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Tom Pickerell : « Ensemble, nous pouvons mettre le potentiel de l’océan au service du développement durable et construire un avenir plus résilient pour les populations et la planète »

11 juillet 2025

tom pickerellTom Pickerell est biologiste, spécialiste des écosystèmes marins, et Global Director du programme « Ocean » du World Resources Institute (WRI). En marge de l’UNOC, il nous éclaire sur les grands enjeux mondiaux en matière de protection des océans et plaide pour la mise en place d’une économie océanique durable basée sur la coopération entre tous les acteurs, publics, privés et philanthropiques.

Pendant trop longtemps, l'homme a agi comme si l'océan était trop vaste pour souffrir de l'impact durable de ses actions. Au 19e siècle, le biologiste anglais T. H. Huxley ne déclarait-il pas que « la pêche à la morue… et probablement toutes les grandes pêcheries maritimes, sont inépuisables… autrement dit que rien de ce que nous faisons n’affecte sérieusement le nombre de poissons ». Mais aujourd’hui, alors qu'un tiers des stocks de poissons sont pêchés à des niveaux intenables, que l'océan se réchauffe, s'acidifie et se remplit de plastique, le déclin de la santé des océans est devenu un enjeu trop grave pour être ignoré.

Une année cruciale pour les océans

L'année 2025 offre la possibilité de changer la donne et pourrait marquer un tournant décisif pour les océans, avec une série d’échéances, d’étapes clés et de nouvelles initiatives susceptibles de transformer leur gouvernance, leur préservation et leur développement durable. L’ambition politique, l’engagement philanthropique et les partenariats public-privé seront des leviers décisifs.

Du 9 au 13 juin 2025 a eu lieu à Nice la Conférence des Nations Unies sur l’Océan, organisée conjointement par la France et le Costa Rica. Elle a constitué une étape déterminante dans l’avancée de l'objectif 14 des Nations Unies en matière de développement durable (ODD) consacré à la vie aquatique. Malgré l'importance des océans, qui fournissent la moitié de notre oxygène, régulent notre climat et nourrissent des milliards de personnes dans le monde, cet objectif reste malheureusement le moins financé de tous les ODD, ne bénéficiant en effet que de 0,01 % des fonds mondiaux alloués. Ce chiffre parle de lui-même.

En 2025 pourrait également être adopté un traité mondial sur le plastique, dans le cadre duquel les nations pourraient signer un accord juridiquement contraignant pour lutter contre la pollution plastique, de la production au traitement. Le Traité sur la haute mer a quant à lui été adopté en 2023, au terme de près de deux décennies de discussions. Il vise à protéger les 61 % de la surface des océans situés au-delà des frontières nationales, qui ne bénéficient protection spécifique. Il a déjà été ratifié par 51 pays. L’objectif est d’atteindre les 60 cet été afin qu’il puisse entrer en vigueur dès 2026.

La voie vers une gouvernance durable des océans

Les approches disparates et cloisonnées de la gestion et de l'utilisation des ressources océaniques ont entraîné une grave dégradation d'écosystèmes clés tels que les récifs coralliens, les forêts de mangroves et les herbiers marins, à qui l’on doit environ 95 % de la productivité des océans. Les conséquences de notre inaction pourraient coûter des milliers de milliards à l'économie mondiale à mesure que ces services écosystémiques essentiels s'effondrent.

La clé réside dans la mise en place d'une « économie océanique durable » intégrant la préservation de la santé et de la résilience des océans. En investissant dans des industries océaniques telles que la pêche durable, les énergies renouvelables en mer et le tourisme marin, nous pouvons stimuler la croissance économique tout en préservant les écosystèmes marins. Pour atteindre cet objectif, les gouvernements nationaux doivent adopter une approche globale de la gestion des océans et assurer une gestion durable de 100 % des eaux relevant de leur juridiction nationale.

Certains pays, tels que les membres du Groupe de haut niveau pour une économie océanique durable (Ocean Panel), mettent déjà en œuvre une gestion durable à 100 %, en élaborant et en appliquant activement des « Plans pour un Océan Durable », conçus pour orienter la gestion responsable des aires marines nationales.

