Allez les femmes !
Mobilisée contre toutes les formes de discrimination, la philanthropie s’engage naturellement pour la cause des femmes. Contre les stéréotypes, contre les inégalités, la Fondation de France et les fondations qu’elle abrite soutiennent des projets innovants, en France comme à l’international.
« J’aimerais qu’il n’y ait pas de journée internationale des femmes. Cela signifierait qu’il n’y a plus de discrimination et donc plus de luttes, plus de revendications, parce que les comportements sont devenus égalitaires et que tous les citoyens peuvent exercer la plénitude de leurs droits (…). C’est encore un rêve. » Ces mots sont ceux d’Yvette Roudy1, ministre aux Droits de la femme de 1981 à 1986 et à l’origine de la reconnaissance officielle en France… de la journée du 8 mars ! Aujourd’hui, à 90 ans, cette combattante a conservé intact son goût de l’engagement : elle a créé la Fondation Yvette Roudy fin 2018, et vient de remettre son premier prix à Michèle Loup, présidente de l’association Du côté des femmes qui combat les violences faites aux femmes et agit pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes dans le Val-d’Oise.
90 ans, une vie consacrée à la défense des droits des femmes… Yvettes Roudy vient de créer sa fondation, abritée par la FDF.
Retrouvez son portrait : Yvette Roudy, la cause des femmes chevillée au corps
« La thématique intéresse de plus en plus les fondateurs, souligne Frédéric Berard, référent fondations. Avec des approches souvent ciblées et originales. » Comme celle de la Fondation Abéona, qui soutient depuis 2017 les projets de recherche mobilisant les ressources de l’intelligence artificielle au service de l’égalité hommes-femmes. Ses premiers financements portent sur des travaux menés en partenariat avec l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), sur la sclérose en plaque et la maladie d’Alzheimer, deux affections touchant davantage les femmes.
D’autres fondations choisissent d’agir à 360°, comme la Fondation Raja-Danièle Marcovici, créée par le groupe Raja, qui a engagé plus de 9 millions d’euros depuis 2006, en France et à l’international. Au total, 447 projets associatifs soutenus autour de quatre axes : l’éducation, l’insertion professionnelle et sociale, la place des femmes dans la protection de l’environnement, et la lutte contre les violences et la défense des droits des femmes. Une démarche « évidente » pour sa fondatrice Danièle Kapel-Marcovici, présidente directrice générale du groupe Raja créé par sa mère, mais aussi une démarche collective : micro-don, parrainage de projets, bénévolat de compétences, collecte solidaire... A l’occasion du 8 mars, la fondation mobilise les salarié(e)s du groupe pour la cause des femmes et les embarque dans l’aventure philanthropique.
Le corps, pour recouvrer sa capacité d'agir
Trouver des leviers originaux pour encourager « le pouvoir d’agir » au féminin… C’est la démarche qui sous-tend les programmes menés en propre par la Fondation de France, pour et par les femmes. Au premier rang : Allez les filles, qui finance des projets conjuguant sport et émancipation. « En matière de pratique sportive, garçons et filles ne jouent pas dans la même cour, souligne Aurélie Martin, responsable du programme. Seuls 37 % des licenciés sont des sportives. C’est à l’adolescence que l'on constate un décrochage massif de la pratique sportive chez les jeunes filles. Et cette interruption est beaucoup plus importante dans les milieux défavorisés. Or, parce qu’il renforce la confiance en soi, qu’il favorise la combativité, le sport est un levier d’insertion et un outil incroyable de recouvrement de sa capacité à agir ».
Le comité sélectionne chaque année une trentaine de projets, partout en France, qui intègrent la pratique sportive dans une démarche de développement personnel pour des jeunes filles en difficulté. Exemple : « Les filles en Piste ! », de l'association Heka à Chinon,s’adresse aux jeunes filles en souffrance psychique repérées par les infirmières scolaires des établissements des quartiers sensibles de ce territoire. Le principe : des groupes « cirque & parole » qui associent pratique physique, jeu et groupes d’expression, dans l'univers sécurisant du chapiteau. Les activités qui leur sont proposées mobilisent des professionnels aux compétences complémentaires : artistes, psychologue, éducateurs sportif, diététicien, tabacologue… pour libérer la parole et dénouer les difficultés des adolescentes.
K comme Karaté, K comme Kombattante
Le ballon ovale se conjugue au féminin
Le projet « l'Essai au Féminin », lancé en 2009 par l'association Rebonds, favorise l'éducation et l'insertion des jeunes filles de quartiers sensibles toulousains, par l'intégration dans un club de rugby.
