Le programme Inventer Demain vu par celles et ceux qui le font
Agir à la racine des problèmes et sur le temps long, expérimenter des solutions transformatives et plus seulement palliatives, favoriser les synergies et la coopération entre acteurs associatifs et fondations et développer ainsi une philanthropie fondée sur la confiance, tels sont les grands objectifs du programme Inventer Demain de la Fondation de France. Depuis 2020, 23 associations porteuses d’une démarche innovante et considérées comme des « acteurs clés de changement » sont accompagnées dans le cadre de ce programme.
Apprentissages croisés des Acteurs clés de changement
Quatre ans après le lancement du programme Inventer Demain, un document d’une soixantaine de pages propose des repères sur les profils et pratiques des Acteurs clés de changement impliqués aux côtés de la Fondation de France. Il regroupe également de nombreux témoignages qui illustrent la manière dont ce programme expérimental alimente de nouvelles postures et favorise de nouveaux modes et capacités d’agir à la racine des causes.
A l’occasion d’un webinaire organisé le 27 février dernier par la Fondation de France avec des fondations abritées, 4 représentants de ces associations ont témoigné sur la dimension systémique et transformative de leur action, et l’intérêt de faire partie de cette dynamique collective. Ils précisent l’importance de 4 aspects fondamentaux du programme : l’allocation du financement à la structure et pas seulement à un projet, l’accompagnement personnalisé, le décloisonnement entre acteurs associatifs et fondations, et la construction collective. Témoignages.
Un financement des structures sur le long terme pour porter une ambition de changement
Réda Didi, fondateur et délégué général de l’association Graines de France
« L'association Graines de France poursuit deux grandes missions. La première est d’améliorer les relations, aujourd’hui marquées par une défiance et une méfiance réciproques, entre les habitants de quartiers populaires et les institutions, en particulier les forces de l’ordre et les pompiers. Pour cela, nous organisons des ateliers et des temps d’échange, notamment autour d’activités artistiques et sportives, afin de libérer la parole, de dépasser les représentations négatives, et de construire des rapports plus apaisés.
Notre seconde mission est de lutter contre l’autocensure en termes d’orientation professionnelle des jeunes de ces quartiers qui se sentent souvent illégitimes à aller vers certains métiers. Nous agissons donc pour agrandir leur réseau en les mettant en lien avec des professionnels de différentes filières. Nous organisons par exemple des journées de rencontres dans les collèges et lycées et développons un projet d’application web pour faciliter les mises en relation.
Au cœur de l’ensemble de notre action, il y a la volonté de transformer durablement les regards. Celui que les habitants des quartiers populaires portent sur les institutions et réciproquement, mais aussi le regard des jeunes sur leur place dans la société. Tout cela demande du temps et un investissement sur la durée. C’est pourquoi faire partie du programme Inventer Demain, qui propose un accompagnement sur le long terme de minimum 3 ans et un financement de la structure, est pour nous un soutien indispensable. La Fondation de France joue également un rôle important de tiers de confiance dans la mise en relation avec de nouveaux partenaires. »
Un accompagnement individuel pour soutenir les associations au plus près de leurs besoins
Elodie Tesson, directrice générale de l’association InSite
« Avec l’association InSite, nous luttons contre la désertification et la dévitalisation des zones rurales en soutenant des initiatives portées par les élus et habitants dans les villages. Pour cela, nous avons lancé il y a 5 ans le « volontariat rural ». Il donne la possibilité à des jeunes urbains d’aller s’installer pendant 6 mois dans des communes de quelques centaines d’habitants pour les aider à développer des initiatives favorisant le lien social intergénérationnel, la culture, la préservation du patrimoine, ou la transition écologique. Cette approche coopérative permet de réduire les fractures sociétales, de créer des écosystèmes locaux dynamiques mais également de favoriser l’insertion, l’engagement et le pouvoir d’agir des jeunes. Nous avons commencé en 2019 à travailler avec 3 villages en Occitanie et, grâce au soutien de la Fondation de France, nous intervenons aujourd’hui dans près de 200 communes dans 7 régions.
