CO3, retour sur 5 ans de soutien à la recherche participative
Impliquer chercheurs, acteurs du territoire et citoyens dans des travaux communs de recherche pour mieux répondre aux défis écologiques : telle est l’ambition du dispositif expérimental de recherche participative CO3 co-porté par la Fondation de France qui se termine après 5 ans de mise en œuvre.
Le programme CO3, (Co-construction des Connaissances pour la transition écologique et solidaire) auquel a participé la Fondation de France aux côtés de l’ADEME et d’Agropolis Fondation , de la Fondation Daniel et Nina Carasso et de la Fondation Charles Léopold Meyer pour le Progrès de l’Homme , avait pour objectifs d’évaluer la pertinence de la recherche participative dans le cadre de la transition écologique et de participer à l’émergence d’une communauté de pratiques. Le programme a accompagné 44 projets partout en France et fait coopérer près 500 associations et organisations de la société civile, 300 laboratoires de recherches et 167 experts, tous mobilisés pour coconstruire des connaissances au service de la transition écologique. Les 14 et 15 décembre derniers, un séminaire de capitalisation a réuni à Paris plus d’une centaine de parties prenantes pour tirer les enseignements de cette expérimentation inédite qui contribue à développer ce champ trop ignoré de la recherche, et pourtant si prometteur.
Interview de Laetitia Bertholet, responsable du Département Transition écologique et solidaire à la Fondation de France
Pour quelles raisons la Fondation de France a-t-elle décidé de soutenir le dispositif C03 en faveur de la recherche participative ?
Depuis longtemps, la Fondation de France encourage la participation et la coopération, convaincue que pour construire une société plus apaisée solidaire et durable, il faut que tous les acteurs et les personnes concernées soient associés. Depuis 2011, nous soutenons des programmes de recherche participative, notamment en agroécologie et pour la préservation du littoral. Ils réunissent des chercheurs, des professionnels et des citoyens autour de questions concrètes, comme la pollution des sols, l’accès à une alimentation de qualité pour tous ou la préservation de variétés de semences traditionnelles… Avec l’objectif de co-construire des protocoles d’actions pour faire progresser la recherche et imaginer d’autres façons de faire. Cette démarche est tout à fait en cohérence avec la volonté de la Fondation de France d’agir en faveur d’une transition écologique juste et solidaire. Car pour répondre aux défis de la transition, l’engagement des citoyens, des collectivités, des associations et des entreprises est essentiel. Les nouveaux modes de vie ne seront acceptables que s’ils sont co-construits par tous les acteurs des territoires.
En 2018, l’ADEME nous a invités - avec Agropolis Fondation, la Fondation Charles Leopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, puis la Fondation Daniel et Nina Carasso, à rejoindre le dispositif CO3 pour faire avancer la recherche participative. Nous avons évidemment accepté. L’objectif était de soutenir collectivement des projets afin de mieux la faire connaître en France et d’évaluer la pertinence de sa démarche dans le domaine de la transition écologique.
Quels types de projets ont été soutenus ?
Au total, 44 projets ont été soutenus par le dispositif CO3, dans le champ de la transition écologique en général, et plus particulièrement dans le domaine de l’agroécologie depuis 2019. Il s’agissait soit de projets co-portés par des citoyens pour le développement et la préservation de leurs territoires, soit de projets dont le but était d’améliorer les pratiques professionnelles, ou enfin de recherches sur des sujets plus vastes visant à transformer les politiques publiques. À la Fondation de France, nous avons soutenu dix de ces projets. Il y a par exemple un travail de recherche pour la préservation d’un arbre méditerranéen, le cormier, qui a réuni des chercheurs et un réseau de citoyens. C’est un arbre qui peut nous aider dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, il était auparavant utilisé pour assainir l’eau par exemple. On peut également citer le projet Paradoxe mené dans la Drôme qui a fait coopérer agriculteurs, éleveurs et chercheurs afin de déterminer les meilleures manières d’associer la pratique de l’élevage et de l’agriculture sur un même territoire. Ou encore le programme Polma porté par le CNRS et le collectif l’Atelier Paysan qui a étudié comment le machinisme agricole a conditionné les pratiques et les choix des paysans.
Quelles sont les spécificités de ces projets de recherche ?
Ces projets de recherche impliquent dès le départ des collectifs de citoyens ou de professionnels et des collèges de chercheurs. Ils répondent à un problème concret et proposent des solutions pouvant être comprises et appliquées par tous. De plus, la co-construction doit être présente à toutes les étapes : de la définition de la problématique, du protocole de recherche et des méthodes d’évaluation jusqu’au partage des résultats et leur mise en œuvre.
Pour assurer le lien entre acteurs de la société civile et de la recherche, une intermédiation s’est avérée nécessaire : c’est le rôle du tiers veilleur, qui est propre au dispositif C03 et tout à fait innovant. Le tiers veilleur est à la fois garant de la démarche participative d’un bout à l’autre du projet et facilite des échanges entre deux mondes souvent assez éloignés. Mais le programme CO3 a montré que d’autres formes d’intermédiations étaient également possibles à travers l’art par exemple
Quels enseignements peut-on tirer de ce programme expérimental ?
Ces cinq années ont été instructives pour tous et notamment sur l’apport de la recherche participative dans les enjeux de transition écologique. On constate que cette démarche est efficace mais qu’elle demande du temps, donc des financements longs et flexibles qui couvrent la recherche en elle-même mais aussi le travail des responsables associatifs et des professionnels mobilisés, le temps de conception et de concertation en amont et l’intermédiation.
S’il est encore tôt pour mesurer complètement l’impact des actions, l’engagement des citoyens sur des enjeux parfois complexes est très prometteur. On se rend compte que leur motivation et leur mobilisation pour faire changer les choses sont au rendez-vous. Le dialogue qui s’est instauré entre les chercheurs et les acteurs de la société civile a permis une meilleure compréhension des enjeux et des méthodes : tout le monde se sent embarqué, les tensions retombent.
Concernant l’action des fondations, cette première expérimentation a été aussi très positive. Nous avons appris à travailler ensemble et à financer de manière complémentaire des projets qui n’auraient pas pu être soutenus selon les dispositifs classiques. En ce qui concerne la Fondation de France, nous allons continuer à recourir à ce champ spécifique de la recherche pour accompagner la transition écologique en nous inspirant de ce que cette expérimentation nous a appris.
Il est clair que le dispositif CO3 marque une étape importante dans le développement de la recherche participative, trop peu développée en France (vs pays anglosaxons) car il démontre toute sa pertinence dans la recherche de solutions concertées en faveur d’une transition écologique juste et solidaire.