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Cité de la réussite : l’éloge de la transmission

22 novembre 2017

Pour sa 20e édition, mi-novembre, la Cité de la réussite a ouvert le débat sur le thème de la transmission. Partenaire de la manifestation qui a réuni plus de 20 000 personnes à la Sorbonne, la Fondation de France participait à trois tables rondes. Extraits.

Transmettre un monde meilleur

Axelle Davezac : « une autre vision de la société »

Axelle Davezac est directrice générale de la Fondation de France.

Elle a réalisé la première partie de sa carrière dans divers grands groupes industriels, en tant que directeur financier avant de mettre son expérience au service de l’intérêt général en prenant la direction de la Fondation ARC. Ancienne trésorière du Comité de la Charte et administrateur de l’Idaf et de l’Institut hospitalo-universitaire de Strasbourg, elle siège au conseil d’administration du Centre français des fonds et fondations. En 2016, elle rejoint la Fondation de France et redevient vice-présidente de France Générosités.

La Fondation de France a été créée pour développer la générosité privée au service de l’intérêt général. Cela signifie que chacun, avec ses moyens en temps, en argent, en intelligence, en expérience, peut agir pour la société avec l’objectif de construire et transmettre un monde meilleur.  

Il ne peut s’agir de pallier les carences de l’État. Les acteurs privés sont souples, agiles, ne subissent pas les contraintes inhérentes aux services de l’administration. Ils sont en mesure de mettre en place des expérimentations, de faire la démonstration par l’exemple que des solutions existent.

Un tiers des projets de la Fondation de France sont consacrés aux jeunes. Avec des actions comme les Déclics jeunes, on donne leur chance à des jeunes qui ont des projets mais sont démunis pour les mettre en œuvre. Ce que permet la philanthropie, à travers tous ces projets parfois modestes, à travers ces liens qui se tissent, c’est une autre vision de la société.

Louis Gallois : « un lien essentiel »

Louis Gallois est président du dispositif Territoires zéro chômage.

Il  a occupé de hautes responsabilités au sein de nombreux ministères (industrie, recherche, économie, défense). Il a ensuite occupé les fonctions de PDG de Snecma puis d’Aerospatiale, de président de la SNCF, de président exécutif du groupe EADS. Il a également été président exécutif d’Airbus. Il est aujourd’hui notamment président du conseil de surveillance de Peugeot S.A.

Oui, la générosité publique est un lien essentiel entre la société civile et ceux qui sont le plus en difficulté mais je ne souhaite pas que cette générosité soit invoquée par l’État pour se retirer du champ de la lutte contre la pauvreté. Il serait trop commode de dire : la générosité publique, la philanthropie, c’est formidable, regardez les États-Unis ! Non : on ne lutte pas contre l’inégalité scolaire par la philanthropie, on ne lutte pas contre la difficulté d’accès aux soins par la philanthropie.

Pourtant, en matière de chômage, nous tentons une expérimentation de petite taille mais avec une immense ambition : l’éradication  du chômage de longue durée. Pas la réduction, l’éradication ! Dix territoires participent à l’aventure avec deux convictions : la première, c’est que tout le monde est employable, la deuxième, c’est qu’il existe une masse considérable de travaux utiles qui ne sont, ni des travaux « marchands » ni des travaux accomplis par les services publics.

Alain Cojean : « transmettre le sens »

Alain Cojean est le créateur de la chaîne de restauration cojean

Tous les ans, cojean reverse 10 % de ses bénéfices à la Fondation Nourrir aimer donner. Celle-ci a pour but de lutter contre la pauvreté et de contribuer au développement durable des communautés les plus démunies en travaillant notamment sur l’accès à l’eau et à la nourriture.

J’ai créé cojean il y a 17 ans en me faisant une promesse : en cas de réussite, consacrer une partie des bénéfices de l’entreprise à des causes. 10% des bénéfices sont reversés à la fondation que j’ai créée et tous les collaborateurs connaissent et adhèrent à ce principe qui fait partie de l’ADN de l’entreprise. Cette volonté de « faire du bien » ailleurs rejaillit ici sur l’ambiance qui règne dans mes restaurants, chez ceux qui y travaillent. C'est un état d'esprit communicatif.