En Afrique, aux Antilles, en Guyane : l'égalité, une arme pour lutter contre le sida
A des milliers de kilomètres de la Seine-St-Denis, en Guyane, à Mayotte, aux Antilles et en Afrique subsaharienne, la Fondation de France agit au côté des femmes victimes du sida. « Le programme Sida a mis l’accent depuis 2009 sur les inégalités de genre, qui biaisent la lutte contre la pandémie, souligne Véronica Noseda, membre du comité Sida, santé et développement. Par exemple la sous-information des jeunes filles, le fait que la prévention soit perçue comme « une affaire de femmes », la honte qui pèse sur les femmes infectées et leur mise au ban de la société… tous ces facteurs sont des accélérateurs d’expansion du VIH. Notre combat passe par l’éducation des garçons et des filles, par le soutien aux malades et l’implication des familles, par l’accompagnement des femmes vers l’autonomie économique et la défense de leurs droits. Bref, la guerre contre le sida se gagnera avec les armes de l'égalité !
Ateliers pour réduire les violences faites aux femmes, accompagnement des professionnelles du sexe, actions en faveur de l'autonomisation des femmes, etc. : au Togo, l'association Action contre le Sida (ACS) aide les femmes atteintes du sida de plusieurs façons. Explications.
Donner toutes leurs chances aux rêves des jeunes femmes
Quand on a 20 ans, ce n'est pas d'idées dont on manque, mais souvent d'un réseau et de moyens pour les mettre en œuvre. Depuis 1975, la Fondation de France soutient les vocations en herbe, avec les bourses Déclics jeunes qui ont déjà accompagné près de 1 000 jeunes porteurs de projets artistiques, scientifiques, humanitaires… Parmi eux, 415 jeunes filles. « En près de 50 ans, la nature des projets a évolué, souligne Anne Lauthe, responsable du programme. Souvent très artistiques et académiques à l’origine, ils sont aujourd’hui essentiellement tournés vers l’intérêt général. Avec des lauréates combattives et innovantes ! »
Comme Fania Abdou Housseine Anoir, dont le projet « Place des Clichés » a été primé en 2018 : sensibiliser les collégiens et lycéens aux stéréotypes de genre, lors d'ateliers à la fois ludiques et participatifs. « Pourquoi sont-ce toujours les femmes qui font le ménage ? Pourquoi ai-je moins le droit de sortir que mes frères… Petite, je me suis toujours posée des questions sur la différence de traitement entre les sexes ! explique Fania. Ce n’est qu’une fois arrivée à la fac, en Master de sociologie, que j’ai eu les réponses aux questions que je me posais ». Depuis, Fania est passée de la théorie à la pratique, avec son association qui compte à son actif plus de 23 ateliers de sensibilisation en Ile de France et qui pense déjà à la démultiplication : « la bourse Déclics Jeunes finance la réalisation d’un kit pédagogique pour les enseignants ». Quand l’émancipation fait boule de neige…
12 lauréates des Déclics jeunes 2018, 12 projets inspirants
Malaury, la Guadeloupe sans filtre
Si la Guadeloupe est naturellement associée au soleil et à la mer, les difficultés sociales de la population locale sont souvent occultées. Pour dévoiler cette « face cachée » de l’ile, Malaury Eloi a réalisé un court-métrage, intitulé « Chanzy Blues », sur les conditions de vie des habitants d’une cité HLM de Pointe-à-Pitre. La suite ? Un long-métrage documentaire retraçant le parcours de Guadeloupéens en marge de la société.
Flora, l’élevage au naturel
Bien qu'elle ait grandi dans une ferme, Flora Loridat ne se destinait pas à reprendre une activité agricole. Elle a changé d'avis lorsqu'elle a réalisé, grâce à ses études d’ingénierie agronome, que l’agriculture, si elle est développée de façon responsable, est l’un des meilleurs moyens de contribuer à la préservation de l’environnement. Aujourd’hui, Flora a sa propre ferme : une exploitation à taille humaine où elle compte élever des cochons en plein air, cultiver des céréales pour les nourrir et donner une place aux arbres. Son souhait ? Travailler en harmonie avec l’animal et la nature, en privilégiant la vente en circuit court pour dynamiser le tissu social local.
Lauren, une main bionique au collège
Lauren Thevin est chercheuse spécialisée dans les technologies pour les personnes malvoyantes. Intervenante bénévole dans un collège du Cantal, elle propose aux élèves, pour la troisième année consécutive, une approche pratique de la science et de ses bienfaits au quotidien. Depuis la rentrée 2018/2019, il s’agit de concevoir et de réaliser, avec les collégiens, une main bionique articulée et pilotable, grâce à une imprimante 3D et des mesures de l'activité des neurones. Son ambition : permettre à des collégiens en milieu rural de bénéficier d’ateliers de sciences – un dispositif plutôt proposé dans les collèges des grandes villes – et d'aborder le handicap avec un nouveau regard porté par les nouvelles technologies (prothèses bioniques, interfaces cerveau-ordinateur, réalité virtuelle).
Eva, des tasses à mettre entre toutes les mains
Eva Hardy a pris conscience pendant ses études d'art que le design pouvait faciliter la vie des usagers, en particuliers des personnes souffrant d'un handicap. Sur ce principe, elle a conçu un service à thé révolutionnaire ! Adapté à ceux qui, comme elle, sont atteints de tremblements chroniques, il leur permet de boire sans rien renverser malgré leur handicap. L’étape suivante ? Lancer toute une collection...
