La COP 21, un engagement pour le monde
par Bérengère Quincy
Ancienne ambassadrice de France au Danemark
Ambassadrice itinérante pour la COP 21
Membre du comité Solidarités internationales de la Fondation de France
À titre personnel, quelles sont vos impressions sur cette conférence internationale qui vient de se tenir à Paris ?
Il faut bien avoir à l’esprit que les négociations climatiques sont un processus très complexe parce qu’elles touchent l’ensemble des secteurs de l’économie et de la société. En tant que participant à la COP, on ne pouvait d’abord qu’être frappé par le nombre et la multiplicité des sujets et des acteurs présents, mais aussi par l’intensité des débats.
L’issue de la négociation n’était pas gagnée d’avance, tant les situations et les intérêts des acteurs sont différents voire divergents : pays pétroliers et charbonniers, petites îles déjà menacées par la montée des eaux, pays d’Afrique touchés par les sécheresses, pays riches interpellés dans leur solidarité financière, pays en développement déjà engagés dans l’innovation technologique comme la Chine… Mettre tout le monde d’accord impliquait un effort diplomatique considérable ! C’est le résultat de quatre ans de négociations onusiennes et d’un effort particulier cette année de la présidence française.
Au Bourget, l’atmosphère était relativement tendue jusqu’au dernier jour où l’accord a été adopté. On sentait à la fois l’attente d’un accord, mais aussi l’attente d’une réelle ambition dans l’accord qui entraîne une transformation profonde vers des économies et des sociétés sobres en carbone et résilientes. Le camp des ONG était particulièrement anxieux.
Mais tout au long de la conférence, on a assisté à un véritable mouvement d’implication de tous les acteurs. Entreprises, associations, collectivités locales, syndicats, banques, fondations, assureurs, investisseurs : tous étaient présents – ce qui était inédit – et tous souhaitaient contribuer et espéraient un signal clair pour pouvoir amplifier le mouvement. Cela a été extrêmement porteur.
Le dernier jour l’ambiance est devenue très intense, enthousiaste et même joyeuse, euphorique. La reconnaissance vis-à-vis de la présidence française de la COP 21 qui a permis cet accord était palpable.
Que faut-il retenir de la conférence, quelles ont été les avancées ?
La première avancée a été obtenue avant même la COP : il s’agit des contributions déposées par aujourd’hui 187 pays, qui ont ainsi déclaré leur engagement de se joindre – à des niveaux divers, certes – à un effort collectif pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et adapter leurs économies pour limiter les effets du changement climatique. C’est sur ces contributions, cet engagement collectif que l’accord s’est construit.
Ces contributions ne permettent pas en elles-mêmes de respecter l’objectif maintenant inscrit dans l’accord de limitation du réchauffement de 2 degrés Celsius, avec la poursuite des efforts vers 1,5. Mais l’enjeu de l’accord était précisément de construire un mécanisme qui favorise une approche itérative pour que cet objectif soit atteint au cours du siècle.
La seconde avancée est le principe d’examen collectif régulier, qui prévoit de revoir les contributions tous les cinq ans. Ce cadre est essentiel pour l’ambition de l’accord.
Ensuite, l’accord prévoit des moyens qui étaient très attendus : ce sont les fameux 100 milliards de dollars annuels de financements publics-privés destinés à aider les pays en développement à honorer leurs engagements d’ici 2020 et qui constitueront un plancher à partir de cette date. L’ambition de faire mieux est inscrite dans l’accord.
Enfin, l’accord prévoit d’élargir aux pays en développement le système commun de transparence qui s’impose déjà aux pays développés, avec une flexibilité et une convergence progressive. Ce point est essentiel pour accompagner les pays en développement dans leurs efforts de prise en compte des enjeux climatiques.
Quels points restent en suspens, ou à consolider ?
De façon générale, c’est maintenant que le travail commence ! Il est impératif que tout le monde s’y mette, et sans attendre 2020, car l’augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre réduit les marges de manœuvre des dispositions de l’accord.
L’accord est un cadre, mais une grande partie des stipulations devront être précisées. Un important travail de négociation et d’écriture de règles est prévu d’ici 2020. Il s’agit également de favoriser la transparence et la flexibilité, de renforcer les capacités des pays à anticiper, planifier et écrire des stratégies de développement à long terme, ainsi que les politiques qui servent ces stratégies.
Un autre point clé est celui du changement d’échelle des technologies pilotes, comme le stockage de l’énergie ou les nouvelles sources d’énergie comme la mer. Beaucoup de technologies existent mais doivent être développées et mieux partagées.
Le prix du carbone est également un enjeu essentiel : un certain nombre d’initiatives régionales montrent déjà la voie, comme celle entre le Québec et la Californie. L’accord de Paris donne un signal qui doit permettre la montée en puissance et la mise en cohérence d’une multitude d’initiatives.
Enfin, il s’agit aussi de transformer l’essai du point de vue de la mobilisation individuelle des citoyens ! Comme cela est mentionné dans l’accord, chacun doit se demander comment il peut contribuer, au quotidien, en adaptant ses modes de vie et de consommation.
Quelle est la place des fondations et de la philanthropie privée dans cette mobilisation ?
Les fondations françaises et européennes ont été très mobilisées avant et pendant la COP. Elles ont un rôle majeur à jouer, de deux façons : d’abord en intégrant les enjeux du changement climatique dans leurs actions, en Europe mais aussi dans les pays en développement. Les comités Environnement et Solidarités internationales de la Fondation de France sont par exemple très attentifs à ces enjeux. De plus, les fondations peuvent intégrer les enjeux climatiques dans leurs choix de gestion financière, en identifiant l’empreinte carbone de leur portefeuille et en décidant de désinvestir des énergies fossiles pour investir dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Les choix individuels de ces acteurs importants sont lourds de conséquence !
Un dernier mot sur cette conférence ?
Dans les négociations internationales, à chaque fois qu’un accord est atteint, c’est un moment formidable. Il peut y avoir une grande émotion, parfois des pleurs… Mais de toute ma carrière de diplomate, je n’ai jamais vu une ambiance aussi euphorique que lors de l’adoption de cet accord. J’en ai ressenti une véritable fierté pour la diplomatie française, qui a pris le lead et a su fédérer les différents points de vue, mais aussi pour tous les acteurs français du secteur privé, des villes et de la société civile qui, aux côtés des diplomates, ont été particulièrement mobilisés.
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