Entretien avec Axelle Davezac : « Inspirer la philanthropie, accompagner toutes les formes de générosités, agir en proximité »
Après une année 2020 marquée par le choc de la pandémie, l’impact de la crise sanitaire s’est poursuivi en 2021. Dans ce contexte, quel est votre regard sur l’année écoulée ?
Il est important de souligner que si notre société a pu faire face à cette crise inédite, c’est aussi grâce à la générosité et à l’engagement des Français. Il s’agit aussi bien des associations, des bénévoles engagés sur le terrain, que des fondations et des donateurs dont la fidélité est remarquable. Le niveau des dons a encore progressé en 2021 ! Et la mobilisation pour l’Ukraine, à l’heure où nous nous parlons, nous montre une fois de plus la force d’engagement des donateurs. Les Français ne veulent pas assister impuissants aux crises et aux tensions qui fracturent notre monde, ils veulent agir pour l’intérêt général, pour contribuer à la construction de notre société. La société civile est traversée par ce souhait d’engagement, complémentaire de l’action des pouvoirs publics. Cet élan concerne les particuliers, mais aussi les entreprises, de plus en plus nombreuses à s’engager dans des actions philanthropiques.
Cette année a été aussi l’occasion de revisiter le Projet de la Fondation de France. Quelle est l’ambition portée par ce projet ?
Comme toute organisation, la Fondation de France doit régulièrement prendre du recul, mesurer le chemin parcouru pour adapter, ajuster ses objectifs et redéfinir ses priorités. La crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur à ce processus, autour d’une question clé : comment contribuer à rendre la société plus résistante face aux crises ? Notre projet a ainsi été structuré autour de quatre grands piliers : inspirer, accompagner et agir… en proximité.
« Inspirer » renvoie à la place particulière de la Fondation de France dans le paysage de la philanthropie française ?
Oui, mais pas uniquement. C’est une ambition qui est à la fois au cœur de la mission de la Fondation de France mais qui la dépasse, puisqu’il s’agit de développer la philanthropie, de donner envie à chacun de passer à l’action, d’apporter sa contribution, de s’engager dans un projet collectif plus grand que lui. Et le rôle de la Fondation de France est majeur, puisqu’en tant que premier réseau de philanthropie en France, nous avons une responsabilité particulière vis à vis du secteur. Inspirer la philanthropie, c’est aussi faire connaître sa contribution originale et précieuse pour répondre aux enjeux de notre société, en valorisant certaines actions exemplaires. C’est aussi construire, année après année, un solide corpus de connaissances sur le secteur, porté notamment par les études de l’Observatoire de la philanthropie. C’est enfin développer l’action collective, en contribuant à fédérer les acteurs en France et à l’international.
Vous soulignez la permanence et la force de l’engagement des donateurs, fondateurs, entreprises mécènes… Comment répondre à leurs attentes ?
Notre mission consiste à accompagner toutes ces envies d’engagement, toutes les formes de générosité. Plus de 900 fondations abritées et 400 000 donateurs nous ont manifesté leur confiance, et nous leur devons la transparence, la réactivité, et l’efficacité. Il nous revient donc d’inventer et de proposer le meilleur accompagnement possible, en répondant aux attentes individuelles. À nous aussi de mettre tous ces acteurs en réseau pour interagir, partager les meilleures pratiques, faire vivre les débats et les échanges. Le succès de nos ateliers sur différentes causes, organisés en 2021, qui ont rassemblé des fondations abritées, des experts, et des acteurs associatifs, témoigne de ce besoin de rencontres et d’actions conjointes. La Fondation de France est une maison de la philanthropie, aux fenêtres ouvertes sur le monde… Son action se déploie à l’échelle des territoires, du pays, mais aussi de l’Europe, car nous avons beaucoup à apprendre et à faire avec les autres pays.
En 2021, près de 11 000 projets ont été soutenus par la Fondation de France, à travers ses programmes et les fondations qu’elle abrite. C’est une force importante. Comment l’orienter aujourd’hui… et demain ?
Les besoins sont immenses et la philanthropie ne peut pas tout, mais elle doit chercher à agir là où son impact sera le plus pertinent, là où elle expérimente de nouvelles solutions, là où elle crée de la valeur. C’est l’objet de notre volet « Agir, en proximité ». L’année 2021 a été consacrée à la refonte de la stratégie des missions sociales, qui structure nos priorités d’action. Nous identifions deux enjeux, interconnectés. D’abord le phénomène de fragmentation croissante de la société qui se traduit par l’isolement, la fragilisation et le « décrochage » de certains groupes sociaux. Il mine le lien social, jusqu’à menacer l’existence même d’un débat public apaisé et constructif. Le deuxième enjeu est lié aux mutations rapides de notre environnement : comment développer des modes de vie qui anticipent et, si possible, réduisent les conséquences du changement climatique ? Comment organiser cette société du « tout numérique », pour qu’elle ne marginalise pas les plus fragiles, pour qu’elle soit aussi inclusive et solidaire ? Sur ces deux champs d’action, la philanthropie peut et doit mobiliser non seulement des ressources, mais aussi les formidables réserves d’énergie et de créativité collective dont notre pays sait se montrer capable.