Pauline, une scène offerte aux jeunes migrants
Comédienne, metteuse en scène et doctorante, Pauline Rousseau est aussi engagée auprès du Collectif jeunes du réseau Éducation sans frontières depuis 2015. C’est dans ce cadre qu’elle a organisé, avec l’aide d’une psychologue et d’une comédienne, un atelier de théâtre pour de jeunes migrants. Elle voulait leur offrir un espace pour raconter leur histoire. Pari réussi ! L’initiative a donné naissance à la pièce C’est quoi le problème ?, et à la fondation d'une compagnie, « Waninga », en tournée dans toute la France.
Miléna, porte-voix des exilés
Miléna Kartowski-Aïach avait entamé en 2016 une étude ethnographique sur l’île grecque de Leros. Peu à peu, l’étude s’est transformée en projet de création théâtrale. L’enjeu ? Faire entendre la voix des réfugiés Yézidis (une minorité religieuse originaire du Kurdistan irakien et persécutée au Moyen Orient), mais aussi celle des habitants de l'île, ainsi que son histoire marquée par la souffrance. Plus globalement, il vise à ouvrir le débat sur les conditions de ce peuple persécuté au Moyen-Orient, et largement ignoré, tout comme sur la condition des exilés et sur notre responsabilité collective en tant que citoyens européens.
Blandine, la médiation par les chevaux
Passionnée depuis ses 3 ans par les chevaux, Blandine retrouve dans le contact animal un environnement stable et rassurant. C’est en deuxième année de BTS Biotechnologie qu’elle découvre le métier d’équicien : un professionnel de la médiation équine auprès de publics en situation de handicap. Diplômée dans ce domaine en juin 2018, pratique désormais la médiation animale en Ariège, au sein d'une association basée sur une ferme proposant une multitude d'activités. L'objectif : aider les personnes en situation de handicap physique, mental, moteur ou sensoriel, ainsi que toute personne en situation de souffrance durable ou passagère, en leur permettant de se reconnecter à la nature et à eux-mêmes.
Anne, le design au secours des autistes
Anne Perriaux a la passion des images. Une passion généreuse : pendant ses études, elle consacre son mémoire aux supports visuels utilisés par ou pour les personnes atteintes d’autisme. Devenue professionnelle du design, elle décide d’aller plus loin en concevant et en produisant une signalétique avec des illustrations adaptées à ces personnes. Cette signalétique, déjà utilisée par certains établissements paramédicaux, peut être installée dans les espaces publics et privés. Facilement compréhensible, elle favorise l’autonomie des personnes autistes, mais est également très utile aux enfants ou aux personnes étrangères.
Melisa, le théâtre pour tous
Melisa Carrera Jurado a toujours aimé le théâtre. Enfant, en Colombie, monter sur les planches l’a aidée à surmonter sa timidité. Plus tard, elle organise des ateliers théâtraux auprès de personnes vivant dans des quartiers défavorisés ou d’enfants en situation de handicap. Arrivée en France en 2014 pour apprendre la langue, elle suit des études en dramathérapie à Marseille, et a pour projet de créer un atelier théâtral hebdomadaire ouvert aux jeunes des quartiers Nord de Marseille. Ses ambitions ? Favoriser leur accès à la culture, rompre leur isolement et créer des liens positifs au sein du quartier, pour leur permettre de s’exprimer et de reprendre confiance en eux.
Fania, engagée pour l’égalité femmes-hommes
Fania Abdou Housseine Anoir a voulu sensibiliser les collégiens et lycéens sur un sujet qui lui tient à cœur depuis longtemps : l’égalité entre hommes et femmes. Son projet ? Des ateliers ludiques et participatifs sur les stéréotypes de genre et leurs conséquences. Organisées avec des professeurs et sociologues, ils libèrent la parole des jeunes sur de nombreux sujets, comme le travail domestique.
Céline, des produits fermiers à Paris
Céline Tewa veut contribuer à l’évolution des modes de consommation pour qu’ils deviennent plus sains et respectueux de l’environnement. D’où son projet : faire distribuer en tricycle aux parisiens des aliments produits par un réseau d’agriculteurs franciliens, livrés en vrac ou dans des emballages réutilisables. Les objectifs sont multiples : réduire significativement les déchets, limiter les transports et l’empreinte carbone, proposer des produits de qualité de la région, tout en offrant à des jeunes issus de quartiers prioritaires une expérience professionnelle. Ces « Gamelles fermières » sont en cours d'expérimentation dans le nord de la capitale.
Léa, chasseuse de chaussettes dépareillées
Léa Gonzalez a, comme tout le monde, des chaussettes orphelines dans son placard. Elles lui ont donné une idée : pourquoi ne pas les collecter, les trier, puis reconstituer des paires pour les redistribuer aux plus démunis ? L’idée s’est transformée en association. Depuis, « Sock en stock » récupère chaque semaine à Lille près de 25 kg de chaussettes… soit plus de 200 paires à redistribuer !
[1] Source 8mars.info/yvette-roudy
À l'ère digitale, où sont les femmes ?
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POUR ALLER PLUS LOIN
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