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Soirée de la recherche médicale 2018

15 février 2018

Le grand soir de la recherche médicale

Vieillissement de la population, prévalence du cancer, développement des maladies chroniques, impact des modes de vie sur la santé… les défis posés par le monde moderne à la recherche médicale sont immenses. Pour que des projets audacieux et innovants voient le jour, la Fondation de France et des fondations qu’elle abrite récompensent chaque année les plus prometteurs. Un soutien important : dix millions d’euros par an sont mobilisés pour explorer de nouveaux concepts et encourager la vocation de jeunes chercheurs.

Des jurys constitués de scientifiques éminents ont examiné des dizaines de dossiers, puis sélectionné les 17 lauréats, récompensés pour leurs travaux dans des domaines aussi divers que les neurosciences, les maladies rares ou la cancérologie.

Pour chaque lauréat, ce prix représente à la fois une aide matérielle importante et une reconnaissance de la qualité des travaux par la communauté scientifique.

Cette année encore, c’est le Collège de France qui a accueilli la manifestation, le jeudi 15 février 2018.

La recherche médicale est au cœur des priorités de la Fondation de France. Portée par la volonté d’ouvrir la voie à de nouvelles avancées dans la lutte contre les maladies, la Fondation de France attribue chaque année dix millions d’euros à des équipes de recherche fondamentale et appliquée portant des projets innovants et audacieux.

Le Grand Prix de la recherche de la Fondation de France

Le Grand prix de la recherche de la Fondation de France a été attribué à Vahid Asnafi, de l’hôpital Necker – Enfants malades (Paris).
Vahid Asnafi a découvert un anticorps capable de guérir certaines leucémies graves chez l’animal. Demain chez l’humain ?

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Guérir ces leucémies de l'enfant

Vahid Asnafi et son équipe tentent actuellement d’améliorer la survie des personnes atteintes par certaines leucémies graves, des cancers du sang. Les leucémies aiguës lymphoblastiques de type T, aussi appelées LAL-T, surviennent chez l’enfant ainsi que chez l’adulte, le plus souvent lorsqu’ils ont entre 10 et 30 ans. La survie des patients cinq ans après le traitement n’est que de 50 % chez l’adulte et l’adolescent, et de 80 % chez l’enfant. Surtout, elle n’atteint que 20 % en cas de rechute. Vahid Asnafi et son équipe ont découvert des mutations génétiques associées à une augmentation du risque de rechute de cette maladie. Grâce à cela, « le laboratoire réalise actuellement le profilage génétique des tumeurs de certains patients touchés par la LAL-T afin de connaître ce risque. Si celui-ci est élevé, les médecins leur prescriront un traitement plus puissant, qui a pour inconvénient d’être neurotoxique, avec pour objectif une amélioration de leur survie », explique le chercheur. Ainsi le nombre des personnes qui pouvaient connaître une rechute pourrait-il être réduit. Mais il y a mieux. Vahid Asnafi et son équipe ont récemment réussi à guérir des souris touchées par cette même leucémie aiguë lymphoblastique. La maladie commence lorsque certaines cellules de la moelle osseuse, qui ont acquis des anomalies génétiques, restent bloquées à un stade immature. Elles qui refusent d’évoluer en adultes finissent par devenir cancéreuses. L’hématologue de l’hôpital Necker a développé une molécule, un anticorps, qui, en se fixant sur ces cellules anormales, provoque le redémarrage de leur processus de maturation. Celles-ci, peut-être parce qu’elles « se savent » anormales, activent alors un mécanisme d’auto-destruction appelé apoptose. Ainsi les cellules cancéreuses sont-elles supprimées et la maladie neutralisée. Lors de récents essais, toutes les souris touchées par une LAL-T murine ont été guéries par cette technique. Des LAL-T de type humain provoquées chez la souris ont également répondu favorablement à cette molécule. La piste tracée par Vahid Asnafi laisse espérer la guérison des personnes touchées par cette grave affection qu’est la leucémie aiguë lymphoblastique T, mais il faudra de nombreuses années avant que ses travaux ne débouchent finalement sur un éventuel traitement chez l’humain. « Les leucémies sont le premier cancer chez l’enfant. Je me sens le devoir de combattre ces maladies, moi qui à l’origine voulais devenir pédiatre », explique Vahid Asnafi.

