Grand Rendez-Vous Parlons Psy : six propositions pour changer la donne
Comment mieux accompagner et mieux intégrer les personnes souffrant de troubles psychiques ? Le 9 décembre, le Grand Rendez-Vous Parlons Psy, organisé par la Fondation de France et l’Institut Montaigne, a permis de présenter six propositions fortes. Des recommandations concrètes issues d’une concertation menée dans toute la France, sur près de deux ans, avec tous les acteurs concernés.
Avec 12 millions de Français touchés par un trouble psychique, la santé mentale est un enjeu majeur de santé publique. Majeure, mais mal prise en charge et largement taboue. Comment faire progresser la prévention, le traitement, l’inclusion des malades ? Face à ces enjeux, la Fondation de France et l’Institut Montaigne ont organisé un dispositif inédit par son ampleur et sa méthode : de mars 2018 à décembre 2019, des ateliers participatifs baptisés Parlons Psy, et organisés dans sept régions de France. Cette démarche a réuni plus de 1 200 personnes directement concernées par les maladies psychiques : malades, entourages, soignants… Résultat : un ensemble de propositions concrètes, issues de ces ateliers, présentées et mises en débat lors du point d’orgue de la démarche : le Grand Rendez-Vous Parlons Psy, le 9 décembre dernier à Paris.
L’affaire de tous
Première série de propositions : celles qui visent à faire de la santé mentale une responsabilité collective. En effet, les idées fausses, les tabous et la stigmatisation qui entourent les troubles psychiques contribuent à retarder les diagnostics, à compromettre leur prise en charge et à exclure les personnes concernées de toute vie sociale ou professionnelle. « La souffrance psychique fait partie de la condition humaine, et chacun peut être un jour touché par un trouble de cet ordre, souligne Karine Pouchain-Grépinet, responsable du programme maladies psychiques. Or les études montrent que ces troubles sont encore largement associées à la folie et à la dangerosité. Tout commence donc par l’information et par l’éducation, dès le plus jeune âge ». Mais également par la mise en place d’une chaine allant de la prévention au soin, dont chaque maillon doit être solide, notamment en sensibilisant et formant les médecins généralistes, les entreprises, les services de secours…tous susceptibles d’identifier une situation de souffrance et d’orienter les patients. Enfin, si les personnes souffrant de troubles psychiques sont écartées de l’accès au logement et à l’emploi, clefs de l’autonomie et du projet de vie, leur rétablissement se heurte à l’isolement et la désocialisation.
Les 3 propositions
1. lutter contre la stigmatisation en sensibilisant dès le plus jeune âge ;2. former et professionnaliser les acteurs de première ligne ;
3. favoriser l’accès aux droits, notamment dans les domaines de l’emploi et du logement.
Jamais rien pour moi sans moi
Second volet, les propositions qui visent à transformer le parcours de soin. Aujourd’hui principalement centré sur l’hôpital, ce parcours reste mal articulé avec les autres acteurs de santé, le social et le médico-social. Avec pour conséquence un retard au diagnostic souvent dramatique : il se déroule en moyenne 7 ans entre la première crise et le diagnostic ! Le parcours de soin n’intègre pas non plus suffisamment les thérapies complémentaires, qui ont prouvé leur efficacité. Pour améliorer les prises en charge, les participants à Parlons Psy ont unanimement mis en avant un levier : le « pouvoir d’agir » des personnes malades et leur association aux décisions les concernant. Qui passe aussi par l’intégration d’anciens malades, formés à la prise en charge, en tant que « pair-aidants » dans les structures de soin.
Les 3 propositions
4. favoriser l’accès aux soins en incitant les diagnostics précoces et en allant vers les personnes concernées ;
5. créer les conditions favorables pour permettre l’empowerment ;
6. valoriser l’entraide et le savoir expérientiel.
Identifier et généraliser les meilleures expérimentations
Autour de ces deux grands axes d’amélioration, la démarche Parlons Psy a permis de mettre en lumière des expérimentations exemplaires, issues de tous les territoires. Plus de 60 dispositifs ont été cités au cours des ateliers !
Par exemple la démarche PPSM, pour Premiers secours en santé mentale, portée par l’Unafam (Union nationale des familles et amies de personnes malades et/ou handicapées psychique). Une formation de deux jours, conçue sur le modèle des formations au secourisme, permettant de proposer à un très large public des contenus et supports pédagogiques sur la dépression, l’anxiété, la psychose, mais aussi les troubles post-traumatiques ou les phénomènes de dépendance. En Australie, où un dispositif comparable a été initié, la formation a déjà touché 500 000 citoyens !
Ou encore le développement de l’Observatoire du rétablissement, une démarche qui associe les malades, l’entourage et les soignants, pour évaluer en continu la qualité de la prise en charge et la qualité de vie à l’hôpital… et l’améliorer !
Et maintenant ?
« L’énergie collective et la richesse des échanges au fil des ateliers Parlons Psy nous incitent à imaginer une suite », soulignait en conclusion Dominique Lemaistre, directrice du mécénat à la Fondation de France. Notamment sous la forme d’une Conférence annuelle et participative sur la santé mentale, « pour mesurer régulièrement les avancées, tant en matière d’éthique, de qualité des soins, d’intégration des malades et de leur entourage ». Parlons Psy a fait émerger une parole souvent étouffée… ce n’est qu’un début.
Pour découvrir l’intégralité des propositions, téléchargez le livret de synthèse Parlons Psy
Des invités inspirants
Philippa Motte, formatrice et consultante :
« Le trouble psychique par lequel je me suis d’abord sentie détruite et avilie, est devenu un chemin qui m’a permis de grandir et de me construire »
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Aude Caria, directrice de Psycom
« Promouvoir une vision globale de la santé mentale : un enjeu politique, social et culturel »
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Lucie Caubel, fondatrice Hello Handicap
« A l’école, nous avons des cours d’éducation sexuelle, des formations à la nutrition… pourquoi pas une sensibilisation aux questions de santé mentale ? Tout commence là ! »
Marianne Auffret, maire adjoint chargée de la santé Paris 14ème
« Parler « psy », c’est aussi parler politique et économie ! Par exemple, comment développer l’habitat inclusif… quand la production de logements est si faible ? L’empowerment et l’inclusion des personnes malades est un combat, qui implique toute une chaine d’acteurs. »
Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam (Union nationale des familles et amies de personnes malades et/ou handicapées psychique)
« Depuis 50 ans, les familles sont conscientes qu’elles doivent se former et s’entre-aider. Aujourd’hui, on assiste à un changement de paradigme. L’entourage est désormais vu comme une ressource positive… alors qu’il était considéré comme « pathogène ! »
Michel Laforcade directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine
« Selon que l’on vit dans telle métropole ou dans tel village… on ne dispose pas des mêmes services. Il existe des centaines d’expérimentations à l’échelle locale, parfois extrêmement intéressantes. Mais, au nom de l’autonomie de chaque territoire, on tarde à les généraliser. Or l’accès à un panier de soins de qualité devrait être équitablement réparti sur tout le territoire ! »