Hommage à Bruno Latour
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Bruno Latour, hier, 9 octobre. Ce grand philosophe dont l’œuvre rayonne dans le monde entier, a profondément marqué l’histoire et l’action de la Fondation de France, dont il a présidé le comité Culture de 2008 à 2013.
« Nous sommes très tristes et en même temps infiniment reconnaissants, d’avoir cheminé avec ce grand penseur à nos côtés durant plus de six ans. C’était un esprit inclassable, créatif, inspirant, insatiablement curieux. Il parlait, il cherchait, il questionnait en permanence. Il a donné un nouvel élan à l’action des Nouveaux commanditaires de la Fondation de France », déclare Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France.
Cet engagement s’est d’ailleurs traduit dans un ouvrage réalisé sous sa direction : « Faire art comme on fait société »*, qui met en perspective les relations entre création, culture et société et explore la façon dont les œuvres peuvent changer la société. Avec une approche résolument pluridisciplinaire, comme Bruno Latour l’a toujours prônée.
Toujours en veille et en questionnements, Bruno Latour avait cette conviction chevillée au corps qui est la raison d’être de la Fondation de France : le rôle de la société civile est essentiel pour changer le monde dans lequel nous vivons. Il disait : « Pour qu’un Etat agisse, il faut que les citoyens soient derrière. Les solutions doivent d’abord être portées par la société civile. Dans le registre sanitaire, la société civile a transféré ses compétences à l’administration depuis longtemps. Mais dans des domaines comme l’écologie, l’Etat est davantage considéré comme un obstacle. C’est la société civile qui peut imaginer une alternative écologique à nos sociétés industrielles, qui peut construire une représentation commune de la mutation nécessaire. Les sociétés ont des capacités de changement et d’adaptation qu’on ne soupçonnait pas ».
Aujourd’hui, nous pensons à sa famille, sa femme et ses deux enfants, et aussi ses trois petits-enfants, dont Lilo, auquel il s’adressait dans ce dernier épisode d’une série réalisée par Arte, il y a 1 an. Il y déplorait la lenteur incroyable avec laquelle nous réagissons à la transformation de nos conditions de vie, soulignait l’urgence de passer d’un système de production à un système d’habitabilité, qui suppose de pouvoir durer sur un territoire viable. Pour les 20 prochaines années, son message était quelque peu alarmiste, insistant sur l’importance pour Lilo et sa génération de trouver les moyens de résister à l’éco-anxiété. En revanche, il estimait que durant les 20 années suivantes, le processus de civilisation serait de nouveau à l'œuvre. « Dans 40 ans, la période actuelle de déni, d’ignorance et d’incompréhension de la situation écologique que nous vivons sera considérée comme une étrangeté ». Que l’esprit de Bruno Latour continue d’inspirer toutes nos actions.
*« Faire art comme on fait société »
Presses du réel, parution en 2013