Deux ans après la crise sanitaire, les effets délétères sur la santé mentale des Français, et en particulier celle des jeunes, sont toujours sensibles, tels une onde de choc. Dépression, anxiété chronique, bipolarité, phobies, pensées suicidaires… 1 Français sur 4 est ou sera concerné par des troubles psychiques au cours de sa vie. Chez les jeunes générations, le constat est plus alarmant encore : en 2021, 40 % des 18 - 24 ans souffrent de troubles de l’anxiété généralisée, et plus d’ 1 jeune sur 5 connaît des symptômes dépressifs*. Toujours en 2021, 23 791 tentaient même de mettre fin à leur jour, un chiffre jamais atteint jusqu’ici**. Très investie sur la question de la santé mentale, la Fondation de France agit depuis plus de 20 ans dans ce domaine avec près de 25 fondations abritées. Parmi elles, la Fondation Sisley-d’Ornano qui agit en faveur de l’inclusion sociale des personnes malades psychiques la Fondation Chantelix, qui soutient les groupes d’entraide et l’accompagnement vers le rétablissement ou encore la Fondation Jeanne Wolff, mobilisée pour les enfants fragilisés psychiquement, l’accès aux soins et la recherche.
Pour répondre aux besoins des différents publics, la Fondation de France a développé quatre programmes dédiés : le programme « Recherche » sur les maladies psychiatriques avec notamment des projets de recherche sur les biomarqueurs pour une détection précoce des pathologies ou sur de nouvelles molécules plus efficaces ; le programme « Maladies psychiques : accès aux soins et vie sociale » qui accompagne les personnes concernées ainsi que leurs proches vers une meilleure inclusion dans la société et agit pour faire évoluer le regard sur ces maladies. Plus récemment, « Santé mentale des exilés » qui aide les personnes à dépasser les traumatismes liés à leurs parcours d’exil et à se reconstruire psychiquement. Enfin, la Fondation de France a créé en 2018 le programme « Soutien aux jeunes en souffrance psychique », un programme global dédié à santé mentale des jeunes, pour lequel plus d’un million d’euros est engagé chaque année. Ce programme englobe les anciens axes soutenus jusqu’ici de manière cloisonnée tels que la santé des jeunes, la prévention du suicide ou les troubles du comportement alimentaire avec une approche transversale.
Dans le contexte post-covid qui a fragilisé de nombreux adolescents ou jeunes adultes, comment favoriser la prise en charge ? Comme le rappelle Emmanuelle Lépine, psychologue et membre du comité Soutenir les jeunes en souffrances psychique : « La demande de consultations a explosé, avec en parallèle un système de soins lui-même en grande souffrance qui comporte de véritables inégalités territoriales. De plus, même si les jeunes sont de plus en plus à l’aise avec la demande d’aide et de soin, ils restent un public très difficile à capter et les réponses ne sont pas toujours adaptées. »
L’aller-vers pour aller à la rencontre de ceux qui souffrent
Pour faciliter l’accès des jeunes au soin, la Fondation de France soutient la pratique de l’aller-vers, une démarche pro active qui va à la rencontre des jeunes, là où ils se trouvent, afin de les sensibiliser et les orienter vers des professionnels de santé. Dans l’espace numérique par exemple, les plateformes digitales comme Elios ou Apsytude proposent des outils en ligne adaptés aux jeunes et permettent à ceux qui en éprouvent le besoin de s’informer, de dialoguer et de consulter des psychologues par webcam.
Sur les lieux de vie des jeunes, d’autres projets favorisent la détection précoce des troubles et permettent de libérer la parole. Le dispositif Ambassadeur en Santé Mentale, soutenu par l’association Unis-Cité, vise à former des jeunes volontaires en Service Civique, pour leur permettre d’aller au-devant de jeunes de 16 à 25 ans en situation de fragilité. Les ambassadeurs sont accompagnés par des professionnels de santé et des pairs-aidants professionnels (personnes directement concernées par une maladie psychique et formées pour partager leur savoir expérientiel). Ils apprennent ainsi à reconnaître les symptômes d’une éventuelle maladie psychique, à offrir une aide initiale, à écouter et répondre de manière pertinente face aux jeunes en situation de crise, et à orienter vers une aide professionnelle adéquate.