Par exemple, la campagne « 100% Alliance », lancée par le président français Emmanuel Macron et coprésidée par la France et le Chili, exhorte les États côtiers et océaniques à veiller à ce que 100 % des zones océaniques relevant de leur juridiction nationale soient gérées de manière durable d’ici à 2030. Ce faisant, ces pays acceptent d'adopter des Plans pour un Océan Durable afin de mettre en place une gouvernance globale de leurs eaux, fondée sur des données probantes.

Pour concrétiser cet objectif, des partenariats innovants en mesure de rassembler les gouvernements, le secteur privé, les acteurs de la philanthropie et la société civile à grande échelle sont nécessaires. Les fonds philanthropiques peuvent également soutenir la recherche afin d'améliorer les connaissances sur les océans et de veiller à ce que les pays disposent des ressources nécessaires à la mise en œuvre de Plans pour un Océan Durable.

Ces dernières années, plusieurs progrès ont été réalisés dans le cadre. Les dirigeants des îles du Pacifique se sont engagés à atteindre l'objectif d'une gestion durable et efficace à 100 % du « continent bleu ». Les 56 pays du Commonwealth ont récemment adopté une déclaration qui reconnaît « la nécessité de gérer 100 % des eaux territoriales ». Par ailleurs, les Plans pour un Océan Durable sont davantage reconnus comme essentiels à la gouvernance des océans, par exemple au sein des Nations Unies, par l’intermédiaire de la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO.

Investir dans l'économie océanique durable

L’économie océanique durable offre d’importantes possibilités de croissance, en particulier dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, l’aquaculture et le « transport maritime vert ». L'énergie éolienne en mer, par exemple, a le potentiel de répondre à une part importante de la demande énergétique mondiale tout en réduisant les émissions de carbone. Sans doute plus important encore, ces industries océaniques pourraient permettre de réaliser jusqu’à 35 % des réductions annuelles d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires d’ici 2050 pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C, soit l’équivalent de la suppression de quatre fois les émissions annuelles des pays de l’Union européenne.

Le secteur privé a un rôle crucial et déterminant à jouer dans cet effort, en investissant dans des projets durables et en adoptant des pratiques exemplaires alignées sur les objectifs de préservation des océans. C’est dans ce contexte que la philanthropie et les institutions de financement du développement peuvent intervenir pour sécuriser les investissements et accélérer l’innovation.

En alignant les incitations et en mutualisant les ressources, les partenariats public-privé peuvent mobiliser les capitaux et les expertises nécessaires pour stimuler l'innovation. La collaboration croissante autour des parcs éoliens en mer et de la conservation marine en est un excellent exemple : les entreprises et les gouvernements travaillent ensemble pour garantir la protection de la biodiversité tout en augmentant la capacité de production d'énergie.

Le Ghana illustre la manière dont des partenariats coordonnés peuvent débloquer des fonds en faveur de la gestion durable des océans. Avec le soutien de la coalition Ocean Action 2030 du World Resources Institute (WRI), le Ghana élabore son plan pour un océan durable grâce à un financement du fonds PROBLUE mis en œuvre par la Banque mondiale. Ce plan inclut la lutte contre l'érosion côtière, les inondations et la dégradation des écosystèmes marins, tout en intégrant la science, les connaissances traditionnelles et l'engagement des parties prenantes.

L'économie océanique durable offre un potentiel énorme, mais le temps presse. Philanthropes, investisseurs et agences de développement ont une chance unique de façonner l’avenir de l’économie océanique. En apportant des fonds initiaux et un capital d’amorçage à des outils tels que le Fonds d'assistance rapide d'Ocean Action 2030, les organisations philanthropiques peuvent soutenir l'élaboration de Plans pour un Océan Durable ainsi que des projets novateurs de conservation et de régénération, contribuant ainsi à réduire les risques associés aux initiatives et à attirer davantage d'investissements.

Les investissements réalisés aujourd'hui peuvent être le moteur d'une transformation mondiale qui, en plus de préserver nos océans, assure la subsistance des populations et lutte contre le changement climatique.

Le WRI s'est engagé à travailler avec des partenaires de tous les secteurs pour mener à bien cette transformation. Nous invitons les acteurs de la philanthropie et les parties prenantes à se joindre à nous pour soutenir l'Alliance 100 % et construire une économie océanique durable qui profite aux personnes, à la nature et à la planète.

 

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exte traduit et adapté de l’anglais, initialement publié sur le site d’Alliance Magazine : The ocean is overexploited and under-funded. Can philanthropy reverse its decline? - Alliance magazine


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