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Changement social : les prévisions d’Ariadne pour la France

28 avril 2023

Le renforcement des acteurs d’extrême droite et la polarisation croissante en France font peser des menaces sur la société civile, fatiguée par des années de batailles politiques. Le secteur philanthropique français est désormais appelé à prendre plus de risques et à poursuivre un programme plus progressiste pour lutter contre la crise climatique. L’année 2023 sera-t-elle marquée par une philanthropie audacieuse en France ?

Quels sont les défis prioritaires en 2023 ?

En fonction de l’évolution de la situation politique, les organisations de la société civile devront déterminer quelle position adopter pour interagir dans ce contexte politique et devront être stratégiques dans le choix de leurs alliances, et veiller à conserver leur indépendance. En l’absence d’élections prévues cette année, les organisations pourraient avoir des difficultés à définir leurs programmes de plaidoyer, en dehors des cycles de campagne électorale.

La société civile pourrait également avoir du mal à relier les actions locales aux stratégies de plaidoyer nationales. Il y a davantage de marge de manœuvre pour expérimenter à l’échelle locale, et le changement social peut progresser plus rapidement aux niveaux local et régional qu’au niveau national à cause d’obstacles politiques. Les innovations locales, la société civile est appelée à réfléchir à la manière dont ces enseignements peuvent être déployés à l’échelle nationale.

En France, comme dans d’autres pays, la situation géopolitique, notamment la guerre en Ukraine et l’augmentation du coût de l’énergie et l’inflation, impactent la société civile. Les financements disponibles sont plus limités et les organisations ont du mal à faire face à l’augmentation de leurs coûts d'exploitation. Un grand nombre d’entre elles ont également dû revoir leur stratégie pour soutenir les réfugiés et aider les plus vulnérables à passer l’hiver dans un contexte où les prix de l'énergie sont élevés. Non seulement cela les a détournées de leurs missions premières, mais elles en sont ressorties affaiblies. Une telle charge de travail sera difficile à maintenir dans le temps.

La polarisation de la société reste un problème auquel se heurtent les organisations œuvrant pour le changement social. En raison des divisions au sein de la société, il est plus difficile de collecter des fonds, d’impliquer les individus dans les actions en faveur du changement social et de générer un véritable impact. Les organisations interviennent dans un contexte où le conservatisme prend de l’ampleur, ce qui provoque des réactions violentes vis-à-vis de leur travail et compromet notamment les organisations qui défendent les droits des femmes et la justice raciale. Le rétrécissement continu de l’espace démocratique joue également un rôle dans ce contexte. La désinformation reste répandue et elle est souvent utilisée pour mettre à mal la réputation de la société civile. L’effet cumulé de ce contexte est un sentiment de découragement au sein des organisations.

L’accès au financement est également difficile pour les organisations situées en France. La plupart des fonds qui promeuvent la protection et la promotion de la démocratie viennent de l’étranger, et les fondations œuvrant pour le changement social restent trop peu nombreuses en France. Beaucoup de fondations distributives ont des dossiers de demande de subventions très lourds, ce qui signifie qu’il peut être long et difficile pour les associations d’accéder aux financements.

Quelles opportunités en 2023 ?

La prise de conscience de la crise climatique est de plus en plus forte du côté du grand public mais aussi du côté des fondations qui consacrent davantage de fonds à cet enjeu, et envisagent des approches plus transversales pour agir sur le climat. Dans ce contexte, l’actuelle crise énergétique a un rôle d’accélérateur en soulignant la fragilité de notre approvisionnement en ressources naturelles.

La guerre en Ukraine a rendu l’accès aux financements plus flexible, plus rapide et plus simple, ralentissant ainsi le retour des financement plus « traditionnels » d’avant la pandémie. Certains philanthropes ont bon espoir que cette tendance perdure.

Les fondations françaises entament de nouvelles discussions sur le changement systémique et sur une transition juste. Cela implique notamment de revoir les pratiques pour davantage de justice et d'équité, et de créer des processus plus simples et plus accessibles. Certaines fondations espèrent que ces discussions se propageront au-delà du cercle restreint des fondations œuvrant pour le changement social, et qu’elles dépasseront l’approche DEI (équité, diversité et inclusion) pour évoluer vers des débats plus approfondis sur les structures du pouvoir et la nécessité de modifier les modèles de gouvernance. Certaines fondations restent sceptiques quant à la capacité du secteur à faire évoluer les rapports de force et attendent de voir l’ampleur du changement. Quoiqu’il en soit, leur participation à de telles discussions présage de nouvelles possibilités et donne aux porteurs de projets soutenus par les fondations l’occasion d’encourager ces dernières à changer d’état d’esprit.