Découvrez en vidéo les travaux de Vahid Asnafi et de son équipe

Vahid Asnaf et son équipe tentent actuellement d’améliorer la survie des personnes atteintes par certaines leucémies graves, des cancers du sang. Les leucémies aiguës lymphoblastiques de type T, aussi appelées LAL-T, surviennent chez l’enfant ainsi que chez l’adulte, le plus souvent lorsqu’ils ont entre 10 et 30 ans.

Tous les lauréats 2017

Prix de la Fondation de l’œil

Nicolas Chassaing, CHU de Toulouse 
Nicolas Chassaing cherche à mieux comprendre les malformations sévères de l’œil et à améliorer les connaissances sur leur déterminisme génétique.

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Ces malformations complexes de l’œil

Dans le monde, une personne sur 10 000 naît avec une microphtalmie ou une anophtalmie, deux handicaps importants. Dans le premier cas, l’enfant naît avec un globe oculaire de taille réduite, dans l’autre cas, sans globe oculaire du tout. Il s’agit de deux malformations complexes puisque, dans la moitié des patients, il existe des malformations associées, par exemple cardiaques ou génitales, et dans 20 % des cas, ils sont associés à une déficience intellectuelle. Plus de 30 gènes jouent un rôle dans l’apparition de ces malformations, qui n’expliquent pas l’ensemble des cas, signe qu’il reste beaucoup de gènes à découvrir. L’équipe de Nicolas Chassaing a d’ailleurs participé à l’identification de cinq nouveaux gènes ces dernières années. Le généticien médical travaille à l’amélioration des connaissances sur la maladie et ses aspects génétiques de façon à mieux évaluer les risques de récidive dans la famille des patients et à améliorer leur prise en charge. « Les familles ont notamment besoin que l’on sache prédire l’évolution de la maladie sur le plan visuel et cognitif », note Nicolas Chassaing. Avec le soutien de 65 centres sur le territoire, et peut-être d’autres demain en Europe, le chercheur est en train de créer une cohorte, baptisée RaDiCo-AC-OEil visant à suivre plusieurs centaines de patients pendant dix ans afin de mieux décrire ces maladies et leur devenir.

 

Florian Sennlaub, Institut de la vision, Paris
Florian Sennlaub cherche à comprendre le rôle du système immunitaire dans la DMLA afin de contrer cette maladie grave.

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Briser le cercle vicieux de la DMLA

« La DMLA, dégénérescence maculaire liée à l’âge, constitue l’un des plus gros problèmes non résolus en ophtalmologie aujourd’hui. On dispose d’une thérapie efficace pour l’une de ses formes, mais la plupart des patients finissent par perdre la vue », décrit Florian Sennlaub. Ses travaux montrent l’existence d’un lien entre la maladie et l’accumulation persistante de cellules du système immunitaire, des macrophages, dans la région de la rétine. Ces macrophages, dont le rôle est de tuer et éliminer des bactéries, finissent par faire des victimes collatérales, les cellules de la rétine de l’œil. Florian Sennlaub et son équipe ont découvert que certains gènes impliqués dans la DMLA inhibent l’élimination normale des macrophages, ce qui favorise leur accumulation chronique. De sorte qu’un cercle vicieux s’installe où les cellules rétiniennes, victimes de l’action des macrophages, en appellent davantage à la rescousse, lesquels s’accumulent encore. « Quand on parviendra à inhiber l’action de ces gènes, on brisera le cercle vicieux et on disposera d’une thérapie efficace pour les formes de la DMLA non-traitées aujourd’hui », explique Florian Sennlaub.

 

 

Prix Marie-Ange Bouvet Labruyère

Carlos Parras, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Paris
Carlos Parras cherche les mécanismes impliqués dans la régénération des oligodendrocytes, des cellules auxquelles s’attaque la sclérose en plaques.

