Regards croisés sur la question de l'isolement
Pour la Fondation de France, la question de la solitude doit être traitée au plus près du terrain, sur les différents fronts de la vulnérabilité. Rencontres avec une déléguée territoriale et trois responsables de programmes… qui partagent leur regard sur la question de l’isolement.
« L’ancrage territorial de la Fondation de France est un atout essentiel dans le combat contre toutes les formes de solitudes. C’est en étant au plus près des besoins, mais aussi de ceux qui innovent et se mobilisent contre l’exclusion, que l’on peut lutter efficacement contre l’isolement. Durant la crise sanitaire, avec les confinements, l’isolement est devenu le lot commun des Français… mais pour les plus fragiles, il aggrave le risque de décrochage social, professionnel et psychique. Face aux contraintes de distanciation sociale, face aux fermetures de sites… le monde associatif a fait preuve d’une résistance et d’une agilité extraordinaires, multipliant les initiatives, développant de nouveaux partenariats, pour s’adapter, pour aller malgré tout au-devant des plus fragiles, et poursuivre leur accompagnement même à distance ! Plus que jamais, ces réseaux ont besoin de notre soutien. »
« La question du lien social et du logement ont toujours été associées au sein du programme Habitat. Le premier appel à projet, en 2002, avait deux axes : l’accès au logement et les solidarités de voisinage ! Progressivement, ces deux notions ont été de plus en plus étroitement liées. Nous ne concevons plus un projet sans inclure la dimension des relations de proximité, de l’ouverture sur le quartier, etc. Le programme s’articule autour de trois leviers essentiel. D’abord penser le logement comme inclusif, capable de rassembler des personnes qui ne se côtoieraient pas, comme les jeunes et les personnes âgées, les personnes handicapées et les valides, etc. Ensuite favoriser l’auto-réhabilitation accompagnée pour ceux qui vivent dans des logements dégradés, qui n’osent parfois plus inviter chez eux. Enfin encourager toutes les connexions entre habitat et vie de quartier. Nous avons ainsi soutenu dès le début des acteurs clefs du secteurs, dont les initiatives sont désormais reconnues nationalement, comme Habitat et Humanisme qui engage un projet de 85 résidences intergénérationnelles ! Aujourd’hui, la crise sanitaire précipite et aiguise toutes les exclusions, dont celle du logement. Le programme se renforce avec de nouveaux axes d’intervention, notamment pour répondre aux besoins des plus vulnérables. »
« La question de la solitude des personnes âgées reste prégnante ; notre 10ème baromètre le montre : un quart des personnes âgées sont en situation d’isolement. L’idée selon laquelle « les familles abandonnent leurs parents » est largement erronée. En revanche, plusieurs facteurs concourent à aggraver la situation. Notamment la croissance du nombre de personnes atteintes de troubles cognitifs liés à l’âge, troubles qui accélèrent le repli sur soi. Mais aussi la mobilité géographique : les enfants quittent leurs régions d’origine, les jeunes retraités s’installent loin des villes… les familles sont ainsi plus éclatées qu’autrefois. Ou encore la numérisation progressive de toute la société, qui est à la fois source de lien, mais aussi de fracture et d’isolement pour ceux qui ne les maîtrisent pas. Pour la Fondation de France, il s’agit d’une cause « historique », puisque l’un de ses toutes première grande collecte concernait l’isolement des personnes âgées, en 1975 ! Aujourd’hui, notre programme intègre les nouveaux défis posés par la crise sanitaire, en abordant la question de l’isolement des « séniors » de manière systémique : soutenir les « aidés » et les « aidants », accompagner la fin de vie et le processus de deuil, encourager le développement d’habitats partagés, inclusifs, ouverts sur la ville et sur les autres… Bref, penser les dernières années de la vie dans son environnement. »
« La période que nous traversons nous rappelle à quel point notre santé mentale est dépendante de nos liens sociaux. Les études de Santé publique France en témoignent : 21% des français se disent déprimés… alors qu’ils étaient 8% en 2017 ! La solitude agit comme une cause mais aussi comme une conséquence des troubles psychiques : une personne souffrant de troubles bipolaires, de phobie ou d’anxiété peut progressivement voir ses amis, ses collègues, ses proches s’éloigner. Permettre aux malades de maintenir ou de reconstruire des contacts humains et un réseau font partie intégrante du chemin vers le rétablissement, ou au moins vers un « mieux vivre avec la maladie ». Cette question constitue le sujet central du programme « maladies psychiques et vie sociale », depuis plus de 15 ans. Avec des réponses et des stratégies qui évoluent et s’enrichissent. Dans une première phase, l’accent a été mis sur la prise en compte de la personne dans son environnement, et la nécessité d’articuler l’intervention de toutes les parties-prenantes : acteurs médicaux, sociaux, culturels, familles, quartier… dans un continuum. Aujourd’hui s’ajoute une très forte attention à la reconnaissance des personnes concernées et de leurs compétences. C’est par exemple le soutien au mouvement de la « pair-aidance », qui vise à intégrer d’anciens malades au cœur des équipes de soins, en reconnaissant ainsi que leur expérience des troubles psy leur confère une expertise pour accompagner d’autres malades et pour agir en médiateur avec les soignants. »
POUR ALLER PLUS LOIN
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