Marina Nahmias : « La philanthropie doit s’adapter à son temps »

Marina Nahmias est présidente de la Fondation Daniel & Nina Carasso

La Fondation Daniel et Nina Carasso a été créée début 2010, sous l’égide de la Fondation de France, en mémoire de Daniel Carasso, fondateur de Danone, et de son épouse, Nina. Il s’agit d’une fondation familiale indépendante du groupe agroalimentaire. Marina Nahmias, fille de Daniel et Nina Carasso, est présidente de son comité exécutif.

La philanthropie était une tradition familiale, aussi bien pour mon mari que pour moi. Nous avons voulu poursuivre et transmettre cette histoire, en adaptant nos actions au monde dans lequel nous vivons. Résultat : une fondation créée avec nos 4 enfants, pour soutenir des actions plus structurées dans deux domaines d’avenir : l’alimentation et l’art citoyen.

Gérard Garouste : « transmettre la confiance et l’envie »

Gérard Garouste est artiste-peintre et sculpteur, créateur de La Source.

C’est l’une des figures majeures de la peinture française. Il est passionné par les origines de notre culture, l’héritage des maîtres anciens et les mythes. L'association La Source qu’il a créée aide des enfants et des jeunes issus de milieux défavorisés à s'épanouir en participant à des ateliers animés par des artistes professionnels.

La Source met en place des ateliers d’une vingtaine d’enfants avec un artiste en résidence, parrainés par un artiste connu. L’objectif de cette transmission : redonner à des enfants très défavorisés le sens du désir. Grâce à l’art ils reprennent confiance en eux, eux qui n’espéraient déjà plus rien.

Retrouvez l'intégralité de la table ronde en vidéo

La générosité se transmet-elle ?

Frédérique Bedos : « tous invités à transmettre ! »

Frédérique Bedos est fondatrice du Projet Imagine.

Elle est journaliste et animatrice (Europe 2, M6, France 2), ancienne membre du comité de parrainage de « La France s’engage ». Le Projet Imagine œuvre à rassembler autour d’un même thème : s’engager à inventer une nouvelle manière d’être au monde, à travers le journalisme.

J’ai créé une ONG d’information dont les vedettes, les stars sont les héros humbles du monde entier. L’idée de mettre en lumière ces héros est venue de mon enfance. J’ai eu la chance d’être sauvée par un couple du Nord de la France, très simple, sans aucune fortune mais qui, chaque fois qu’ils croisaient la route d’un enfant considéré comme perdu pour la société, l’adoptaient.

C’est ce qui s’est passé pour moi qui avait une histoire personnelle compliquée, mais nous avons été comme ça une vingtaine d’enfants du monde entier à trouver une famille, cette famille. C’est dire si pour moi, la transmission d’un corpus de valeurs a été forte !

Je crois qu’aujourd’hui, nous avons compris que quelle que soit notre situation, il y a plein de moyens d’être généreux ; dans son attitude, dans cette façon de regarder le monde et de prendre part aux enjeux. Il y a tous ces outils qui font maintenant partie de notre quotidien, les réseaux sociaux, le crowdfunding.

Nous sommes tous invités à devenir des philanthropes, c’est-à-dire des amoureux de l’humanité, et si nous sommes de plus en plus nombreux à nous lever chaque matin en nous disant qu’on veut donner le meilleur de nous-mêmes, le monde changera.

Jean Vanier avait une phrase extraordinaire : « Il n’y a personne d’assez pauvre pour n’avoir rien à donner, personne d’assez riche pour n’avoir rien à recevoir ».

 

Dominique Lemaistre : « un levier d’éducation et de réflexion collective »

Dominique Lemaistre est directrice du mécénat à la Fondation de France.

Elle y est entrée en 1988 comme responsable de la communication. Au service de la philanthropie depuis plus de 25 ans, elle supervise les 30 programmes et les 828 fonds individualisés gérés par la Fondation de France dans les champs les plus divers.

Il y a aujourd’hui de plus en plus de mécènes qui se préoccupent de savoir comment transmettre leur passion à leurs enfants, comment ils vont les emmener dans cette expérience. Un peu comme un outil d’éducation.

Certains de ces mécènes se sont regroupés et on créé une association qui s’appelle Un Esprit de famille, dont l’objectif est de réunir ceux qui partagent cette préoccupation de la transmission.

Dans Un Esprit de famille, il y a donc les mécènes mais aussi la génération suivante, et parfois la génération encore du dessous !

Faire de la philanthropie en groupe, c’est accepter d’abandonner un peu de son ego, c’est entrer dans la philanthropie de la maturité, avoir le souci de transmettre à ses enfants, se préoccuper de partager avec d’autres les mêmes valeurs.

