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Avec Démarches territoriales, la Fondation de France renforce son action dans les territoires

7 avril 2021

Cécile Malo est déléguée générale de la Fondation de France Méditerranée.

Agir vite et bien, transformer à long terme… nécessitent une connaissance fine des problématiques et une grande capacité d’action sur le terrain.

Dans le contexte de crise sanitaire, économique et sociale, la Fondation de France renforce son engagement à l’échelle locale. Parmi ses leviers d’action : sa capacité à orchestrer des collaborations et des alliances entre associations et autres acteurs clés des territoires pour construire des solutions efficaces et durables. Rencontre avec Cécile Malo, déléguée générale de la Fondation de France Méditerranée.

Quelle est la particularité du programme « Démarches territoriales » de la Fondation de France ?

Cécile Malo : L’ambition qui sous-tend programme « démarches territoriales » : construire de nouvelles solutions pour relever des défis majeurs aggravés par la crise sanitaire, comme la pauvreté, la transition écologique… Par exemple, à Marseille, l’un des enjeux prioritaires est la lutte contre la précarité. Plus de 200 000 personnes vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Avec Démarche territoriale, nous cherchons, testons des solutions, en associant les acteurs les plus pertinents localement. Nous essayons d’imaginer des réponses différentes, qui ouvrent des perspectives nouvelles. A Marseille par exemple, dans les quartiers où se concentrent les populations les plus pauvres, nous participons à la mise en place d’initiatives permettant l’accès à une alimentation de qualité.

Pour cela, nous travaillons différemment, nous ne lançons plus d’appels à projet ciblés pour susciter tel ou tel type d’initiatives. Nous prenons contact avec des acteurs du territoire, publics comme privés, nous identifiions les enjeux prioritaires et les interlocuteurs qu’il est nécessaire de mobiliser. Il peut s’agir d’une association, d’un collectif d’habitants, mais aussi d’un mécène. Par exemple, dans les Cévennes, un particulier a fait un don important à la Fondation de France, avec un seul objectif : revitaliser ce territoire, aussi bien sur le plan social que culturel, économique ou écologique.

Ce programme puise-t-il son origine dans la crise sanitaire ?

C.M. : Pour partie. Mais pas seulement, car c’est en fait l’aboutissement d’une intuition née il y a plusieurs années.

Mais la crise sanitaire a clairement accéléré le lancement de ce programme, car depuis mars 2020, nous ne pouvions plus fonctionner comme avant, uniquement avec des appels à projets thématiques. L’heure est aux alliances avec les acteurs du territoire, aux échanges afin d’inventer des solutions sur mesure.
Le 1er confinement a été un incroyable accélérateur de rencontres. Dès les 1ères heures, nous  étions en contact avec les acteurs de terrain, avec des citoyens engagés, des chefs d’entreprises, des responsables d’associations… Certains sont venus vers nous car ils ont repéré notre réactivité. Ils nous ont dit : « On a envie de collaborer avec vous ». Et on s’est tout de suite dit : « Allons-y, et dès qu’on sera sortis de l’urgence, nous continuerons à travailler ensemble, car nous avons les mêmes valeurs et l’envie de changer la donne dans la durée ».  Et nous sommes restés en contact.

Tous, nous avions envie de « renverser la table », convaincus que les vieilles recettes ne marchent plus. Les approches thématiques, en silo, ont montré leurs limites. Plus que jamais, il faut faire ensemble, et pas chacun de son côté, ou chacun à côté de l’autre. Et la Fondation de France dispose d’un large réseau qui favorise justement ces rencontres et ces alliances.

Mais comme je le disais, la genèse remonte au programme Dynamiques territoriales lancé en 2013, Il a montré toute la pertinence d’une démarche ouverte qui laisse la place aux habitants pour construire des solutions adaptées à l’échelle d’un territoire (création d’emplois, aide à la parentalité, solidarité entre les générations…).

En près de huit ans, nous avons pu voir les effets positifs de ce programme, en terme de dynamique locale, de capacité à bousculer les habitudes et les façons de faire individuelles.

Concrètement, en quoi le programme « démarches territoriales » consiste-t-il ?

C.M. : A Marseille, nous travaillons avec plusieurs personnes du Service Cohésion sociale de la Métropole Aix-Marseille qui ont monté le Lab des Possibles. Une initiative qui vise à faire autrement en terme de politique publique territoriale. Ils sont convaincus que la philanthropie est un excellent levier d’innovation dans les territoires. Avec eux, dès l’été dernier, nous avons repéré une dizaine d’acteurs, porteurs de changements sur le territoire de Marseille, notamment contre la pauvreté.

