PAUSE, un programme pour la liberté de penser et de créer
Parce qu’ils osent faire usage de leur liberté d’expression, de création ou poursuivent des travaux de recherche qui vont à l’encontre du système, de nombreux scientifiques et artistes du monde entier sont aujourd’hui menacés et contraints de quitter leur pays d’origine. Le Programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil (PAUSE), créé en 2017 au sein du Collège de France, agit pour leur venir en aide et défendre leurs droits. Comment ? En les accompagnant pour qu’ils poursuivent leurs travaux au sein d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche ou d’institutions culturelles en France.
Le 29 mars dernier, à l’occasion d’une journée de rencontres et d’échanges du réseau PAUSE, une table ronde était organisée au Collège de France sur le thème : « Des Amériques au Moyen-Orient, quelles entraves aux libertés académiques et artistiques et comment y faire face ? ». L’occasion pour les lauréats du programme de raconter leur parcours et de rappeler l’importance de s’engager pour la défense des libertés académiques et artistiques.
Chercheurs et artistes en danger
« Aujourd’hui, face au recul de la démocratie, à la multiplication des conflits et des dérives autoritaires que connaissent de plus en plus de régions du monde, les chercheurs et les artistes sont de plus en plus menacés. Ces atteintes portées à la liberté d’expression ou de création touchent le droit au savoir qui est un droit fondamental. On estime que 3,6 milliards de personnes, soit un peu moins de la moitié de population mondiale, vivent dans des régions où ces libertés sont bafouées », a expliqué en ouverture de la table ronde Gisèle Sapiro, directrice de recherche du Centre national de recherche scientifique (CNRS) et membre du comité du réseau PAUSE.
Depuis sa création, le programme a permis à 609 lauréats, issus de 43 pays, de continuer leurs travaux de recherche ou de création loin des pressions, des menaces ou de la censure dont ils étaient victimes. La sélection des profils s'effectue via 3 appels à candidature par an. Les lauréats sont ensuite accueillis pour une année, leur contrat étant renouvelable une fois (2 fois pour les doctorants). Jusqu’à 2022, la majorité des lauréats étaient originaires du Moyen-Orient. Depuis, les candidatures émanent en priorité de Russie, d’Ukraine, d’Iran, et de Palestine. Parmi les bénéficiaires, la majeure partie sont des chercheurs (notamment en sciences humaines et sociales) et 10 % des artistes.
Un même combat pour la liberté d’expression
Quatre lauréats étaient invités à témoigner. Parmi eux, Sayed Nooroddin Alavi, chercheur et professeur en sociologie qui a fui l’Afghanistan suite à ses travaux sur la place des femmes dans la société civile afghane. Grâce au programme PAUSE, il a intégré en 2022 l’Université Paris-Cité. Obligée de quitter la Russie, où elle risquait d’être qualifiée « d’agent étranger au service des puissances étrangères », la jeune réalisatrice moscovite Alexandra Karelina a, elle aussi, pu bénéficier du programme PAUSE. Après avoir intégré en 2022 l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy où elle enseigne, elle continue à créer et participe à de nombreux festivals de cinéma. Plusieurs de ses œuvres, qu’elle ose enfin signer de son nom, ont été diffusées à l’international.
Également présente, Larissa Bombardi, professeur de géographie à l’université de Sao Paolo, spécialiste mondialement reconnue dans la recherche sur l’utilisation des pesticides dans l’agriculture : « Les résultats de mes travaux sur l’utilisation abusive des intrants chimiques dans les productions agricoles ont très vite été disqualifiés par toute l’industrie agro-alimentaire qui y a vu une menace pour son business. J’ai subi des pressions, ma famille et moi avons été menacées de mort », raconte-t-elle. Contrainte de quitter son pays, Larissa a bénéficié du programme PAUSE et vit désormais entre la Belgique et la France. Elle poursuit ses travaux au sein de l’Institut de Recherche pour le Développement à Paris et a publié en français son livre Pesticides, un colonialisme chimique.
Obligé lui aussi de quitter son pays, le Congo, l’artiste Chériff Bakala a témoigné des menaces et des intimidations dont il a été victime après avoir critiqué dans ses chansons la gouvernance de certains pays africains « suite à la corruption et à l’impunité des actes multiples qui desservent les citoyens de tout bord ». Convaincu de sa responsabilité d’artiste engagé, il confie : « Ma mission est de dire haut ce que les gens ne disent pas. Les artistes comme les chercheurs sont des miroirs de la société, nous avons le devoir de peindre et d’écrire ce qui ne va pas ». Grâce au programme PAUSE, le chanteur-slameur et romancier a rejoint en 2022 l’Ecole nationale supérieure d’art et de design de Dijon où il est en résidence d’écriture et termine son premier roman. Parallèlement, il continue à partager sa passion pour les mots au sein d’ateliers destinés aux jeunes mineurs migrants non accompagnés et aux personnes détenues.
Crédit photo : © Patrick Imbert / Collège de France
POUR ALLER PLUS LOIN
→ Engagés pour la culture
→ « Met-An-Mizé » : La Station Culturelle « met en musée » l’art martiniquais avec un jeu
→ Concert des lauréats : découvrez les parcours exceptionnels de jeunes virtuoses
→ « Redonner ce qu’on a eu la chance de recevoir » - Gautier Capuçon