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Laurence Fischer : « Bénéficier du soutien de la philanthropie m’a donné le sentiment d’être comprise »

29 mars 2022

Laurence Fischer est triple championne du monde de karaté. En 2017, elle a créé l’association Fight for Dignity, qui propose aux femmes victimes de violences une pratique adaptée du karaté. Depuis juillet 2019, elle est ambassadrice pour le sport. Elle nous raconte les origines de son engagement et sa vision de la philanthropie.

laurence fischerVous êtes mobilisée de longue date aux côtés d’ONG. D’où tenez-vous cet engagement ?

Cet engagement est lié à mon parcours, à l’impact que le sport a eu sur moi. J’ai commencé à pratiquer le karaté à 12 ans sans trop aimer ça, car j’étais très timide et introvertie, puis j’ai trouvé là un moyen d’expression extraordinaire. Je suis reconnaissante de ce que m’a apporté le karaté : la conscience de ce que l’on est, un rapport à l’autre très direct. Ayant eu la chance de grandir dans un pays où il était facile de pratiquer un sport, j’ai à mon tour eu envie de transmettre, d’aller à la rencontre de celles et ceux qui n’y avaient pas accès. C’est ainsi que je me suis engagée aux côtés d’ONG : l’agence pour l’éducation par le sport, Play International, Premiers de cordée…

Vous avez créé Fight for Dignity en 2017 pour aider les femmes victimes de violences à se reconstruire physiquement et mentalement par la pratique adaptée du karaté. Quel a été votre déclic ?

J’ai vécu deux expériences déterminantes : en 2005, j’ai monté une mission en Afghanistan avec Play International afin de partager mon expérience d’athlète auprès de la première équipe nationale de jeunes filles de karaté, qui pratiquaient au risque de leur vie. Je les ai fait venir en France pour témoigner. À ce moment-là, j’ai pris conscience que la liberté, en tant que femme, avait un prix et n’était pas égale partout dans le monde.

Le deuxième choc a eu lieu en 2013 lors du Forum mondial des femmes francophones, lorsque j’ai rencontré le Dr Mukwege, gynécologue-obstétricien, directeur de l’hôpital Panzi de Bukavu, en République démocratique du Congo. Il se bat contre le viol utilisé comme arme de guerre, et œuvre à la reconstruction des survivantes. Il venait alors tout juste de réchapper à une tentative d’assassinat. Forte de mon expérience dans l’éducation par le sport et contre les inégalités femmes-hommes, je me suis mise à sa disposition. Je me suis rendue en 2014 à Panzi, à la Maison Dorcas, où sont prises en charge ces femmes et jeunes filles. C’est une structure holistique, avec un volet médical, juridique, des formations professionnalisantes… De la musicothérapie était également proposée, mais il n’y avait rien pour le corps, qui avait pourtant été traumatisé au moins à deux reprises, une première fois par la barbarie du viol, puis par l’opération chirurgicale de réparation. J’ai alors proposé une activité de karaté adaptée au syndrome post-traumatique, pour mettre le corps en action, le reconnecter au mental. Ce n’est pas du self-defense, mais de la reconstruction : comment gérer ses émotions, s’en décharger. L’objectif est de retrouver l’estime de soi, de se réapproprier ce corps meurtri, associé à la souffrance. De retour en France, j’ai développé le projet Fight for Dignity au sein de la Maison des femmes de Saint-Denis, pour les femmes victimes de violences. Ces femmes doivent pouvoir sortir du silence, se sentir protégées, entendues, et doivent être accompagnées pour se reconstruire.

Ce projet bénéficie du soutien de plusieurs acteurs de la philanthropie – Fondation de France, Fondation Raja, Fondation des Femmes, Fondation L’Oréal… : en quoi la philanthropie joue-t-elle un rôle indispensable dans la lutte contre les violences faites aux femmes ?

