"Face à l’ampleur des défis, seule l’action collective peut permettre d’avoir un impact significatif"

Entretien avec Axelle Davezac, Directrice générale de la Fondation de France.

En 2024, le monde a été à nouveau confronté à de nombreuses crises (sociales, écologiques, géopolitiques…). Quel regard portez-vous sur l’année écoulée ?

L’année a été marquée par une accélération de toutes les difficultés. Les crises se multiplient, les équilibres politiques et économiques sont bouleversés, le dérèglement climatique s’aggrave. Dans ce contexte très instable et incertain, nous devons penser les choses différemment, inventer de nouvelles manières d’agir pour répondre aux enjeux contemporains. Face à l’ampleur des défis, les capacités du secteur philanthropique à apporter des réponses doivent être plus mobilisées que jamais. La société civile, et notamment les entreprises, s’engage de plus en plus en faveur de l’intérêt général. La générosité augmente d’année en année, comme l’a montré le dernier Panorama national des générosités, et lors du passage du cyclone Chido à Mayotte, en décembre dernier, l’élan de solidarité a été exceptionnel : la Fondation de France n’a jamais connu un nombre de dons aussi important sur une période aussi courte.

Comment la Fondation de France peut-elle contribuer à relever ces grands défis contemporains ?

Seule l’action collective peut permettre d’avoir un impact significatif. Elle est au cœur du projet stratégique de la Fondation de France, et s’incarne en particulier dans la Fabrique philanthropique, une démarche collective visant à encourager la mise en commun des idées, des moyens et des actions. Nous souhaitons développer les collaborations au service de l’intérêt général avec et entre tous les acteurs – les pouvoirs publics, les entreprises, les associations, les bénévoles, les philanthropes… – pour construire ensemble des solutions efficaces et durables qui conjuguent réparation et prévention. Cet équilibre est primordial : il faut à la fois faire face aux urgences et soutenir les personnes vulnérables qui ont besoin d’aide aujourd’hui, et agir à la racine des difficultés pour mieux affronter les crises à venir et atténuer leur impact.

Axelle Davezac au Maroc, aux côtés des membres de l’association Al Jisr, qui a construit des classes modulaires pour remplacer les bâtiments détruits par le séisme dans la ville de Tagadirt.

Quelles sont les premières expressions de la Fabrique philanthropique qui s’est déployée en 2024 ?

La Fabrique s’est réellement mise en action cette année. Nous avons étoffé le parcours d’accompagnement que nous proposons aux fondations abritées, notamment au travers de nouveaux formats d’événements, de rencontres, de formations… Pour « fabriquer » des actions philanthropiques ensemble, il faut se rassembler, échanger, mais aussi nourrir la réflexion. C’est la raison pour laquelle nous avons enrichi la production de connaissances de l’Observatoire Philanthropie & Société. En complément des études, nous avons lancé une nouvelle collection, Les carnets de l’Observatoire, afin d’approfondir la connaissance sur les grands enjeux contemporains. Tout au long de l’année, nous avons également renforcé notre proximité avec les associations. Nous avons, par exemple, organisé des journées de travail réunissant porteurs de projets et fondations abritées pour co-construire des solutions sur des enjeux clés, comme l’accompagnement des enfants et des parents dans la période de la petite enfance. Ces temps d’échange sont emblématiques de l’ambition de la Fabrique philanthropique.

Le monde associatif fait actuellement face à des difficultés, notamment de financement. Comment la Fondation de France adapte-t-elle ses modalités d’accompagnement ?

La création des collectifs d’action, qui réunissent des fondations abritées et non abritées aux côtés d’acteurs associatifs pour travailler sur des enjeux prioritaires, répond pour partie à cet enjeu. Ces collectifs permettent de mutualiser les expertises et les savoirs, mais également les moyens pour soutenir collectivement des associations. L’objectif est de les accompagner dans leur développement de façon plus structurelle et durable. En 2024, nous avons augmenté le montant des financements accordés et développé les soutiens pluriannuels, en nous affranchissant de la logique de financement de projets spécifiques. Nous avons également simplifié les formulaires de nos appels à projets. Nous souhaitons accompagner le changement d’échelle d’initiatives associatives qui ont une ambition transformative de long terme, tout en maintenant notre soutien aux petites associations de proximité dont les actions sont absolument indispensables au niveau local. L’opération des Réveillons de la solidarité, que nous menons chaque année depuis 20 ans, en est un bon exemple.