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Régénérer des cellules essentielles

Quelle est l’origine des cellules du cerveau ? C’est à cette question simple dans sa formulation mais complexe à traiter qu’est dédié le travail de l’équipe de Carlos Parras. Et parmi les cellules du cerveau, c’est sur les oligodendrocytes que se porte l’attention de ce biologiste. Depuis longtemps, on sait qu’ils fabriquent la gaine de myéline qui entoure l’axone des neurones dans lequel circule l’influx nerveux, un peu comme le manchon de caoutchouc protège le fil de cuivre des fils électriques. « Voici quelques années, on a appris que les oligodendrocytes fournissent également de l’énergie aux neurones sous forme de lactate et qu’ils jouent un rôle dans la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité du cerveau à réorganiser ses connexions internes pour s’adapter à de nouvelles conditions », explique Carlos Parras. Les oligodendrocytes sont essentiels au bon fonctionnement du cerveau comme le montre l’exemple de la sclérose en plaques. Cette maladie grave, qui touche une personne sur mille et entraîne des handicaps moteurs et cognitifs, trouve sa source dans la destruction de ces cellules du cerveau. Les oligodendrocytes sont habituellement capables de se régénérer, mais ce mécanisme semble enrayé dans le cas de la sclérose en plaques. Des sortes de boules appelées nucléosomes empêchent l’expression des gènes nécessaires à la maturation des cellules précurseurs, faites pour produire de nouveaux oligodendrocytes. Carlos Parras a découvert que des molécules appelées remodeleurs de la chromatine, capables de déplacer les nucléosomes et de rétablir l’expression des gènes, permettent de générer des nouveaux oligodendrocytes. Cette découverte n’a pas que des implications dans la sclérose en plaques mais aussi dans d’autres maladies comme le syndrome CHARGE, maladie génétique rare, ainsi que l’autisme.

 

Prix Philippe Chatrier

Emmanuel Cognat, groupe hospitalier Saint-Louis, Lariboisière, Fernand-Widal, Paris
Emmanuel Cognat cherche le moyen de dépister précocement la maladie d’Alzheimer pour intervenir efficacement.

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Alzheimer au fond des yeux

« Pour mieux lutter contre la maladie d’Alzheimer, il faudrait pouvoir la détecter très tôt grâce à des biomarqueurs peu coûteux, non-invasifs et facilement accessibles, détaille Emmanuel Cognat. Cela permettrait de traiter précocement les personnes touchées par la maladie. » Aussi étonnant que cela paraisse, c’est peut-être au fond de l’œil que se trouve l’un de ces biomarqueurs tant attendus. « La maladie d’Alzheimer se caractérise par la mort de neurones, y compris dans la rétine, qui est un prolongement du cerveau », explique Emmanuel Cognat. Conséquence de la perte de ces cellules nerveuses, la rétine s’affine. Le phénomène a déjà été observé, mais pourrait-il servir à diagnostiquer la maladie ? Et est-il spécifique de la maladie d’Alzheimer ? C’est pour le savoir que le neurologue s’apprête à mener une étude sur 150 patients qui ont tous subi une ponction lombaire dans le cadre des soins conventionnels. Ce moyen de diagnostic, dont l'acceptabilité a été améliorée mais qui demeure invasif, permet de déterminer lesquels au sein de ce groupe sont malades, par le dosage de biomarqueurs dans le liquide céphalorachidien. Mais ce n’est pas tout. Dans une autre étude, Emmanuel Cognat voudrait investiguer la responsabilité d’une voie de signalisation, c’est-à-dire d’une cascade de réactions biochimiques, dans le développement de certains aspects de la maladie. « Quand on réduit l’activité de cette voie de signalisation chez les souris prédisposées au développement des lésions de la maladie d’Alzheimer, il semble qu’on protège les synapses, c’est-à-dire les zones de contact entre neurones assurant un rôle essentiel, la transmission du signal nerveux. Notre but, c’est de tenter de le confirmer. » Et aussi de vérifier s’il n’y aurait pas un lien entre cette voie de signalisation, l’altération des synapses et les phénomènes d’inflammation du cerveau connus dans la maladie. « Si c’était le cas, cette étude pourrait ouvrir sur de nouvelles pistes de traitement contre la maladie d’Alzheimer », signale Emmanuel Cognat.

