Le Bruit de la conversation : de la fraîcheur et du lien
Léna Fauvernier, architecte et urbaniste au sein du collectif le Bruit de la conversation« Fraîcheur de vivre » : un nom tout trouvé pour un programme qui consiste à transformer des zones de chaleur urbaines en îlots de fraîcheur et de socialisation. L’initiative, soutenue par la Fondation de France, est portée par Le Bruit de la conversation, une association d'éducation populaire et d'urbanisme participatif basée à Toulouse. L’objectif est double : répondre à un enjeu écologique et climatique mais également d’inciter les habitants à se réapproprier leur territoire. Entretien avec Léna Fauvernier, architecte et urbaniste au sein du collectif.
Pouvez-vous présenter l’association et votre nouveau programme dédié aux îlots de fraîcheur ?
Le Bruit de la conversation est un collectif pluridisciplinaire (architectes, paysagistes, urbanistes) animé par les valeurs de l’éducation populaire. Avec les acteurs locaux, nous inventons de nouveaux espaces urbains et ruraux, dans une démarche participative et écologique. Cela peut être avec un bailleur social qui souhaite repenser un lieu extérieur avec ses résidents, ou bien avec des élus qui veulent imaginer l’avenir de leur village avec ses habitants. L’idée est de sensibiliser et mobiliser les habitants sur le thème des territoires de demain.
C’est dans cet esprit que nous avons conçu en 2024 le programme « Fraîcheur de vivre ». Face au réchauffement climatique, aux vagues de chaleur accablantes en milieu urbain qui se multiplient, aux villes trop minéralisées, il existe une solution simple : multiplier les îlots de fraîcheur dans les villes. Au travers du programme, nous souhaitons accompagner les collectivités d’Occitanie dans le développement de ces îlots, qui permettent de lutter contre les canicules en ville tout en favorisant le partage et le lien social.
Nous imaginons ces îlots comme des refuges où la population peut se rafraîchir en cas de fortes chaleurs. Pour ce faire, nous agissons sur les sols en les rendant perméables pour une meilleure infiltration des eaux de pluie (débitumisation) et nous déployons des dispositifs d’ombrage via l’introduction de végétaux ou l’installation de voilages. Au-delà de l’aspect climatique, nous souhaitons créer des lieux de vie propices au partage de bons moments en installant des aires de pique-nique, des espaces ludiques ou encore des parcours pédagogiques. Nous travaillons en lien étroit avec les habitants pour imaginer l’îlot de fraîcheur en fonction de ce qu’ils souhaitent y faire.
La population est impliquée à toutes les étapes de la mise en oeuvre d'un projet « Fraîcheur de vivre ». © Le bruit de la conversation
Comment mettez-vous concrètement en œuvre le programme ?
Il n’y a pas de solutions toutes faites, nous nous adaptons à chaque territoire. Notre méthode consiste à impliquer la population à toutes les étapes, de l’ingénierie de projet jusqu’au chantier participatif, grâce à différents outils issus de l’éducation populaire : ateliers, ciné-débats, jeux, rencontres…
Nous avons lancé en 2024 la première expérimentation « Fraîcheur de vivre » à Saint-Sulpice-la-Pointe, dans le Tarn. Le projet, toujours en cours, a pour objectif de transformer un parking en îlot de fraîcheur et de partage. Pour cela, une place importante est accordée à la concertation. Depuis le démarrage du programme, nous avons organisé 6 ateliers pour réaliser avec les riverains un état des lieux partagé et concevoir ensemble cet espace. Nous avons par exemple rassemblé des souvenirs et photos anciennes, conçu une cartographie participative et mis en place des expériences in-situ du cheminement de l'eau. Nous avons créé ensemble le plan et la maquette avec des réflexions autour de questions centrales : à quoi pourrait ressembler ce lieu ? Comment y vivre ensemble ? Faut-il du mobilier urbain ? Quels végétaux introduire ? Quelle place donner à la voiture ?
Il y a eu beaucoup d’échanges et l’îlot de fraîcheur s’est dessiné grâce à l’intelligence collective : une aire de pique-nique, des espaces de détente ombragés, une spirale aromatique, mais aussi un banc circulaire réalisé à partir de matériaux de réemploi pour organiser des concerts par exemple, en écho au nom de l’espace : « le square des 3 musiciens ». Les chantiers participatifs débuteront à l’automne 2025, en lien avec les services municipaux : il s’agira de débitumer, reconstituer la perméabilité du sol, végétaliser et aménager le lieu.
Comment un territoire peut-il s’impliquer dans le programme ?
Le programme « Fraîcheur de vivre » a été lancé par le biais d’Appels à Manifestation d'Intérêt (AMI) initiés par notre collectif. Sur cette base, nous avons sélectionné des communes dont les projets sont en adéquation avec notre vision. Pour les collectivités intéressées, le prochain AMI sera diffusé au printemps 2025. Au-delà du programme, nous restons ouverts à toute autre type de collaboration pour imaginer les espaces du quotidien pour et avec les habitants.