Avec les chercheurs, dans la « bataille contre le coronavirus »
Plus de 150 000 cas confirmés et plus de 30 000 décès en France : l’épidémie de Covid-19 constitue l’une des plus graves crises sanitaires depuis un siècle. À ce jour, il n’existe ni traitement (hormis les mesures symptomatiques), ni vaccin. Et si les mesures de confinement ont permis de ralentir l’épidémie, les risques de rebond demeurent. La « bataille contre le coronavirus » se joue donc en grande partie dans les laboratoires de recherche.
La France a initié un programme de recherche clinique sur ce virus dès le mois de mars 2020, et des équipes françaises participent aux programmes européens et mondiaux. Une mobilisation scientifique sans précédent, à laquelle la Fondation de France a naturellement souhaité contribuer.
Enjeu n°1 : améliorer la prise en charge
En l’absence de vaccin, la priorité à court et moyen terme est d’améliorer la prise en charge de la maladie : diagnostic, suivi des malades, stratégies thérapeutiques. Cinq projets de recherche portent sur la mise au point de traitements efficaces, aux différents stades de l’infection.
Par exemple celui de l’Unité radiothérapie moléculaire (Inserm, Gustave Roussy, Université Paris-Saclay) à Paris, baptisé MacCov et porté par l’équipe du professeur Perfettini. Son objet : cibler l’étape cruciale, quand l’infection bascule en forme grave, entrainant un syndrome de détresse respiratoire aigüe. Cette aggravation est causée par une réaction inflammatoire incontrôlable. Or certaines molécules seraient capables de bloquer cette flambée. Pour obtenir des résultats rapides, l’équipe parie sur le repositionnement de médicaments existants. Douze molécules ont été identifiées, les tests in vitro sont en cours et deux des molécules-candidates semblent déjà très prometteuses. Prochaines étapes : les tests in vivo et les essais humains. Les chercheurs espèrent par ailleurs « faire coup double », car ces molécules pourraient avoir aussi un effet sur la réplication du virus, en début d’infection !
Coronavirus, une mécanique en deux temps
Extrêmement contagieux, le coronavirus s’infiltre par les voies respiratoires, s’introduit au cœur d’une cellule, se réplique et colonise les poumons. Dans les formes graves, les effets délétères agissent à deux niveaux. D’abord directement, en détruisant les cellules des alvéoles pulmonaires, puis indirectement, en provoquant la « tempête inflammatoire », une sur-réaction du système immunitaire qui se retourne contre le malade.
Mieux suivre les formes bénignes
Heureusement, les formes graves sont rares, et la grande majorité des personnes infectées développeront une forme bénigne de la maladie. Il est toutefois important d’assurer un suivi de qualité pour ces patients qui restent à domicile, sans surcharger le système de santé. C’est l’objet de l’application Covidom, développée par l’AP-HP, et lancée début mars. Elle accompagne déjà plus de 60 000 patients. Chaque jour, l’application « interroge » le malade, et peut déclencher des alertes quand ses réponses le justifient. La télémédecine s’avérera-t-elle un outil décisif face à l’épidémie ? Ce projet, soutenu par la Fondation de France, se propose d’évaluer à la fois l’impact médical (fiabilité et qualité du système d’alerte, devenir des patients inscrits, satisfaction des patients et des médecins…) et l’impact économique de l’application.
A plus long terme, l’espoir d’un vaccin
Dans l’infection Covid-19, le virus fonctionne comme un parasite : il fusionne avec une première cellule-hôte et se multiplie ensuite pour essaimer hors de la cellule infectée.
Bloquer cette première intrusion : c’est le but du projet Corona Pep Stop, porté par le Centre international de recherche en infectiologie de Lyon, en partenariat avec la Columbia University Medical Center (CUMC) de New York, et sélectionné par l’Alliance. Les médicaments qui ciblent l'entrée d’un virus dans une cellule ont en effet montré leur efficacité contre de nombreuses viroses, telles que la grippe. Dans cette proposition, les deux équipes transposent les résultats de leurs recherches sur le virus de la rougeole, et les adaptent aux spécificité du coronavirus. Les chercheurs espèrent ainsi identifier une nouvelle classe de médicaments, efficaces contre plusieurs coronavirus. Ces nouvelles molécules pourraient alors être utilisées de manière prophylactique et thérapeutique contre l’actuel SARS-CoV-2, mais aussi contre d’autres coronavirus qui pourraient émerger à l’avenir.
Dès aujourd’hui, savoir (mieux) vivre avec le virus
La découverte d’un traitement efficace et le développement d’un vaccin prendront du temps. Aujourd’hui et pour les mois à venir, il faut donc développer des outils, des méthodes, une organisation qui permettent de « vivre avec » le coronavirus.
La surveillance épidémiologique par exemple est indispensable à la fois pour piloter les mesures de prévention (identification des foyers, confinement local et ciblé, adaptation des infrastructures de soins…) et pour améliorer la prise en charge des malades. Avec les applications de santé et de télémédecine, des millions de données existent. Comment les agréger et les interpréter, tout en respectant la vie privée des malades ? Le projet Covid-Tele, porté par l’Institut Pasteur, a pour objectif d'analyser les informations recueillies durant tout le parcours des malades à travers les applications d’orientation, de téléconsultation ou de télésurveillance. Les données (anonymes) rassemblées permettront de réaliser un suivi épidémiologique en temps réel et de mieux comprendre la maladie : identifier les symptômes les plus évocateurs, les facteurs de réussite ou d’échec des traitements. Pour, finalement, améliorer le parcours de soin des patients et développer des modélisations indispensables à la gestion de l’épidémie.