 

Prix Sœurs Lucie et Olga Fradiss

Nadia Elkhatib, Gustave Roussy, Villejuif
Nadia Elkhatib a découvert que les cellules cancéreuses sont capables de se déplacer au moyen de sorte de pinces.

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Comment migrent les cancers

Comme de petites pinces. Les cellules cancéreuses sont capables de s’accrocher à leur environnement pour mieux se déplacer. Elles s’échappent ainsi de la masse tumorale où elles sont apparues pour progresser dans le corps via le système sanguin et former un nouveau foyer cancéreux. Cette découverte éclaire d’un nouveau jour le processus menant aux métastases, cette complication du cancer qui a un effet négatif sur le déroulement et le pronostic de la maladie. Depuis 1964, les scientifiques avaient identifié de petits replis, des sortes d’invaginations, à la surface des cellules cancéreuses. C’est par ces puits recouverts de clathrine ou PRCs, comme on les appelle, que ces cellules s’approvisionnent en nutriments comme le fer. Grâce à des techniques de fluorescence, Nadia Elkhatib et ses collègues ont réussi à démontrer sur des cellules d’un cancer du sein connu pour son haut pouvoir métastatique que les PRCs sont aussi capables de s’agripper aux fibres qui les entourent. Aussi étonnant que cela paraisse, le puits pince la fibre afin de s’ancrer dans son environnement et pouvoir lentement se déplacer. Ces travaux ouvrent la voie à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques afin de limiter la dissémination du cancer dans l’organisme. Certes, Nadia Elkhatib, dont plusieurs proches ont été touchés par cette maladie, voulait travailler à la lutte contre le cancer. Mais elle n’avait pas prévu de devenir chercheuse, ce qui rend sa découverte, réalisée avec plusieurs collègues et publiée dans Science, d’autant plus précieuse. Titulaire d’un BTS, elle a commencé par être laborantine. Entrée à l’Institut Curie, elle a passé un diplôme d’ingénieur et c’est à la suite d’une rencontre avec un scientifique « fascinant » lors d’une journée porte ouverte, qu’elle s’est finalement spécialisée vers la recherche. « Je pensais que cette activité était extrêmement compliquée, il m’a montré qu’elle m’était accessible », se réjouit-elle.

 

Prix Thérèse Lebrasseur

Simon Cauchemez, Institut Pasteur, Paris
Simon Cauchemez développe des outils mathématiques de description des épidémies afin de mieux prédire leur dynamique et de mieux les contrer.

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Solutions émergentes pour maladies émergentes

Ebola, SRAS, zika, chikungunya, fièvre du Nil occidental, dengue… Le monde a été secoué ces dernières années par l’apparition soudaine de maladies émergentes. Avec la crainte que certaines de ces épidémies ne se tranforment en pandémies. Pour répondre à ce défi, Simon Cauchemez et son équipe développent des outils de modélisation mathématique afin de comprendre et prédire la manière dont les pathogènes se propagent dans les populations, d’évaluer l’impact des interventions et de conseiller les autorités pour optimiser les stratégies de contrôle. « Lors de l’épidémie de zika au Brésil en 2016, nous avons produit les premières estimations du risque d’avoir un bébé atteint de microcéphalie pour une femme enceinte infectée au premier trimestre de grossesse », décrit Simon Cauchemez. La difficulté de l’exercice tient au fait que les équipes doivent répondre à des questions complexes, comme « faut-il contrôler les funérailles des défunts dans le cadre de l’épidémie d’ebola ? », rapidement après le début de l’alerte, alors que les données sont peu nombreuses et manquent de fiabilité. C’est récemment, en 2014, que Simon Cauchemez a créé son unité de recherche spécialisée en modélisation des maladies infectieuses. « Lorsqu’une épidémie se déclenche dans le monde, nous collaborons avec les équipes de santé locales, soit à distance, soit en nous rendant sur place. Trois chercheurs post-doctorants de mon équipe se sont par exemple relayés à Madagascar lors du récent épisode de peste. Le travail avec les équipes locales se fait très bien car nous avons tous à gagner à notre collaboration », détaille Simon Cauchemez. Pour l’avenir, le défi consiste à intégrer de nouveaux types de données dans les modèles : les informations de mobilité des populations issues de l’analyse des signaux de téléphones portables, par exemple, ou encore des données génétiques sur les virus afin de déterminer comment ils se sont propagés dans la population.

