon expertise sur les processus de radicalisation que j’étudie depuis plusieurs années. Nous avons déjà organisé deux réunions, l’une pour sélectionner les projets, l’autre pour étudier les premiers résultats obtenus. C’est un espace d’échanges et de discussions où chacun apporte son regard sur ce sujet sensible.

Comment le comité décide-t-il de soutenir un projet ?

D’abord, le projet doit permettre le développement de l’esprit critique chez les jeunes. Il s’agit d’une notion complexe sur laquelle nous devons être vigilants car les djihadistes l’utilisent également dans leur propagande. Il faut donc s’assurer d’un cadrage précis, pour que les jeunes puissent faire le distinguo entre l’esprit critique « positif », qui permet une prise de distance par rapport à certaines sources, et l’esprit critique « négatif », prisé des complotistes qui s’en servent pour remettre en cause, entre autres, certains enseignements de l’école républicaine. L’intervention de professionnels aguerris est donc essentielle pour travailler sur cette notion à double tranchant.

Ces messages circulent particulièrement sur les réseaux sociaux, canaux de prédilection des jeunes.

En effet, la construction de contre-discours pour opposer une réponse aux messages de haine qui affluent sur Internet et les réseaux sociaux constitue un autre pilier. Nous voulons faire émerger la parole de ceux qui n’ont pas nécessairement accès aux grands médias, pour proposer des reportages sur la vie quotidienne et valoriser par exemple les actions positives menées dans les quartiers sensibles. Là encore, la notion de média alternatif doit être abordée avec une grande prudence, cette expression étant également fréquemment utilisée par les complotistes. Enfin, l’éducation aux médias prend tout son sens à l’heure des fake news. Montrer que le journalisme est un métier avec une méthodologie et une déontologie, comprendre que toutes les sources ne se valent pas… Cela doit être transmis aux jeunes.

La question de la radicalisation doit-elle être forcément abordée de manière indirecte ?

Le sujet fait débat. Pour ma part, je considère qu’il faut toujours garder à l’esprit la raison pour laquelle ces actions sont menées – lutter contre le terrorisme – pour la conserver en filigrane des projets. N’oublions pas que les sites djihadistes appellent clairement les jeunes à commettre des attentats, notamment en France. Contre ces discours, il nous faut dire les choses en face, sans trop s’éloigner mais sans pour autant braquer les jeunes. C’est un équilibre très fin à trouver.

Comment mesurez-vous l’impact des actions soutenues ?

Lorsque l’on finance un projet comme la construction d’écoles dans un pays en voie de développement, il est facile de voir si, au bout du compte, les écoles ont été construites ou pas. À l’inverse, les actions de prévention de la radicalisation sont difficiles à évaluer car elles touchent à l’esprit humain. D’un point de vue scientifique, il est impossible de prouver qu’un attentat a été évité grâce à telle ou telle action de prévention. Nous sommes encore en phase de tâtonnement pour trouver les bonnes actions à mener face au phénomène complexe de la radicalisation. Pour ma part, je suis convaincu qu’il n’existe pas une seule réponse : certaines actions seront utiles à certaines personnes, d’autres actions à d’autres individus. Il nous faut donc multiplier les initiatives et les porter dans la durée. Dans cet objectif, la Fondation de France joue un rôle majeur en apportant structure et professionnalisme à ces actions.