Nous réunissons tous ces acteurs une fois par mois. Nous leur proposons de l’aide méthodologique, nous les mettons en contact pour avancer sur leurs projets. Nous leur proposons des ateliers pratiques (comment trouver des fonds, communiquer sur son projet…). En plus de cette dynamique collective, chaque projet est accompagné individuellement par une personne, une « bonne fée » comme ils nous appellent. C’est dans le cadre de cette collaboration que nous accompagnons l’association Pain et Partage, une entreprise d’insertion qui produit du pain bio et qui porte un projet ambitieux autour de l’alimentation. Nous sommes à la fois des incubateurs, des coaches, avec une grande capacité de mise en relation. Et nous développons aussi la solidarité entre ces acteurs. Avant, certains d’entre eux pouvaient se percevoir comme des concurrents, aujourd’hui, ils ont envie d’unir leurs forces, de travailler ensemble ! Nous sommes pleinement engagés dans ce programme, car nous y croyons vraiment.

Si on devait résumer l’angle d’attaque de Démarche territoriale : c’est le fait d’inventer des solutions totalement sur-mesure et adaptées à la complexité des territoires, en favorisant le collectif (acteurs publics et privés) et l’implication des habitants !

A voir

En quoi cette approche est-elle innovante, différente de ce que nous faisons depuis toujours ?

C.M. : Agir en proximité n’est effectivement pas nouveau pour la Fondation de France. Cette démarche existe depuis sa création. Ce qui est nouveau, c’est la façon dont nous procédons pour détecter et accompagner l’innovation sociale sur le territoire. Avant, notre outil principal était l’appel à projet thématique. Nous décrivions le type de solutions que nous souhaitions soutenir et lancions notre filet de pêche. Aujourd’hui, nous allons vers les acteurs, sans parti-pris des solutions qui émergeront. Nous sommes dans l’écoute, nous partageons le diagnostic des problèmes et nous mettons à disposition des outils et des moyens pour les résoudre.

Nous créons les conditions pour que potentiellement, une idée portée par une seule personne se transforme en projet structurant pour le territoire porté par plusieurs acteurs.

Justement, sur le terrain, que cherche-t-on à atteindre concrètement ?

C.M. : Nous voulons faire la preuve à travers quelques initiatives bien menées dans la durée que le changement est possible et qu’il faut d’autres façons de faire pour y parvenir.
Nous fonctionnons comme une « start up de l’innovation sociale » sur les territoires. Ce que nous cherchons, c’est l’impact !  

A court terme, il faut donc accélérer le changement de posture et la façon de faire de tous ceux qui sont de près ou de loin investis sur les sujets de précarité, de transition écologique, de crise démocratique : les services public  bien sûr, mais aussi les entreprises et tous les acteurs de terrain qui peuvent mettre en commun leurs compétences et être ainsi activateurs de transformation sociale : les entreprises, , les associations, les habitants d’un quartier…. C’est toute une chaine qui doit se mettre en mouvement !

Il faut initier des changements de comportements parmi les habitants des quartiers. Par exemple sur le sujet de l’alimentation : faire en sorte qu’ils s’approvisionnent moins dans les supermarchés à bas coût, qu’ils aillent sur les petits marchés locaux avec des agriculteurs, en circuit court, avec des produits frais, de qualité, et accessibles en termes de prix ! Parmi les effets escomptés, il y a bien sûr un bénéfice pour la santé des habitants grâce à une alimentation saine, mais aussi une amélioration des liens sociaux, de proximité. Par ailleurs, favoriser les échanges entre les habitants et les filières agricoles donnera peut-être des idées à des jeunes de ces quartiers qui pourraient se former et travailler dans ces filières ?

Ces démarches représentent une formidable opportunité de développement individuel et collectif dans un quartier ou un territoire donné.

Quelles sont les conditions de succès ?

C.M. : Agir sans apriori, ouvrir ses chakras, penser présent et avenir….  Aujourd’hui, la philanthropie est la seule à pouvoir agir à la fois sur le très court terme, le moyen et le long terme. La philanthropie peut s’exonérer de toute échéance électorale, elle a une liberté d’action unique qui permet de créer les conditions de créativité, de transparence et d’innovation dont nous avons besoin. Et ça marche ! A Marseille, ce sont les acteurs des territoires qui sollicitent la Fondation de France pour les aider à agir. Il y a une attente forte, nous sommes vraiment identifiés comme un acteur connu et reconnu sur notre territoire, capable de créer des conditions de confiance.

Il y a d’autres conditions de réussite comme l’humilité, la nécessité de se donner les moyens de faire des pas de côté, de se remettre en questions, d’être agile…Enfin, le professionnalisme et l’engagement de nos équipes, salariées comme bénévoles est un atout précieux. Cette crise a souligné le caractère essentiel de leur engagement, ils ont su répondre présents en quelques heures, et adapter nos façons de faire, nos outils, notre gouvernance tout en gardant un niveau d’exigence élevé… La Fondation de France a vraiment toutes les ressources en interne pour relever le défi