Patricia Ricard : « éveiller les consciences et les passions »

Patricia Ricard est présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard.

La vocation de cet Institut, fondé en 1966 par Paul Ricard, son grand-père, industriel et écologiste avant l’heure, est de connaître, faire connaître et protéger la mer.

L’Institut océanographique reçoit environ 5 000 enfants par an depuis 45 ans, des enfants des centres aérés ou accompagnés de leurs professeurs. Il y a en réalité très peu d’endroits où les enfants peuvent avoir accès à un chercheur, un biologiste. Cette passion dont le scientifique va pouvoir témoigner devant les enfants est essentielle pour éveiller la leur. La journée anniversaire de l’Institut avait d’ailleurs pour thème « Les bâtisseurs de conscience ».

Retrouvez l'intégralité de la table ronde en vidéo

La passion de la transmission

Geoffroy Roux de Bézieux : « la philanthropie rend heureux ! »

Geoffroy Roux de Bézieux est vice-président délégué et trésorier du Medef, créateur d’Araok.

Geoffroy Roux de Bézieux est vice-président délégué et trésorier du Medef, créateur d’Araok. Diplômé de l’Essec et d’un DESS à Dauphine en 1984, il s’engage dans les forces spéciales (commandos marine) avec lesquelles il intervient en Afrique et au Liban. Il rejoint ensuite le groupe L’Oréal pendant dix ans, crée The Phone House puis la société Omea Telecom. Il lance Virgin Mobile. Geoffroy Roux de Bézieux est président-fondateur du groupe Notus et président d’Oliviers & Co.

Je ne suis pas un héritier et j’ai gagné de l’argent en tant qu’entrepreneur. La philanthropie a été pour moi un choix, qui s’imposait quand on a réussi dans les affaires, mais pas une tradition familiale. Il y a plus de dix ans maintenant, j’ai créé avec ma femme Sabine et mes enfants la Fondation Araok (« en avant » en breton) dont le nom exprime le projet : encourager chacun à aller de l’avant, soutenir des projets tournés vers l’avenir et accompagner les plus fragiles.

Nous soutenons des ONG sur différentes causes. Dans des actions de philanthropie, il serait ridicule de parler de retour sur investissement mais notre exigence est d’obtenir des résultats. Du plaisir aussi : quand nous intervenons dans un village du Niger, que nous le voyons se transformer, passer du dénuement total au fonctionnement d’une école pour 1 000 élèves, ça fait plaisir et ça rend fier.

Pierre Sellal : « la transmission est une passion joyeuse »

 Pierre Sellal est président de la Fondation de France

Diplômé de la faculté de droit de Strasbourg et de l’École nationale d’administration, Pierre Sellal a mené une grande partie de sa carrière au sein de hautes institutions ministérielles françaises. Il a été élevé à la dignité d’ambassadeur de France suite à sa participation active à la présidence française de l’Union en 2008. Il est le président du conseil d'administration de la Fondation de France.

J’entends dire, ici ou là, que la France serait le pays des passions tristes, où le doute, l’anxiété, le déclinisme domineraient tout. Je crois que la générosité, la philanthropie sont de puissants antidotes à ces passions tristes. Elles sont le fait d’un pays qui a confiance en lui, un pays où l’initiative individuelle est valorisée mais où la participation à une action collective est reconnue. L’élan de générosité qui s’est récemment manifesté suite au cyclone Irma est une preuve supplémentaire que la philanthropie demeure une valeur forte qui traverse toutes les générations. La transmission est une passion joyeuse.

Patricia Jung-Singh : « susciter l’envie de s’engager pour le changement »

Patricia Jung-Singh est fondatrice de la Fondation Terra Symbiosis

Après avoir conduit des projets de santé publique dans des ONG à l’étranger, Patricia Jung-Singh se concentre sur la gestion d’une ferme en agriculture biologique en Alsace. Elle crée la Fondation Terra Symbiosis en 2009 sous l'égide de la Fondation de France grâce à un capital familial, avec la volonté de replacer la nature au cœur du développement humain.

Plus que jamais, la nature est au centre du développement humain. Aujourd’hui, des solutions existent, mais il faut susciter l’envie de s’engager pour l’environnement. Ce qui nourrit ma passion, c’est de voir des projets qui fonctionnent, des enfants qui s’ouvrent, qui développent un lien sensible avec le vivant.

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