Musique et éducation : l’accord parfait
À la croisée des arts, de l’éducation et de la citoyenneté, l’enseignement de la musique est au cœur de nouvelles ambitions pédagogiques. Depuis 2017, le plan « Tous musiciens d’orchestre » lancé par Françoise Nyssen, alors ministre de la Culture, entend faire de la pratique musicale à l’école la pierre angulaire de l’action du gouvernement en faveur de la démocratisation artistique et culturelle. Une orientation des plus légitimes quand on sait que moins de 5 % des jeunes Français fréquentent les conservatoires*.
Démos démocratise le classique
Bien avant cette volonté politique, nombre d’acteurs du monde associatif ou philanthropique ont mis en œuvre d’innovants projets d’enseignement de la musique. C’est le cas de Démos, Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale.
Lancé en 2010 et piloté par la Philharmonie de Paris, ce projet de démocratisation culturelle centré sur la pratique musicale en orchestre rayonne aujourd’hui sur tout le territoire, grâce au soutien des pouvoirs publics et de plusieurs fondations – dont la Fondation Education Health and the Arts, la Fondation Daniel et Nina Carasso, la Fondation Abalone, la Fondation 15 SAINTS PÈRES et la Fondation Philharmonie de Paris. Démos propose à des enfants de 7 à 12 ans, issus des quartiers défavorisés, un apprentissage de la musique classique selon une pédagogie adaptée. Trompette, hautbois, piccolo ou violon… Chaque élève se voit confier un instrument de musique pendant trois ans. Les cours (quatre heures hebdomadaires) sont encadrés par des professionnels de la musique et du champ social spécialement formés et donnent lieu chaque année à une représentation dans une grande salle emblématique du territoire. « Démos est porteur d’une vraie vision et renouvelle de manière profonde l’enseignement de la musique, s’enthousiasme Anastassia Makridou-Bretonneau, responsable de l’axe Art Citoyen à la Fondation Daniel et Nina Carasso. Nous avons choisi de soutenir ce projet car nous avons la conviction que l’éducation artistique est un outil essentiel dans la construction des individualités et du vivre ensemble. Et à ce titre, l’orchestre est sans doute le plus beau symbole de contribution collective pour une œuvre commune. La réussite de Démos est d’avoir élaboré une méthode qui puisse être partagée avec les acteurs locaux. Chaque projet d’orchestre est co-construit localement et implique la mobilisation de tous. Grâce à ces partenariats, la pédagogie spécifique et exigeante, basée sur le collectif et sur l’apprentissage oral plutôt que par le solfège est reprise au sein des conservatoires, des écoles de musique et s’inscrit ainsi durablement dans la façon d’initier les enfants à la musique et de soutenir leur désir d’apprendre. »
« L’orchestre est sans doute le plus beau symbole de contribution collective pour une œuvre commune. »
Plus d’un enfant sur deux souhaite poursuivre la musique
Après 10 ans d’existence, Démos affiche en effet un bilan des plus remarquables : 44 orchestres créés partout en France et 60 prévus en 2022. « Nous n’avions pas envisagé un tel déploiement », confie Gilles Delebarre, responsable délégué du projet, qui rappelle que l’initiative était originellement destinée aux enfants des quartiers de l’Est parisien, proches de la Philharmonie. « Le dispositif a peu à peu pris de l’ampleur et s’est modelé au fil des retours d’expérience. Une de nos plus grandes fiertés est de constater que plus d’un enfant sur deux souhaite poursuivre la musique après le cycle imposé. Mais au-delà de ce chiffre, il y a de toute façon un esprit Démos qui les accompagnera toute leur vie. C’est en tout cas ce que tendent à montrer de récentes études en psychologie sociale », conclut-il.
Les vertus cognitives du violon
Autre projet, autre démarche. La Fondation Vareille innove par un programme d’enseignement musical destiné à lutter contre le décrochage scolaire et ce, dès le plus jeune âge. Créé en 2015, le projet « Un violon dans mon école » est né de la volonté d’Hélène et Pierre Vareille. « Mon mari et moi sommes de grands amateurs de musique, confie Hélène Vareille, présidente de la Fondation Vareille, et nous avons longtemps hésité entre agir dans le monde de la musique ou celui de l’éducation.
Finalement, nous avons concilié les deux en nous inspirant des apports des neurosciences, qui mettaient en évidence l’impact positif de la pratique instrumentale sur le développement des capacités cognitives. »
Acquisition de la lecture, capacité d’abstraction, développement de la mémoire et de concentration sont en effet autant de facultés essentielles qui sont favorisées par l’activité cérébrale qu’impose l’apprentissage musical. Déployé dans 40 écoles du Val-d’Oise et cinq écoles en Suisse, ce dispositif réunit près de 3 200 élèves depuis la rentrée 2020. « En partenariat avec l’Éducation nationale, nous avons créé un programme sur mesure qui s’intègre dans le temps scolaire, poursuit Hélène Vareille. Dès l’âge de quatre ans, tous les enfants suivent des cours dispensés par des professeurs de violon expérimentés, en petits groupes et jusqu’à trois fois par semaine. Le violon est particulièrement adapté aux petits et il est aussi un objet de grande fierté pour les familles puisque chaque enfant dispose de son propre instrument. » Mené de façon expérimentale jusqu’en 2025, « Un violon dans mon école » fait l’objet d’une mesure d’impact réalisée par le CNRS, en collaboration avec l’Éducation nationale, afin de démontrer scientifiquement tous les bienfaits de l’apprentissage précoce de la musique sur les résultats scolaires des enfants. Avec l’espoir affiché, que bientôt, peut-être, toutes les écoles de France se mettent au diapason et qu’ainsi, jouer d’un instrument devienne aussi essentiel que lire, écrire et compter.