Habitat : mieux vivre ensemble, préserver la planète
Accentué par la crise sanitaire, le mal-logement a des impacts sur la santé, l’équilibre familial, l’insertion sociale et professionnelle… Ce sujet essentiel mobilise la Fondation de France et plusieurs fondations abritées. Avec un fil rouge : la réponse au mal-logement doit être transversale et pluridisciplinaire.
Depuis plus de 20 ans, la Fondation de France mène un programme dédié à l’habitat et à la lutte contre le mal-logement. De nombreuses fondations abritées sont mobilisées sur ce sujet en soutenant des actions de terrain qui ne se cantonnent pas à une démarche de mise à l’abri ponctuelle, mais visent une dynamique plus globale de reconstruction et de réinsertion.
Le logement, première marche vers la réinsertion
À Nantes par exemple, l’association Les Bureaux du cœur, soutenue par la Fondation de France*, met en relation des structures d’aide aux sans-abri et des entreprises. Ces dernières ouvrent une partie de leurs bureaux aux personnes sans domicile fixe pendant la nuit et le week-end, pour une durée de trois mois renouvelables. Outre l’hébergement, l’association propose un accompagnement global en favorisant l’accès aux soins, en informant ces personnes sur leurs droits, en les orientant vers des formations…, avec des bilans d’étape mensuels. Si l’expérience est bénéfique pour les personnes accueillies, elle l’est aussi pour les salariés. Pierre-Yves Loaëc, fondateur de l’association, explique : « C’est une expérience positive pour l’entreprise et ses salariés : au travers d’un café partagé le matin, des liens se créent, les gestes de solidarité directe se multiplient. Les Bureaux du cœur ouvrent ainsi un espace de rencontres et de coopération entre des personnes qui se côtoient mais sans se voir ! » Après une première année, le réseau est déjà implanté dans plus de 20 villes. Les Bureaux du cœur poursuivent leur déploiement national. Objectif à l’horizon 2024 : proposer ce dispositif dans 100 à 150 villes, pour une capacité d’accueil de 4 500 personnes.
Environ 300 000 personnes sont sans domicile fixe
en France en 2021
Créer ces passerelles entre la mise à l’abri et l’inclusion mobilise également l’association Un toit à moi, soutenue par les fondations Actes 77, Mustière-Rolland et Merymu, abritées à la Fondation de France. Le modèle : acquérir des logements pour les proposer à des personnes à la rue. Afin de favoriser la mixité sociale, ces logements sont situés dans des quartiers résidentiels. Cet hébergement individuel s’accompagne d’un suivi personnalisé pour favoriser notamment le retour à l’emploi. Avec à la clef, une spirale vertueuse : la réinsertion sociale permet à la personne concernée de régler son loyer et de retrouver dignité et confiance en elle.
Faire « avec » et non « pour » les personnes mal-logées
Ces démarches d’inclusion sont efficaces car elles reposent sur la participation des intéressés. C’est la philosophie des Compagnons bâtisseurs, qui, depuis 60 ans, promeuvent l’auto-réhabilitation accompagnée. L’association forme bénévoles et jeunes en service civique pour encadrer les habitants et leur permettre de réaliser eux-mêmes les rénovations de leur logement – 3 700 chantiers ont ainsi été accompagnés en 2020.
Et parce que le mal-logement ne concerne pas uniquement les villes et les banlieues, les Compagnons bâtisseurs ont fait l’acquisition de « Bricobus » qui sillonnent les zones rurales pour venir en aide aux propriétaires et locataires qui en ont besoin. L’association est soutenue par la Fondation de France et par la fondation abritée Castorama, créée en 2020. Cette jeune fondation a fait de la lutte contre le mal-logement le cœur de sa mission : réhabilitation de logements avec et pour des familles en difficulté, rénovation d’une péniche qui accueille des personnes sans domicile, co-construction de résidences pour personnes fragilisées (jeunes mères isolées, parents d’enfants hospitalisés, victimes d'accidents, retraités précaires, personnes souffrant de troubles psychiques…).
« Faire avec » les personnes mal-logées, c’est aussi proposer des solutions d’hébergement innovantes qui mixent les générations et les différents types de publics. À Thomery, en Seine-et-Marne, la Maison des Cultures a ouvert une résidence partagée pour personnes souffrant de troubles cognitifs qui intégrera progressivement des personnes précaires mais autonomes, des personnes atteintes de handicap, des personnes âgées… Ce projet est soutenu par quatre programmes de la Fondation de France (Habitat, Personnes âgées, Handicap et Maladies psychiques). « En permettant la vie en commun et l’entraide entre ces différents publics, en incitant chacun à participer à la vie commune, nous voulons bien sûr rompre l’isolement, la stigmatisation, et favoriser l’inclusion sociale, explique Caroline Deligny, cofondatrice de l’association. Mais aussi l’ouverture sur le village, car la Maison des Cultures permettra aux aidants de rester en lien avec leurs proches. Et son jardin intègre un "kiosque des voisins", pour des rencontres avec les habitants du quartier. »
Dans le même esprit, la Fondation de France a choisi d’encourager l’hébergement citoyen des exilés dans le cadre des programmes Solidarité Migrants et Habitat, « car, bien accompagné par des associations, ce modèle d’hébergement chez l’habitant permet non seulement de répondre à des situations critiques, mais aussi de favoriser l’insertion, de susciter des rencontres, de faire évoluer le regard sur les migrants », souligne Suzanne de Bellescize, responsable du programme Solidarité Migrants.