Expérimenté pendant 3 ans au sein d’établissements scolaires, de maisons de quartier ou de centres sociaux, le dispositif a déjà permis de sensibiliser près de 3 000 jeunes. 75 % d’entre eux déclarent se sentir plus à l’aise pour aller consulter un professionnel de santé. D’ici 3 ans, les Ambassadeurs en santé mentale devraient se déployer dans une cinquantaine de territoires, compter 800 volontaires pour espérer toucher 30 000 bénéficiaires.
Parmi les publics les plus fragilisés, les mineurs en errance sont particulièrement éloignés des offres de soin en santé mentale. C’est pourquoi la Fondation de France soutient également, dans le cadre du programme Santé mentale des exilés, l’association Hors la rue. Parmi ses actions, l’association propose depuis 2021 un espace d’accueil et d’écoute à bord d’un van aménagé, le Vroum (Véhicule de Rue OUvert aux Mineurs). Destiné à faciliter la rencontre avec les jeunes à la rue, cet espace mobile se veut un lieu ouvert et sécurisant. Il permet de nouer le dialogue et propose des ateliers d’art-thérapie en petits groupes ainsi que des consultations individuelles en toute confidentialité avec un psychologue.
Quand les jeunes aident d’autres jeunes
Changer le regard sur les maladies psychiques et ouvrir le champ de l’accompagnement à des acteurs autres que les professionnels du soin est un axe très prometteur soutenu par la Fondation de France. Pour Emmanuelle Lépine : « il est important de reconnaître davantage les compétences expérientielles des jeunes ayant connu des troubles et de les intégrer au parcours en santé psychique. C’est pourquoi nous favorisons l’empowerment des jeunes, c’est-à-dire la capacité des jeunes à sensibiliser et à aider d’autres jeunes en souffrance. Cette approche de pair à pair offre une alternative aux prises en charge classiques, et initie un nouveau rapport basé sur la confiance et la dimension communautaire de l’accompagnement ».
La Maison perchée est à l’image de cette entraide communautaire de pair à pair. Cette association créée par et pour des jeunes adultes (18-40 ans) vivant avec un trouble psychique a pour principe fondateur la pair-aidance. Co-fondée par quatre jeunes - dont trois directement concernés par la bipolarité et la schizophrénie, la Maison perchée qui proposait jusqu’ici des offres de soutien en ligne ou par téléphone (programme d’accompagnement, ateliers, groupe de paroles) va ouvrir ses portes en novembre à Paris. « Ce lieu se veut comme un refuge, un espace ouvert où l’on peut venir parler, rencontrer d’autres personnes avec qui partager son vécu, ses questionnements, par exemple au sortir d’une hospitalisation, quand on se sent livré à soi-même, avec juste un diagnostic et une liste de médicaments… Cette approche empathique fait toute la différence, elle permet de se sentir moins seul et de trouver des réponses en dehors du contexte médical. » explique Caroline Matte, co-fondatrice de la Maison Perchée. Pour accueillir les jeunes, une quarantaine de pair-aidants ont suivi une formation pratique (sur le rétablissement, l’animation de groupe de parole, etc…). Cet accompagnement de pair à pair est une dynamique vertueuse qui laisse entrevoir à chacun la possibilité de trouver de l’aide et à terme d’en apporter à son tour.
Cette envie de partage, d’entraide et de confiance est également aux origines du Facettes Festival, le premier festival dédié à la santé mentale des jeunes, organisé par des jeunes. Aussi iconoclaste que résolument joyeux, cet événement qui se tient les 15 et 16 octobre prochains sur les quais parisiens a pour ambition de réunir des jeunes adultes, vivant avec une maladie psychique ou non, dans le but de sensibiliser le plus grand nombre à la santé mentale et d’encourager chacun à devenir acteur de son mieux être. Imaginé par Clémence Monvoisin, elle-même concernée par la maladie, et organisé par une centaine de bénévoles, cet événement inédit affiche un programme des plus éclectiques (concerts de musique, projections vidéo, rencontres avec des influenceurs, ateliers thématiques) et des intervenants venus de tous horizons : artistes, professionnels de la santé, acteurs associatifs… Comme l’explique Clémence Monvoisin : « Nous voulons grâce à ce festival créer la surprise, briser le silence qui entoure ces maladies et surtout envoyer aux jeunes un message positif : être malade n’empêche pas d’avoir une belle vie... ». Après cette première édition, le Facettes Festival pourrait bien se pérenniser et essaimer sur le territoire. Des projets partenaires sont d’ores et déjà à l’étude en Alsace, à Marseille et en Bretagne.
*Etude Ipsos et la Fondation Fonda Mental, janvier 2021
**Rapport Santé publique France, 2021