 

Prix Médisite en neurosciences

Éric Bellefroid, université libre de Bruxelles, Belgique
Le gène qu’Éric Bellefroid a découvert constitue peut-être une clé pour traiter enfin les douleurs chroniques.

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Le maître de la douleur

Le gène maître contrôlant la mise en place des neurones spécialisés dans la perception la douleur, les nocicepteurs, voilà ce qu’Éric Bellefroid étudie avec son équipe. Lorsqu’il est modifié, muté, ce gène entraîne chez l’homme une maladie rare, le syndrome d’insensibilité congénitale à la douleur. Depuis leur naissance, les personnes concernées ne réagissent tout simplement pas aux stimuli douloureux. Car en l’absence de ce gène maître, baptisé Prdm12, les nocicepteurs ne se développent pas. À l’occasion de travaux dont les résultats n’ont pas encore été publiés, l’équipe a élucidé les mécanismes par lesquels Prdm12 lance le développement des nocicepteurs chez les fœtus. Serait-il possible d’utiliser cette connaissance pour concevoir de nouveaux médicaments à destination des personnes souffrant de douleurs chroniques, pour lesquelles il manque actuellement des solutions thérapeutiques ? C’est ce que souhaite Éric Bellefroid : « Notre espoir est que la protéine codée par le gène Prdm12 soit une cible intéressante pour le développement de nouveaux médicaments ».

Carole Rovère, Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire, Valbonne
Carole Rovère voudrait comprendre ce qui semble être une cause de l'obésité : l'inflammation du cerveau en présence de lipides.

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La clé de l'obésité ?

A-t-on trouvé l'une des clés de l'obésité, cette maladie grave qui touche plus d’une personne sur dix dans le monde ? Des études récentes laissent penser que c'est l'inflammation d'une structure du cerveau chargée de réguler la prise alimentaire, l'hypothalamus, qui serait à l'origine de la maladie, au moins en partie. Et que c'est l'ingestion de certaines graisses qui déclencherait cette réponse inflammatoire. Reste à comprendre quels sont les mécanismes sous-jacents au niveau des cellules du cerveau. « Je compte observer dans l'hypothalamus, avec une précision inédite, des cellules qu'on appelle astrocytes et microglie en présence de certains lipides. Si elles changent de forme, qu'apparaissent des prolongements plus épais, une structure plus ou moins rétractée, que leur nombre augmente, ce pourrait être le signe qu'elles sont à la source de l'inflammation dans le cerveau », décrit Carole Rovère. Pour cela, elle utilise une méthode novatrice de pharmacogénétique, appelée Dreadd, qui permet de contrôler in vivo l’activation ou l’inhibition des astrocytes ou de la microglie chez l'animal, au moment et dans la région choisis par l’expérimentateur, au moyen d'une sorte de bouton on/off moléculaire, afin de vérifier si cela augmente ou réduit la prise alimentaire.

 

Prix Jacques Monod

Camille Danne, Institut Pasteur, Paris
Camille Danne étudie le dialogue moléculaire entre le système immunitaire d’un hôte et les bactéries qui le colonisent.

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Ces bactéries qui nous habitent

Les microbes qui nous colonisent, constituant ce qu’on appelle le microbiote, sont indispensables à la santé humaine. Par quels phénomènes des microorganismes étrangers parviennent-ils à se maintenir chez l’homme, par exemple dans ses intestins, sans être éliminés par le système immunitaire ? C’est à ce mystère que Camille Danne s’est attaquée. Elle a découvert que, chez la souris, la bactérie intestinale Helicobacter hepaticus est capable de « calmer » les macrophages, des cellules sentinelles habituellement là pour donner l’alerte à tout le système immunitaire. « Helicobacter hepaticus produit un sucre complexe qui induit la fabrication par les macrophages d’une protéine, l’IL-10, qui a un effet anti-inflammatoire et les rend tolérants aux organismes étrangers », décrit-elle. Dans un autre travail, la chercheuse s’est intéressée à Streptococcus gallolyticus, une bactérie du microbiote intestinal humain qui vit dans le côlon. Mais ce microbe peut provoquer des endocardites, c’est-à-dire des inflammations du cœur potentiellement graves. Camille Danne a découvert que ce sont ses filaments de surface, appelés pili, qui lui permettent d’adhérer et de coloniser les valves cardiaques. Et qu’elle est capable d’échapper au système immunitaire en se débarrassant de ses pili. Mieux comprendre les interactions entre l’hôte et son microbiote est essentiel pour proposer de nouvelles stratégies préventives et thérapeutiques contre les maladies inflammatoires chroniques.