Pour un habitat accessible et durable
Ces mobilisations collectives qui engagent à la fois des habitants, des associations, des collectivités territoriales, sont indispensables pour répondre à la fois au défi de la désertification rurale mais aussi à la hausse du prix du foncier dans certaines régions. C’est le cas de l’association Hameaux légers, qui a inventé un nouveau modèle d’habitat. Un « hameau léger » compte un petit nombre d’habitats écologiques, réalisés en partenariat avec la commune qui l’accueille.
Le terrain est loué par le collectif d’habitants, via un bail de très long terme (en général 99 ans). Les habitants font l’acquisition de logements construits sur des fondations légères, et qui peuvent être démontés ou déplacés si nécessaire. De plus, cet habitat réversible est conçu dans une optique zéro déchet et zéro carbone ! Cette dissociation entre la propriété de l’habitat et celle du sol permet de proposer des logements à un prix très accessible. Après une période de recherche et d’expérimentation qui a permis de valider la faisabilité du modèle, l’association Hameaux légers s’apprête à concrétiser plusieurs projets témoins. « Ce type de démarche, très novatrice, est porteuse de changement à long terme, souligne Patrice Cieutat, responsable du programme Habitat de la Fondation de France. C’est là que la philanthropie peut jouer tout son rôle, en accompagnant l’émergence de solutions inédites, d’initiatives collectives, en expérimentant des modèles différents, solidaires et durables. »
Car la question de la soutenabilité de nos logements devient chaque année plus cruciale. En France, le secteur du logement représente 23 % des émissions de CO2. Or les lieux les moins bien isolés sont habités par les personnes les plus démunies, qui dépensent 10 % de leurs revenus pour se chauffer (alors que la moyenne nationale est de 7 %). Une situation de précarité énergétique mais aussi sanitaire et sociale. Si l’État et les collectivités locales accordent des aides, le reste à charge empêche les foyers les plus pauvres d’engager les travaux nécessaires.
5 millions de logements
sont des passoires thermiques
Pour répondre à ces besoins, la Fondation de France et la Fondation JM.Bruneau soutiennent le réseau Soliha – premier mouvement associatif du secteur pour l’amélioration de l’habitat – qui réunit 145 organismes en France et propose d’accompagner les personnes les plus modestes dans leur rénovation énergétique. La fondation abritée Rexel pour l’efficacité énergétique a également fait de la lutte contre la précarité énergétique l’un de ses axes d’intervention. Parmi les projets qu’elle soutient : l’initiative « Voisin malin » à Roubaix, qui forme et mobilise des « habitants-salariés », afin de repérer les foyers en précarité énergétique. Ceux-ci ignorent souvent les aides auxquelles ils ont droit. Les « voisins malins » les accompagnent dans les démarches auprès des acteurs publics et des entreprises.
La question de l’habitat appelle également une réflexion globale sur la ville et sur les territoires. Et pour penser la ville de demain, il faut développer la coopération de toutes les parties prenantes. Cet enjeu majeur a suscité en 2008 la création de la Fondation Palladio, qui rassemble 77 fondateurs et mécènes, issus de tous les secteurs et métiers concernés par ces sujets**. Lieu de dialogue, de formation, de confrontation d’idées et d’expériences, la Fondation Palladio a créé « l’Université de la ville de demain », qui anime notamment des groupes de travail interdisciplinaires sur la ville bas-carbone. Et dans la perspective de l’élection présidentielle, celle-ci vient de boucler une grande consultation citoyenne autour de propositions pour une ville plus durable. Quarante mille participants ont voté : la mobilité est le thème qui a le plus mobilisé, suivi des sujets liés à la construction et la rénovation – rénovation énergétique et réemploi de matériaux pour les constructions neuves notamment. Troisième sujet : la nature et la biodiversité, avec des propositions sur la végétalisation des villes.
*Le projet Bureaux du cœur est soutenu par le programme Inventer demain de la Fondation de France.
**La Fondation Palladio réunit des acteurs de toute la filière : aménagement, architecture, assurance, banque, construction, énergie, environnement, immobilier, ingénierie, logistique, numérique, transport, urbanisme, pouvoirs publics, monde associatif, chercheurs et médias.