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« Nous sommes en train de basculer dans une troisième ère de l’engagement »

« Nous sommes en train de basculer dans une troisième ère de l’engagement »

24 Jan.2022

Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, nous parle de l’évolution de l’engagement au XXe siècle, de sa contribution à notre société et de la manière de l’encourager.

Pourriez-vous nous retracer l’évolution de l’engagement, du bénévolat et les différentes formes qu’il a pris au cours de l’Histoire ?

Dans son ouvrage La Fin des militants ?, paru en 1997, le sociologue Jacques Ion montre l’évolution du militantisme et des formes d’engagement. Il distingue deux ères. La première émerge après la Seconde Guerre mondiale : elle est caractérisée par un engagement total, lié à l’adhésion à un parti politique – le militant communiste en est l’incarnation (d’où l’expression d’« engagement timbre » utilisée par Jacques Ion). C’est un engagement extrêmement intense, collectif, qui se diffuse dans toutes les sphères de la vie : les liens amicaux et familiaux, le travail… Il y a une vraie volonté de voir le monde changer, et l’espoir que se trouve derrière le Rideau de fer quelque chose de plus intéressant. Le militant aspire au grand soir, même s’il n’est pas certain que ça arrivera.

La deuxième ère se développe dans les années 70, marquées par l’émancipation de l’individu de son espace familial, de sa communauté, de la religion. L’individu s’affranchit de son cadre d’appartenance pour se réaliser lui-même. Il y a de moins en moins de liens hérités ; ces liens forts perdent de leur importance au profit de liens faibles, de liens électifs, c’est-à-dire choisis. Les réseaux d’appartenance sont démultipliés et se renouvèlent beaucoup. Dans le même temps, l’URSS s’effrite. La chute du mur de Berlin marque la fin des grandes idéologies. Dans les années 80 et 90, les formes d’engagement se recomposent, deviennent réversibles ; c’est ce que Jacques Ion appelle l’« engagement post-it ». Il n’est plus question de sacrifier son individualité, on n’est plus dans le tout collectif, la notion d’épanouissement personnel apparaît. Les individus s’engagent de façon plus pragmatique, l’adhésion à une structure perd de son importance au profit d’une cause, et l’on veut voir des résultats concrets. C’est l’idée du colibri : on fait sa part pour que ça bouge.

Aujourd’hui quelle forme prend selon vous l’engagement ?

Nous sommes en train de basculer dans une troisième ère de l’engagement. C’est le retour des grands combats : le climat, l’égalité femmes-hommes, l’accueil des réfugiés... Des sujets vecteurs de mobilisation chez les jeunes, notamment les très jeunes. Cet engagement est très intense, guidé par la conviction que le monde doit changer, que l’on ne peut plus se contenter de faire sa part. Il n’est pas question de se sacrifier totalement, mais l’engagement se doit d’être collectif pour faire changer le monde maintenant : l’objectif est à la fois de s’épanouir et de trouver du sens. Et la nouveauté, c’est le rapport des plus jeunes aux institutions : elles ne les intéressent plus, elles sont considérées comme inefficaces, ce qui est très perturbant pour le politique. C’est un changement très récent.

Quelle est la place du bénévolat dans notre société ?

Il y a aujourd’hui en France 1,5 million d’associations et 20 millions de bénévoles ! Cela recouvre des formes d’engagements très diverses, depuis l’action ponctuelle à la gouvernance d’une association. Si les associations sportives, culturelles et de loisirs représentent plus de la moitié de l’ensemble du paysage associatif français, il faut également avoir en tête que 90 % des établissements qui accueillent des enfants handicapés sont sous statut associatif, tout comme 80 % des établissements d’enseignement culturel, 10 % des hôpitaux, ou encore une crèche sur deux. Si ces structures comprennent bien souvent des salariés, le rôle des bénévoles demeure essentiel et beaucoup de choses ne pourraient avoir lieu sans eux ! Leur contribution, cruciale, est celle des « derniers kilomètres » : ils permettent d’aller au plus près des personnes dans les territoires, ils rendent possible l’échange, ils créent du lien social. 

Comment le bénévolat peut-il agir face aux grands défis de la transition ?

Rappelons tout d’abord ce qu’est une association : ce sont des personnes qui se rassemblent autour d’un projet, d’une cause, d’une envie commune. Elles identifient une problématique et vont essayer de trouver des réponses, ou bien vont monter leur projet dans un domaine qui les intéresse… Il y a des réalités très différentes derrière l’initiative associative. C’est un cadre vaste et agile qui permet d’expérimenter en actes, d’identifier des solutions concrètes à l’échelle locale… pour répondre aux défis de notre société. Si le modèle fonctionne, l’enjeu est de passer l’échelle, parfois de le transformer en politique publique. Et bien souvent, les solutions se révèlent adaptées aux problématiques et acceptées par les citoyens… parce que pensées par les principaux concernés ! Prenons l’exemple du handicap. Il y a aujourd’hui une meilleure prise en compte dans le débat public de la situation des personnes handicapées. Cette amélioration, nous la devons aux personnes porteuses de handicap ou aux parents d’enfants handicapés qui se sont réunies au sein d’associations et qui ont soulevé les questions qui n’étaient pas posées…

Il en est de même du Planning familial – qui était à l’origine l’association La Maternité heureuse. Grâce à l’engagement de citoyens, les politiques publiques en matière de droits des femmes, d’accès à la contraception, à l’avortement… ont évolué.

Comment susciter davantage l’engagement, le bénévolat ?

On ne s’engage pas de la même manière à 20, 35 ou à 65 ans… car les modes et rythmes de vie sont différents. Mais il est démontré que plus l’on s’engage tôt, plus l’on s’engage durablement. L’incitation au bénévolat doit donc intervenir très précocement.

Par ailleurs, il me semble important de désacraliser le bénévolat : pour certains, « engagement » est un mot très fort, qui implique un investissement trop lourd. Or il est possible d’être bénévole de façon ponctuelle, ou de manière très intense sur un temps court. Être bénévole, c’est donner de son temps de manière volontaire et gratuite. Tout le monde peut y trouver son compte, seul, en famille, entre amis… c’est la source de beaucoup d’épanouissement !

Enfin, gardons-nous d’une vision trop normative de l’engagement. On peut s’engager pour soi-même, car peu importe la manière dont on arrive à l’engagement, l’important est d’y arriver. On peut par exemple devenir bénévole pour acquérir des compétences, mais in fine, il y a toujours une dimension collective qui permet a minima la création de liens sociaux.

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