« La philanthropie, un acte de liberté absolue », par Nicolas Hulot
Nicolas Hulot a été ministre de la Transition écologique et solidaire. Très engagé en faveur de la sauvegarde de la planète, il a créé la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, et est aujourd’hui l’une des grandes figures de la cause environnementale. Il nous parle de sa vision de la philanthropie.
Quel rôle peut et doit jouer la philanthropie dans notre société ?
La philanthropie est un outil au service de valeurs, à commencer par une valeur cardinale, qui devra de gré ou de force être le fil rouge du 21e siècle, la solidarité. Le 21e siècle, chacun le sent dans sa chair, sera solidaire ou ne sera pas. La philanthropie, c’est un pan entier de notre société, entre 13 et 20 millions de bénévoles en France, des professionnels de la générosité, des donateurs et des mécènes qui partout, entretiennent la solidarité de proximité mais aussi la solidarité à distance.
C’est tout un pan de notre économie qui comble les vides, qui crée, qui maintient, qui entretient, qui développe le lien social si important.
Quels sont ses atouts, sa spécificité ?
La spécificité de la philanthropie tient à sa liberté, le soutien apporté à une structure est un acte de liberté absolue et c’est aussi un acte de conviction. C’est un geste que notre société doit continuer à soutenir, à valoriser afin d’en susciter d’autres.
En tant qu’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, comment l’action de la philanthropie doit-elle s’articuler avec celle de l’État, selon vous ?
L’importance de la philanthropie a tendance à être ignorée, notamment des pouvoirs publics. Ce serait, dans le contexte de délitement actuel, une erreur majeure que de l’affaiblir à un moment où le mécénat, au sens originel du terme, a tendance lui-même à être fragilisé. J’en fais l’expérience au sein de ma propre fondation* avec la réforme de l’ISF vers l’IFI par exemple. Ou encore dernièrement le Projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 présenté le 2 juin qui porterait de 66 % à 75 % la réduction d’impôt pour les dons effectués au profit d'associations cultuelles. Un changement qui fragilise encore la lisibilité fiscale dont on sait qu’elle est une condition essentielle à la générosité des Français et qui pourrait donner l’impression d’une hiérarchie entre les causes d’urgences auxquelles nous faisons face.
Dans ce cadre, et à l’heure où certaines missions de service public ne sont plus assurées par l’État faute de moyens, ce dernier a un rôle fondamental à jouer pour permettre à la philanthropie de se développer plus largement et encourager la générosité.
Quels sont les domaines que la philanthropie doit investir en priorité ?
La philanthropie est d’abord, pour les donateurs, une affaire personnelle, voire intime, c’est l’expression d’une liberté. Chacun choisit de s’engager en fonction de son histoire, de ses valeurs, de ses convictions.
Comment la philanthropie peut-elle accompagner la transition écologique ? De quels leviers dispose-t-elle pour y parvenir ?
La transition écologique est affaire de moyens, pour soutenir la science, les actions de terrain, contribuer à dépasser les résistances de chacun, à l’évolution des mentalités des décideurs politiques et économiques, du grand public et sensibiliser les plus jeunes. Pour agir, les associations et les fondations ont besoin de soutien financier. Elles ont aussi besoin de relais pour faire connaitre leurs actions.
La philanthropie environnementale est encore trop peu développée compte tenu de de l’ampleur des sujets que couvrent les associations et fondations dédiées à ces questions. À ce titre, les donateurs, quels que soient leurs moyens et leur niveau d’engagement, ont un rôle fondamental à jouer. Par leurs dons, petits ou grands, ils nous donnent tous les moyens d’agir plus rapidement et plus largement.
Vous avez créé l’École Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme pour sensibiliser les enfants et les jeunes à la protection de l’environnement. Votre fondation axe également une partie de ses actions en faveur des jeunes citoyens… La sauvegarde de la planète passe-t-elle par l’éducation citoyenne des jeunes générations ? Comment la philanthropie peut-elle agir sur ce volet éducatif ?
Bien sûr, il faut miser sur la jeune génération, c’est ce que fait l’École et c’est aussi pour cela que nous avons décidé au sein de ma fondation de consacrer deux de nos programmes de terrain aux 15-35 ans, pour leur permettre de mener leurs premières actions au carrefour des enjeux environnementaux et de solidarité.
Comment mobiliser plus largement ?
En donnant les clés pour comprendre une réalité de plus en plus complexe ; en apportant des réponses pour concilier les enjeux écologiques et sociaux au cœur des préoccupations quotidiennes (la mobilité, l’alimentation, l’énergie…) ; en faisant tomber les barrières du passage à l’action par des manières d’agir concrètes accessibles à tous et à toutes… Pour cela, nous avons besoin du relais de nos mécènes et partenaires auprès de leur écosystème.
Face à la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons, quelles actions estimez-vous qu’il est urgent de soutenir ?
Aux crises que vous évoquez, j’ajouterai la crise climatique et plus globalement la crise environnementale. Notre modèle de société doit évoluer : pouvons-nous nous accommoder d’une croissance infinie qui épuise les ressources et accentue les inégalités ? Nous devons construire un modèle de société qui nous projette vers une transition écologique juste et solidaire. Tout ce qui compromet, tout ce qui entrave, tout ce qui étouffe la solidarité est évidemment à bannir. C’est pour ça aussi que les enjeux écologique, économique et social sont indissociables.
Nous devons établir des règles communes pour faire vivre cette solidarité. Comme l‘écrit Victor Hugo dans Les Misérables, nous ferons se développer cette vertu qui fait que « l’amour transforme le plus miséreux en héros de la vie »
Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme (fnh.org)
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