Pedro Escoll, Institut Pasteur, Paris
Pedro Escoll a trouvé une voie qui pourrait limiter l’infection par l’agent de la légionellose, maladie parfois mortelle.

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À l’attaque contre Legionella

Comment la bactérie Legionella pneumophila fait-elle pour infecter l’organisme humain ? Pedro Escoll a découvert que lorsqu’elle pénètre dans la cellule-hôte, la bactérie, responsable d’une maladie parfois mortelle, la légionellose, parvient à empêcher les mitochondries de remplir leur mission. Les mitochondries sont des organites qui, dans la cellule, ont pour tâche de lui fournir de l’énergie. La bactérie est capable de fragmenter les réseaux qui lient les mitochondries entre elles. Cela entraîne des changements métaboliques dans la cellule-hôte, c’est-à-dire au sein des réactions chimiques de la cellule, que Legionella met à profit pour se multiplier. Grâce à l’expertise qu’il a acquise sur ces processus, Pedro Escoll a réussi à diminuer l’infection d’une cellule par Legionella. Il lui a administré du Mdivi1, une molécule qui, en agissant sur une protéine, a empêché la bactérie de fragmenter ses réseaux mitochondriaux. Dans le même esprit, Pedro Escoll espère mettre au point des traitements renforçant les défenses des cellules contre diverses maladies infectieuses plutôt que s’attaquant aux agents pathogènes comme le font les antibiotiques.

 

Prix Éliane et Gérard Pauthier

Luc Dupuis, université de Strasbourg
Luc Dupuis cherche à identifier la source des symptômes de la sclérose latérale amyotrophique et à développer de nouvelles thérapeutiques contre cette maladie.

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Jusqu’au patient atteint de sclérose latérale amyotrophique

« Guérir des souris, c’est très bien, mais je veux aller jusqu’au patient, affirme Luc Dupuis de façon résolue. J’aimerais qu’à la fin de ma carrière, plusieurs nouveaux traitements aient vu le jour. » Les résultats des recherches de ce neuroscientifique strasbourgeois sont déjà importants dans le domaine de la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Aussi appelée en France maladie de Charcot, c’est une affection particulièrement grave : elle mène au décès en trois à cinq ans après une paralysie progressive associée à une perte de poids. Dès sa thèse, en 2004, Luc Dupuis a découvert qu’un régime hypercalorique permettait de prolonger la vie de souris atteintes. « La surprise était totale », témoigne-t-il. À l’époque, on considérait plutôt que, face à une paralysie en développement, il valait mieux réduire la masse corporelle et donc perdre du poids. Depuis, les pratiques ont été transformées : les centres de référence de la maladie prescrivent un régime hypercalorique aux patients. Le chercheur a également découvert la source de la raideur musculaire, aussi appelée spasticité, que l’on rencontre chez les personnes touchées par la maladie. Il s'agit de cellules du cerveau, des neurones à sérotonine, dont l'action est contrôlée par au moins deux récepteurs. Luc Dupuis et son équipe ont réussi à traiter la spasticité chez des souris atteintes de SLA en leur donnant des médicaments ciblant le deuxième de ces récepteurs. « L’application chez l’homme pourrait être rapide car, comme il s’agit de molécules utilisées pour d’autres affections, leur absence de toxicité a déjà été vérifiée », se réjouit le chercheur. Le traitement pourrait également être employé contre la spasticité des personnes souffrant d’une lésion de la moelle épinière et de la sclérose en plaques.

 

Prix de recherche en alcoologie

Jean Adès, université Paris-Diderot
Jean Adès, qui a formé de nombreux spécialistes, a consacré sa carrière à l’étude de l’addiction à l’alcool.

