Personnes handicapées : confinées… mais pas isolées !
Avec les mesures de confinement liés au Covid19, la vie de milliers de personnes handicapées -et de leurs familles- a été brutalement bouleversée. Pour amortir ce choc, les réseaux associatifs multiplient les innovations. Avec l’aide de la Fondation de France.
« Allo ? Je vous appelle pour prendre de vos nouvelles. Comment se passe le confinement ? Avez-vous besoin d’assistance à domicile ? D’être accompagné dans vos démarches administratives ? Comment va le moral ? » Soutenue par la Fondation de France, APF France handicap organise, depuis le 16 mars, ce type d’appel à grande échelle. Avec 21 200 adhérents, 400 établissements médico-sociaux, 14 600 salariés et 96 délégations, l’association est l’un des grands acteurs de l’accompagnement du handicap. Confinement oblige, les établissements médicaux et médico-sociaux de l’association ont dû adapter leur fonctionnement pour tenir compte des consignes communiquées par le gouvernement. Le retour à domicile des personnes hébergées a été organisé en lien avec leurs familles, et une activité d’hébergement minimale a été maintenue pour les personnes sans solution d’accueil à domicile.
De même, les services assurés par les délégations locales (aide administrative, mobilité, ateliers numériques ou artistiques, sorties culturelles…) ont été interrompus, bénévoles et salariés devant suivre la consigne : « rester chez soi ».
Rupture brutale
Pour les usagers et leurs familles, déjà fragilisés par les conséquences du handicap, c’est tout un équilibre qui se rompt brusquement, une plongée dans l’isolement… avec des risques de dépression, de tensions, de perte d’autonomie.
Pour faire face, APF France handicap a donc immédiatement mis en place le dispositif Solid@ire>. Depuis le début du confinement, des appels réguliers aux 21 200 adhérents permettent de maintenir le lien social, de s'assurer de l’état de santé des personnes en situation de handicap, et d’identifier les éventuelles situations de rupture (ruptures de l’aide humaine indispensable au domicile, de médicaments ou de produits de première nécessité, rupture des droits...).
« Les réponses passent en priorité par le contact avec l’entourage, le voisinage, pour organiser une assistance régulière, et si nécessaire l’intervention de nos équipes et/ou de nos partenaires associatifs », explique Céline Bellynck, responsable du pôle Mécénat & Partenariat chez APF France handicap. Dans tous les cas, nous ne laissons personne sur le bord de la route. »
Former les bénévoles
Dans chaque territoire, les délégations locales conçoivent des solutions pratiques et créatives en réponse à cette situation inédite. Par exemple, la délégation en région PACA a mis en place un dispositif de formation pour les « nouveaux » bénévoles. En effet de nombreux Français, de la réserve civique ou d’autres associations de solidarité, se portent volontaires pour faire des courses, prendre des nouvelles par téléphone, donner des « coups de main » au domicile des personnes handicapées. Venant de divers secteurs d’activités, ils ont besoin de mieux connaître les besoins des personnes handicapées, d’acquérir des gestes essentiels, des postures et autres règles de « savoir-être », attendus lors de la prise en charge. La délégation a préparé une vidéo d’information, organisé des sessions et ateliers de formation en ligne..
D’autres projets sont à l’étude ou déjà engagés avec ce réseau : ateliers en visioconférence (groupes de parole et exercices de relaxation pour faire face au stress…) pour les proches et les « aidants », ouverture en urgence d’une Maison d’accueil spécialisée pour les personnes polyhandicapées qui ne peuvent durablement rester dans leurs familles, etc. « Fil conducteur de ces initiatives : le maintien du lien social, souligne Marie Nezam, responsable du programmes personnes handicapées à la Fondation de France. Notre défi collectif : réussir à mettre les personnes vulnérables à l’abri du virus… sans les reléguer dans une solitude qui serait elle-même pathogène ! »
Aider les aidants
Et pour cela, l’accompagnement des familles est essentiel. C’est tout l’esprit de la plateforme « Tous mobilisés », créée à l’initiative de la Fédération nationale Grandir Ensemble dès le 22 mars au soir, soit cinq jours après le début du confinement, et soutenue par la Fondation de France. « Pour les parents, pour les frères et sœurs, le retour dans la famille de jeunes ou d’adultes handicapés qui vivaient en établissement, peut constituer une épreuve très lourde, explique Marie Nezam. Notamment pour celles qui s'occupent de personnes autistes ou avec des troubles sévères du comportement. Ces dernières supportent très difficilement les changements brutaux dans leur mode de vie. D’autant que la vie en appartement ou en maison les prive de l’encadrement, du suivi éducatif dont elles bénéficiaient ! ». Pour faire face, ces familles ont besoin de se sentir soutenues, comprises, épaulées.
Le numéro vert (0 805 035 800) permet de s’informer (autorisations de sorties, droits des parents…) et de formuler une demande d’aide ou de soutien.
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Charge mentale et problèmes pratiques
« Nous avons enregistré plus de 4500 appels en trois semaines, précise Laurent Thomas, délégué général de la Fédération Grandir Ensemble. Pour l’essentiel, ce sont des parents d’enfant ayant un trouble du spectre autistique, ou un enfant polyhandicapé. Plus de la moitié sont des familles monoparentales, en grand désarroi. Elles ont des attentes concrètes de soutien, mais aussi le besoin d’échanges avec d’autres parents ».
Face à ces situations critiques, la plateforme fonctionne comme un coordinateur : contact avec l’établissement d’origine ou des services sociaux pour organiser des interventions à domicile, et plus rarement réorienter vers un nouvel accueil en internat, mise en place d’une solution d’aide aux courses (avec la réserve civique, les services municipaux… ou le voisinage !), conseils psychologiques ou orientation vers des services spécialisés comme Autisme info service, organisation de temps de rencontres en visioconférence avec d’autres familles... « Aucune demande, aussi complexe soit-elle, n’est laissée sans réponse, souligne Laurent Thomas. Car le confinement est appelé à durer. Face à une charge mentale et à des problèmes pratiques très lourds, ces familles déploient des ressources extraordinaires. Aidons-les à tenir ! »
À la réunion, les tablettes de l’espoir
Si la Fondation de France apporte son soutien aux grands réseaux mobilisables à l’échelle nationale, « nous restons aussi à l’écoute de structures très locales, qui ont une connaissance fine du terrain et imaginent des solutions ad-hoc », précise Marie Nezam, responsable du programme personnes handicapées. Comme l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés de la Réunion : « Au début de la crise, nous avons identifié une dizaine de jeunes particulièrement vulnérables, car confinés dans des lieux de vie très isolés et ne disposant pas d’accès à internet, explique ainsi Yohann Devillers, porteur du projet. Pour ces adolescents, de 11 à 16 ans, l’aide de la Fondation de France a permis d’acquérir des tablettes, c’est à dire de maintenir un lien régulier avec leurs éducateurs, l’accès à des ressources éducatives et pédagogiques, les relations avec les amis de leur âge. »
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