De nouvelles approches pour l’instauration d’un dialogue entre différentes parties de la société pourraient permettre de réduire la polarisation. À cet égard, le secteur philanthropique peut tirer les enseignements des innovations de la société civile, et il est possible que son approche de la philanthropie évolue pour s’attaquer à cette question de la polarisation.

Quelles évolutions pour les douze prochains mois ?

Certaines fondations françaises évoluent vers des modes de financement plus accessibles et offriront davantage de financements pluriannuels et flexibles. Elles se montrent plus ouvertes à l’expérimentation et sont disposées à prendre plus de risques. Bien qu'il n’y ait que peu d’exemples de bailleurs de fonds engagés dans l’allocation participative des financements en France, les discussions portant sur la manière dont les pratiques doivent évoluer sont désormais sur la table et attirent des dirigeants plus expérimentés au sein des fondations.

Dans le cadre de ces échanges, les fondations réfléchissent davantage au soutien extra-financier qu’elles peuvent apporter à leurs partenaires. Certaines étudient également la possibilité d’octroyer des fonds à des particuliers qui mènent des actions en faveur du changement social. Un soutien aux activistes par exemple, épuisé par le contexte difficile dans lequel ils travaillent.

Quel domaine d’actions prendra de l'importance en 2023 ?

Certaines fondations françaises accordent une importance accrue à la justice climatique et à la transition juste. L’objectif : dépasser les questions purement environnementales pour aborder les dimensions sociales de la crise climatique. Le mouvement des gilets jaunes a contribué à introduire ces questions de justice sociale dans le débat, et les problématiques de justice fiscale et de justice raciale sont désormais davantage prises en compte dans la définition des approches de la crise climatique. Les fondations adoptent une approche systémique pour comprendre le climat et le lien entre la crise climatique et les inégalités. Cela permet d’accorder une place importante à la question climatique tout en approfondissant les connaissances sur les problématiques sociales. Le projet d’une transition juste avec la création d’une nouvelle structure économique et sociale incite certaines fondations à prioriser dans leurs actions les initiatives de participations citoyennes, la création de biens communs et les coopérations avec les pouvoirs publics à l’échelle locale. Cependant, les fondations, pour qui la notion de changement systémique est récente, s’interrogent sur sa mise en œuvre.

Au vu du nombre croissant d’actions civiques, notamment en réaction aux problèmes environnementaux et climatiques, il devient plus important de de s’intéresser aux actions de désobéissance civile. La riposte policière à ce type d’activisme est un sujet que les fondations devraient prendre en compte en 2023.

L’engagement et la participation des citoyens, notamment des jeunes, préoccupent de plus en plus certaines fondations françaises qui souhaiteraient voir la philanthropie soutenir des actions participatives plus démocratiques.

Les fondations s'impliquent davantage sur les questions de discrimination ethnique qui ont tendance à diviser et à être assez complexes en France. Nombre d’entre elles ont préféré rester neutres sur ces questions par le passé parce que celles-ci font peu consensus, même au sein du secteur. Cependant, la jeune génération accorde davantage de valeur et d’attention aux questions de justice raciale, et les fondations, qui commencent à soutenir de nouvelles formes de mobilisation de la jeunesse, sont ainsi confrontées à ces questions.

Les questions migratoires restent importantes en France avec l’arrivée massive de demandeurs d'asile qui ont traversé la Méditerranée. Les droits humains, les questions de genre et la précarité énergétique constituent également des enjeux majeurs en 2023.

Quel événement pourrait avoir un effet sur le secteur ?

Les fondations françaises s'inquiètent de plus en plus du rétrécissement de l’espace démocratique, notamment de la criminalisation de la société civile. Les éléments de langage utilisés par certains représentants du gouvernement créé un discours et un environnement peu favorables pour la société civile. Le Contrat d’engagement républicain (CER) institué par la loi « séparatisme » pourrait provoquer une interdiction des financements publics ou même privés, et avoir des répercussions directes sur les organisations mais aussi sur les fondations.

Ces difficultés soulèvent des questions fondamentales que le monde de la philanthropie doit prendre en considération. Les conséquences de la guerre en Ukraine devraient perdurer en France comme dans le reste de l’Europe, et les questions politiques relatives aux migrations devraient être à l’ordre du jour.

Certains signes suggèrent de nouveaux progrès en 2023 sur les questions climatiques à la suite de la pression internationale exercée lors de la COP27, avec par exemple la reconnaissance de la notion de justice climatique. Pour autant, de nombreuses fondations ne considèrent pas cela comme une avancée significative vers davantage de justice climatique.


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