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Une vie consacrée à l’alcoologie

Fait peu commun pour un psychiatre à l’époque, Jean Adès s’est intéressé au comportement addictif des personnes alcooliques dès les années 1970 et pas uniquement aux conséquences neurologiques et psychiatriques de la maladie. Il a écrit de nombreux ouvrages parmi lesquels Les Conduites alcooliques et leurs traitements, guide facilitant le repérage clinique et la démarche thérapeutique vis-à-vis des conduites alcooliques, qui a marqué son époque. Le chercheur a particulièrement étudié les relations entre l’alcoolisme, les troubles psychiatriques et les maladies mentales. Bien des spécialistes en alcoologie ont été formés par lui dans ce qui a été appelé « l’école de Colombes », qu’il animait. Avec l’un d’eux, Philip Gorwood, qui dirige actuellement une unité de l’Inserm à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, il a mis en évidence un certain nombre de gènes susceptibles de favoriser les comportements alcooliques. « Les quarante dernières années ont été marquées par l’apparition de médicaments capables d’aider les personnes alcooliques. Surtout, les personnes malades ne se sentent plus aussi stigmatisées, ce qui les aide à faire face à leurs troubles », analyse Jean Adès.

 

Miléna Spach, ministère des Solidarités et de la santé, Paris
Miléna Spach a découvert des déterminants de la consommation d’alcool chez les jeunes utiles à de futures politiques de santé.

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Ce qui motive les jeunes à boire de l’alcool

Quels sont les éléments qui motivent les jeunes à boire de l’alcool ? Cette question fondamentale sous-tend la thèse d’économie que Miléna Spach a soutenue à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Son analyse montre que plus ils disposent d’argent, plus augmente chez eux la probabilité de consommer de l’alcool, mais aussi du tabac et du cannabis. Tel est l’enseignement d’un questionnaire qu’elle a conçu et auquel ont répondu 520 adolescents de France âgés de 14 à 17 ans Employant la même méthode, elle a montré que plus un adolescent perçoit ses pairs comme étant consommateurs d’alcool (ainsi que de tabac et de cannabis), plus il risque de le devenir lui-même. Et aussi qu’entretenir des amitiés profondes et solides diminuait les chances de boire précocement. Il ressort également de son étude qu’augmenter le prix des spiritueux réduit chez les jeunes la consommation de spiritueux, mais aussi de tabac, signe qu’ils sont consommés conjointement. « Avec la possibilité de les taxer, les pouvoirs publics détiennent un levier d’action puissant sur la consommation de substances addictives », indique Miléna Spach.

 

Prix Jean Valade

Karine Clément, hôpital de la Pitié-Salpêtrière
Karine Clément cherche à comprendre l’obésité dans toute sa complexité et à trouver des thérapeutiques efficaces.

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L’obésité sur tous les fronts

« L’obésité est une maladie complexe : elle concerne plusieurs organes, comme le tissu graisseux, le cerveau, les muscles, le foie ou l’intestin et la manière dont ils dialoguent entre eux », annonce d’emblée Karine Clément, qui a publié quelque 300 articles scientifiques sur le sujet. Toute l’originalité de son équipe de recherche est d’avoir attaqué cette affection sur plusieurs fronts. Elle a ainsi découvert que les tissus graisseux des personnes obèses étaient touchés par la fibrose. Et que plus celle-ci était développée, moins les efforts pour perdre du poids étaient efficaces. Pour contrer ce phénomène, elle teste actuellement des traitements visant à comprendre puis empêcher l’apparition de fibrose chez la souris. Avec son équipe, elle a également montré que le microbiote, cet ensemble de micro-organismes et autres parasites tapis dans l’intestin, présentait une perte de diversité substantielle chez les personnes obèses. Elle conçoit actuellement une « nutrition personnalisée » afin de rétablir celle-ci dans toute sa diversité en fonction du profil de la flore de chacun des malades. Enfin, elle teste actuellement chez l’homme un médicament contre des formes sévères d’obésité dans lesquelles les patients pèsent souvent 150 ou 200 kilos. Grâce à ce traitement, les pertes de poids sont considérables, de l’ordre de 40 kilos. « Pour un médecin, voir ses travaux de chercheur devenir aussi utiles, c’est une immense satisfaction », témoigne-t-elle.

