Prison : la pauvreté pour seul horizon ?
Le 17 février a été présenté, lors d’une journée d’échanges et de débats sur le thème de l’incarcération, le rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison ». Cette étude met en évidence l’existence d’une spirale infernale pauvreté-prison. Menée par Emmaüs France et le Secours catholique, elle a été soutenue par la Fondation de France.
La prison agit comme un accélérateur de pauvreté
Menée auprès de 1 100 détenus, sortants ou des proches concernés par la détention, cette enquête inédite fait état d’une situation sans appel : l’incarcération concerne en majorité des personnes pauvres. Ainsi seule la moitié des détenus avaient un emploi (souvent précaire) avant leur peine d’enfermement. 16 % ne disposent d’aucune ressource et seuls 25 % déclarent disposer d’un logement stable et autonome en vue de leur sortie. Au-delà des paramètres strictement financiers, l’étude s’intéresse également à la pauvreté culturelle et relationnelle des détenus. Là encore, les chiffres sont éloquents : 56 % des jeunes de 17-27 ans incarcérés ne possèdent aucun diplôme. Quant au lien social : 45 % n’ont aucune visite durant leur détention, une situation qui renforce le sentiment d’extrême solitude et d’exclusion.
« Ce rapport est essentiel car nous manquons de données sur la prison et la population carcérale. En s'appuyant sur des informations recueillies auprès des personnes incarcérées, cette étude montre que le modèle pénitentiaire actuel ne remplit pas ses fonctions de réinsertion. Le temps de la peine ne permet pas aux détenus de préparer leur sortie dans de bonnes conditions, et peut au contraire contribuer à augmenter le sentiment d'exclusion des personnes condamnées et à les marginaliser un peu plus », explique Théodora Esanou, responsable du programme Prisons de la Fondation de France.
Telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, la prison agit comme un accélérateur de pauvreté, engendrant une perte du pouvoir d’agir des personnes sur l’ensemble des dimensions de leur vie, établit l’étude. La surpopulation chronique qui peut atteindre 150 % des capacités d’accueil selon les établissements pénitentiaires et le manque de moyens ne permettent pas la mise en place de parcours de réinsertion adapté, levier pourtant essentiel pour reprendre le contrôle de sa vie. Aujourd’hui 63 % des détenus qui sortent sans accompagnement récidivent dans les 5 ans contre 1 tiers pour les personnes réinsérées professionnellement. Or l’accès à la réinsertion, sous la forme d’une formation diplômante ou d’un emploi pénitentiaire reste trop peu répandu.
Des solutions pour changer la prison
Pour tenter d’apporter des réponses efficaces et de peser sur les politiques publiques, l’étude propose 25 préconisations co-construites avec les détenus eux-mêmes. Parmi celles-ci, le développement massif de peines alternatives non carcérales jugées « moins cassantes » pour l’individu, un socle minimal de ressources fixé à 50 euros pour les plus démunis ou encore l’accroissement des offres de travail en détention ainsi que des formations diplômantes, qui préparent davantage à la reprise d’un emploi. « Il est primordial de développer les dispositifs d’accompagnement pour la réinsertion des personnes détenues ou sortants de prison dans le but de limiter les sorties sèches et ainsi essayer de lutter contre la récidive » explique Théodora Esanou.
Parmi ces recommandations soutenues par la Fondation de France, certaines sont déjà au cœur de son action auprès des détenus. Depuis 2013, le programme Prisons agit en effet pour favoriser dans la durée l’insertion des personnes incarcérées ou condamnées à des peines alternatives. Cet accompagnement permet de mettre en place les conditions nécessaires (formation, emploi, logement, accès aux soins et aux droits) pour aider les personnes à reprendre une place dans la société. L’autre axe majeur du programme est le maintien des liens familiaux, notamment entre les détenus et leurs enfants afin de consolider les relations de parentalité. Depuis sa création, le programme Prisons de la Fondation de France a ainsi soutenu plus de 250 projets pour un montant de plus de 5 millions d’euros.