Trois questions à Emmanuelle Lépine, psychologue et membre du comité Santé des jeunes
L’aller-vers et l’empowerment constituent de vraies voies d’avenir pour la psychiatrie et le soin en santé mentale. «
Quel impact la crise du COVID a-t-elle eu sur la santé mentale des jeunes ?
Le Covid a été le révélateur d’un grand sentiment d’isolement et de fragilité pour de nombreuses personnes et de manière plus dramatique pour les jeunes. Les confinements ont plongé beaucoup d’entre-eux dans une grande solitude et l’anxiété générale liée à un contexte mortifère leur a fait toucher du doigt la vulnérabilité de l’existence. Ils sont de plus à un âge où la relation à l’autre est essentielle dans la construction de leur identité. Beaucoup d’entre eux se sont retrouvés enfermés avec des parents qu’ils auraient eu besoin de mettre à distance pour pouvoir retrouver leurs pairs, ce dont ils ont été privés. Cette situation a entraîné de nombreux troubles psychiques, comme des dépressions, des troubles du comportement alimentaire, des addictions dont les manifestations persistent encore pour certains d’entre-eux. Le contexte permanent de crise, climatique ou géopolitique, n’arrange pas les choses. Les discours mortifères et suicidaires sont plus répandus qu’avant et témoignent d’une angoisse terrible par rapport à l’avenir mais aussi d’un renoncement à s’engager dans le monde tel qu’il est.
Quels besoins cette période a-t-elle fait émerger ?
La demande de consultations a explosé, avec en parallèle un système de soins lui-même en grande souffrance et qui comporte de véritables inégalités territoriales. Il y a un manque criant de personnels, de structures et en même temps une inadaptation de la prise en charge. Même si les jeunes sont de plus en plus à l’aise avec la demande d’aide et de soin, ils restent un public très difficile à capter et les réponses ne sont pas toujours adaptées à leurs besoins. Les prises en charge ont souvent un caractère trop rigide dans leur approche sachant-patient et ne règlent pas vraiment le problème de cette jeunesse qui n’a de toute façon pas envie de s’engager dans le monde tel qu’il est. Alors faut-il les soigner pour cela ? La réponse est peut-être moins dans le soin que dans une nouvelle forme d’accompagnement.
Quelles sont les priorités d’actions de la Fondation de France à travers son programme Santé des jeunes ?
Nous intervenons sur la prise en charge de troubles psys comme les addictions, les troubles du comportement alimentaire ainsi que sur le repérage précoce des maladies psychiatriques. En termes d’approche, nous favorisons des pratiques comme l’aller-vers et l’empowerment. L’aller-vers consiste à rendre plus accessible l’offre de soins en allant à la rencontre des jeunes là où ils sont, par exemple grâce à des équipes mobiles ou des plateformes digitales d’écoute et d’orientation. L’empowerment, lui, vise à renforcer et à s’appuyer sur les ressources propres des jeunes ou sur celles de leurs pairs. La Fondation de France soutient des projets de sensibilisation et d’accompagnement des jeunes en souffrance portés par d’autres jeunes ou des associations d’étudiants, de jeunes travailleurs… Ils offrent une alternative aux prises en charge classiques, et initient un nouveau rapport de confiance dans l’accompagnement communautaire. Cette approche centrée sur les compétences des patients leur permet de moins subir la maladie et les rend acteurs du parcours de soin aux côtés des soignants. L’aller-vers et l’empowerment constituent de vraies voies d’avenir pour la psychiatrie et le soin en santé mentale.
POUR ALLER PLUS LOIN
→ Emmanuelle Lépine, psychologue et bénévole au sein du comité Santé des jeunes
→ Santé mentale des jeunes : répondre à l’urgence des besoins
→ Découvrez le programme Santé mentale