Le programme Inventer Demain est un espace de réflexion et de prise de recul qui nous aide à faire grandir notre structure et à dépasser les difficultés, notamment grâce à l’émulation collective et au partage d’expériences et de bonnes pratiques avec les autres acteurs clés de changement. Nous bénéficions aussi d’un accompagnement personnalisé par des points individuels trimestriels avec les experts de la Fondation de France. Cela nous permet d’aborder tous nos enjeux de façon transversale, de réfléchir à notre stratégie et de dégager des solutions concrètes. Il a notamment été très précieux pour notre association dans la période charnière de son changement d’échelle. »
Un décloisonnement des acteurs associatifs pour favoriser la coopération
Marion Moulin, directrice de l’association Possible
« En France, la réinsertion durable des personnes condamnées fonctionne difficilement : 45 % des personnes récidivent dans les 2 ans qui suivent la fin de leur incarcération, selon les dernières données du Ministère de la Justice. 60 % des 76 000 personnes détenues aujourd’hui étaient déjà en situation de grande précarité socio-économique avant d’être condamnées. Face à ce constat, notre association Possible, engagée pour la réinsertion des personnes placées sous main de justice, s’est rapprochée en 2019 de l’association Ronalpia, qui agit pour le développement de l’entrepreneuriat social. Ensemble, nous avons créé Act’ice , un programme d’accompagnement pour l’inclusion durable des personnes condamnées, en s’appuyant sur les acteurs de la société civile et l’administration pénitentiaire. Nous faisons ainsi le lien entre deux mondes, celui de l’innovation sociale et celui de la justice pénale, afin de transformer l’ensemble du système.
Un des aspects vraiment intéressants du programme Inventer Demain est qu’il réunit des structures du monde associatif qui n’ont a priori pas beaucoup de points communs, en termes de taille, de degré de maturité, de secteur ou de territoire d’intervention. Ce décloisonnement est très riche : il permet de s’ouvrir, de faire des rencontres inspirantes qui n’auraient sans doute jamais eu lieu, de s’enrichir de pratiques nouvelles... Avec 4 à 6 journées de rencontres entre acteurs clés de changement organisées chaque année, nous avons le temps de créer des relations de confiance solides et des liens durables. Cela facilite également la naissance de coopérations.»
Une construction collective pour donner plus d’impact aux actions
Armand Hurault, directeur de l’association Festin
« Avec l’association Festin , nous agissons pour l’insertion socioprofessionnelle des personnes en situation de précarité par le biais de la cuisine et de la restauration. Depuis 35 ans, nous développons des dispositifs sur mesure pour répondre aux besoins des différents publics que nous accompagnons. Nous sommes par exemple à l’initiative du restaurant Les Beaux Mets, ouvert en 2022 au sein de la prison Les Baumettes à Marseille, ou encore du programme « Des Etoiles et des Femmes ».
Accompagner des personnes fragiles vers le retour à l’emploi doit impérativement se faire dans un cadre professionnel sécurisant et épanouissant. C’est pourquoi il est indispensable d’agir aussi pour transformer en profondeur le secteur de la restauration, notamment en améliorant les conditions de travail. Notre association intervient donc à plusieurs échelles : au niveau des personnes en recherche d’emploi mais aussi au niveau des entreprises de restauration, des représentants du secteur et des pouvoirs publics.
Faire partie du programme Inventer Demain de la Fondation de France nous donne une vraie légitimité au niveau national et nous permet d’être reconnu dans l’ambition systémique que nous portons. Au-delà, nous retrouver au sein d’un groupe de pairs avec lesquels nous partageons des problématiques similaires, même si nos champs d’intervention sont différents, répond à un vrai besoin. Nous sommes tous dans l’expérimentation et construisons de nouveaux modes de faire. Dans le territoire inconnu dans lequel nous avançons ensemble, cet espace d’échange et de travail en commun est précieux. Il nous aide à nous poser les bonnes questions, à éviter les écueils et à renforcer l’impact de nos actions. Le programme se construit ainsi collectivement au fur et à mesure, en fonction des besoins et des expériences. »