Nicolas Venteclef, centre de recherche des Cordeliers, Paris
Nicolas Venteclef a identifié des mécanismes essentiels dans l’apparition du diabète de type 2.

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Pourra-t-on prédire le risque de devenir diabétique ?

D’où vient le diabète de type 2 ? Nicolas Venteclef et son équipe ont montré que, chez les personnes suivant des régimes hypercaloriques et devenues obèses, la manière dont l’ADN est lu est altérée. De petites protéines, appelées corégulateurs de la transcription, se fixent sur l’ADN des cellules de ces personnes, et modifient la manière dont il est interprété dans un sens qui favorise l’apparition d’un diabète. « Une étude sur 60 personnes a montré que quand on rétablit, chez les patients obèses, un niveau normal de l’une ces protéines, appelée GPS2, on arrête la progression du diabète de type 2 », indique Nicolas Venteclef. Par ailleurs, le chercheur a découvert sur l’ADN des modifications induites par ce genre de protéines qui pourraient prédisposer les personnes saines à devenir diabétiques. Des molécules appelées groupements méthyl ont été identifiées à des endroits précis de l’ADN. Elles constituent des altérations « dormantes » qu’un stress dans l’environnement, par exemple le fait de devenir obèse, pourrait réveiller pour déclencher un diabète. « J’espère que, grâce à ces connaissances, nous pourrons prédire le risque pour une personne de développer un diabète », indique Nicolas Venteclef.

 

Prix Georges Zermati

Jean-Paul Latgé, Institut Pasteur, Paris
Jean-Paul Latgé a amélioré le diagnostic de l’aspergillose et identifié des cibles thérapeutiques contre une maladie grave, l’aspergillose pulmonaire invasive.

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Une cible sur Aspergillus fumigatus

Certains patients immunodéprimés, et notamment ceux qui viennent de recevoir une greffe ou qui, touchés par le cancer, sont sous traitement chimio ou radiothérapeutique, risquent de développer une aspergillose pulmonaire invasive, ou API. L’agent responsable de cette maladie grave n’est ni un virus ni une bactérie, mais un champignon, Aspergillus fumigatus, très présent dans l’atmosphère que nous respirons puisque chaque mètre cube d’air contient jusqu’à 100 de ses spores, que ce soit en intérieur ou à l’extérieur. Malheureusement, la maladie est difficile à diagnostiquer. Le test actuel, qui repose en partie sur les travaux de Jean-Paul Latgé et son équipe, s’attache à détecter un antigène, c’est-à-dire une molécule présente à la surface du champignon. « Mais la quantité de cet antigène, le galactomannane, sécrétée dans le sang de patients infectés, est inférieure au nanogramme, c’est-à-dire au millionième de milligramme. Cela rend sa détection difficile malgré la découverte d’un nouvel anticorps monoclonal qui a amélioré la détection de cet antigène circulant », regrette Jean-Paul Latgé. Lorsque des patients souffrent de fièvre persistante malgré des traitements antibiotiques, l’aspergillose est fortement suspectée. Des antifongiques leur sont finalement prescrits mais, à ce stade, le développement du champignon à l’intérieur du tissu pulmonaire est souvent trop avancé pour que les médicaments puissent tuer le champignon. Dans un cas sur deux, le traitement intervient trop tard pour sauver le patient. C’est pourquoi le groupe de Jean-Paul Latgé poursuit ses recherches pour rendre plus précoce le diagnostic de cette maladie. Pour lutter efficacement contre la maladie, Jean-Paul Latgé et son équipe ont aussi récemment identifié d’intéressantes cibles thérapeutiques. Il s’agit de molécules, des enzymes, dont l’action est indispensable à la synthèse, c’est-à-dire à la fabrication, de la paroi d’Aspergillus fumigatus, sans laquelle le champignon ne peut évidemment pas survivre. « L’intérêt de cibler ces enzymes, c’est qu’elles n’existent pas chez l’homme, explique Jean-Paul Latgé. Un médicament qui inhiberait leur activité devrait donc n’avoir aucun effet secondaire ».

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