Modélisation et simulation
Même type de démarche pour le projet CovEhpad, qui s’intéresse aux conditions de diffusion de l’épidémie dans les Ehpad et les unités de soins de longue durée. L’épidémie est en effet dévastatrice pour les personnes âgées. Comment organiser leur protection ? L’étude menée par une équipe des Hospices civils de Lyon se propose d’observer à la loupe la situation dans 20 établissements de la région Rhône Alpes Auvergne, et d’établir les corrélations entre le profil des résidents, les mesures de contrôles (contacts entre résidents, personnels, visiteurs…) et le nombre d’infections constatées. Avec comme objectif de proposer une plateforme de simulation permettant, selon différents scénarios, de prévoir- et donc de prévenir- les risques de développement de l’épidémie.
Confinement : quels effets à long terme ?
Au-delà du virus et de la maladie, une série de recherches soutenues par la Fondation de France dans le cadre de l’Alliance se penchent également sur les effets du confinement, utile face à l’épidémie, mais qui peut avoir lui aussi des conséquences négatives. Notamment pour les plus vulnérables. L’enquête PA-Covid, menée par une équipe spécialiste de la psychologie du vieillissement à l’Université de Bordeaux, interroge un panel de 1000 personnes âgées, vivant à domicile ou en institution. Quel est leur vécu, leur niveau de stress, leur compréhension de la situation face à l’épidémie et aux consignes de confinement ? Quel impact ce vécu a-t-il sur leur santé et sur leurs capacités de résilience ? Autant d’informations indispensables pour adapter le dispositif concernant les personnes âgées, lors d’un nouvel épisode épidémique.
Quant à l’équipe de Maria Melchior, chercheuse à l’institut Pierre-Louis (Inserm/Sorbonne), elle s’intéresse à l’impact du confinement auprès des jeune adultes. Son projet Tempo Covid 19 s’appuie sur une cohorte préexistante, la cohorte Tempo, qui suit depuis 2009 un millier de personnes de 22 à 35 ans, en ciblant particulièrement les problèmes d’addiction. Chaque semaine depuis le 24 mars, les participants sont interrogés sur leur santé et leurs difficultés psychologiques, sur l’isolement relationnel, sur leur consommation de tabac, d’alcool et de cannabis, ainsi que sur leur situation professionnelle, financière, familiale et leurs activités pendant la période de confinement, puis de déconfinement. Objectif : évaluer l’impact de l’épidémie et du confinement sur la santé mentale et les conduites addictives des personnes, en fonction de leur situation sociale.
Tester l’innocuité de l’air : la piste Arise
Le dépistage est bien sûr l’un des enjeux de la lutte contre l’épidémie. Le virus du SRAS-CoV-2 doit être recherché chez les patients, sur les surfaces mais aussi dans l'air pour mieux comprendre les voies de transmission et les facteurs de risque. Arise, l’un des projets soutenus par l’Alliance et porté par le CEA à Grenoble, consiste à développer un analyseur d'air capable de détecter en 30 minutes la présence de SRAS-CoV-2 sous forme aéroportée, dans les environnements confinés.
À crise exceptionnelle… programme hors-normes
« De la recherche fondamentale à la recherche clinique, de la biostatistique à la psychologie ou l’économétrie… les pistes de travail sont donc extrêmement diverses, extrêmement ouvertes, souligne le Dr Nathalie Sénécal, experte santé-recherche à la Fondation de France. L’épidémie Covid-19 a provoqué une crise globale, tant sanitaire que sociale et économique. Il nous semblait évident, en tant que fondation de toutes les causes, de mobiliser ainsi tous les champs de la recherche, et d’encourager l’interdisciplinarité. »
Mieux comprendre pour agir
La connaissance du Coronavirus SRAS-CoV-2 et la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans la maladie progressent rapidement. Parmi les projets de recherches soutenues par l’Alliance Tous unis contre le virus, 10 d’entre d’eux contribuent à cet objectif. Exemples ? SARCODO explore les liens entre le virus et les lésions cardiovasculaires. NANODROP s’attache à décrire la formation et le comportement des gouttelettes produites par la parole, la toux ou l’éternuement, et vecteurs de contamination. ANACONDA observe le comportement de l’épithélium, tissus internes des bronches, lors d’une infection au Covid-19. Ou encore IMMUNO-COVID, qui analyse la réponse immunitaire de 200 patients atteints de Covid.
« Cinq critères pour le choix des travaux »
Dans l’urgence de la crise sanitaire, les méthodes de sélection des projets de recherche ont dû être adaptées. L’Alliance a sélectionné les projets de manière collégiale, selon cinq critères pour une action à la fois réactive, efficace et complémentaire des financements publics :
- l’excellence des projets, en s’appuyant sur les présélections diligentées par l’Agence nationale de recherche ou par les comités scientifiques de l’Institut Pasteur ou de l’AP-HP ;
- les perspectives de résultats à court et moyen terme : 12 à 24 mois maximum ;
- la couverture de l’ensemble des enjeux et de l’ensemble des disciplines, y compris les sciences humaines et sociales ;
- la répartition des équipes sur tout le territoire ;
- des focus sur des populations vulnérables, comme les personnes âgées ou des thématiques clés comme la santé mentale.
POUR ALLER PLUS LOIN
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