Bénéficier du soutien de la philanthropie pour développer Fight for Dignity m’a donné le sentiment d’être comprise. Il s’agissait là d’une reconnaissance de la pertinence du projet, de son humanité, de ce qu’il a de plus fondamental. Au lancement de Fight for Dignity, seule la philanthropie nous a soutenue, à commencer par la Fondation de France. Il fallait faire preuve de vision pour s’engager sur un sujet aussi tabou que celui du corps de la femme. Ce soutien avait du sens, cela voulait dire que nous étions sur la bonne voie.

Il existe des projets extraordinaires, fondés sur de réels savoir-faire, mais le problème, qui n’est pas spécifique au sport, est qu’on ne le fait pas savoir ; ils demeurent alors des micro-projets. La philanthropie joue un vrai rôle à cet endroit : elle identifie les initiatives prometteuses et donne une impulsion. Elle oriente les gouvernements, donne confiance, montre des pistes d’action aux institutions : « Cette initiative, on y croit, allez-y ! ».

Laurence Fischer, lors d'un cours de karaté donné à la Maison des Femmes
Laurence Fischer, lors d'un cours de karaté donné à la Maison des Femmes

Faut-il combiner l’action de la philanthropie et celle des pouvoirs publics pour qu’un projet grandisse, selon vous ?

Oui, l’articulation entre la philanthropie et les pouvoirs publics est fondamentale. Il faut une synergie entre les différents acteurs, et un engagement institutionnel pour que le projet grandisse et touche beaucoup plus de bénéficiaires. Aujourd’hui, le ministère des Sports et le gouvernement sont très mobilisés sur les questions d’égalité femmes-hommes et sur l’impact positif du sport sur la société. Or, cette reconnaissance, on la doit à la philanthropie qui a su identifier et soutenir des projets prometteurs et innovants tels que le nôtre.

De manière générale, on ne peut plus faire sans travailler ensemble : société civile, philanthropie, pouvoirs publics, ONG,... Ainsi nous avons noué des partenariats avec les fédérations françaises de sport par exemple, pour sensibiliser, au niveau des clubs, aux violences sexuelles. Je crois à la co-construction !

Outre la question des femmes, quelles sont selon vous les autres causes prioritaires que la philanthropie doit investir ?

L’éducation est un sujet majeur, et il faut y inclure le sport, le corps en mouvement, au même titre que l’on apprend à lire et à écrire. C’est un sujet sur lequel il faut être plus actif, plus pertinent. L’éducation, c’est aussi savoir être. Que mange-t-on ? Comment mange-t-on ? Des questions qui ouvrent sur les problèmes de sédentarité, les difficultés psycho-cliniques…

Avez-vous en tête des initiatives soutenues par la philanthropie que vous trouvez particulièrement exemplaires ?

Play International, qui fait du sport un levier de changement social et met en œuvre des projets éducatifs et humanitaires, est une ONG que j’ai vu grandir et se transformer. En matière d’éducation, elle est exemplaire, notamment par sa présence au cœur de l’enseignement, là où tant de choses se jouent.

Autre projet : Caméléon, aux Philippines. C’est un programme pluridisciplinaire destiné aux jeunes filles victimes de pédocriminalité. Elles sont accueillies, protégées, et initiées au cirque dans une optique thérapeutique. Elles sont également accompagnées par des parrains ou marraines. Pour favoriser leur insertion sociale et économique, elles se voient proposer une formation professionnalisante. Certaines deviennent médecins ou enseignantes… c’est fabuleux !

Plus récemment, j’ai découvert l’initiative Pour le sourire d’un enfant, qui propose de l’escrime à des enfants des rues de Dakar. L’association leur offre la possibilité de suivre un parcours vers l’autonomie. Ils ont d’ailleurs signé un partenariat avec le ministère de la Justice C’est un projet exemplaire, duplicable, qui reprend ce fil conducteur extraordinaire qu’est le sport.

Tous les points de vue


POUR ALLER PLUS LOIN

→ Fight for Dignity : une mini-série pour mieux faire connaître ce projet novateur
→ Fight for Dignity : le sport comme outil de résilience et de reconstruction pour les femmes victimes de violences
→ Le sport, un tremplin pour se reconstruire 

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