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« En France, dans le secteur des arts, la philanthropie prend aujourd’hui de plus en plus de place » - Martin Bethenod

9 avril 2024

vignette martin bethenodMartin Bethenod a dirigé de nombreux organismes et institutions culturels privés et publics, notamment la Délégation aux Arts Plastiques du ministère de la Culture, la FIAC ou les musées de la Collection Pinault. Président du comité Culture de la Fondation de France de 2013 à 2017, il est aujourd’hui à la tête du CREDAC - Centre d’art contemporain, ainsi que des Archives de la critique d’art. Il revient sur la place qu’occupe la philanthropie dans le secteur des arts en France et sur son évolution.

Entre acteurs publics et privés, quelles sont les spécificités du secteur des arts en France ?

Le secteur des arts repose sur une grande diversité d’acteurs publics et privés et c’est cet équilibre qui fait sa durabilité et sa qualité. En voyageant, j’ai remarqué que toute scène artistique où il existe un trop grand déséquilibre entre ces différents acteurs n’a pas de durabilité réelle. Quand le secteur est à 100 % privé, sans musée public ou travail universitaire, il y a souvent un développement extraordinaire mais sans grande solidité. A l’inverse, les scènes artistiques qui reposent exclusivement sur l’initiative publique sont assez peu évolutives. Il faut donc un écosystème hybride où tous types d’acteurs puissent être présents et complémentaires.

 Quelle est la place de la philanthropie dans les arts aujourd’hui ?

A partir des années 2010, certaines lois comme la loi Aillagon ont favorisé une explosion quantitative de la création artistique et du nombre de structures. Le mécénat a aussi contribué au développement international de grands champions français, notamment dans le domaine de l’art contemporain.

Pour autant, l’évolution du contexte fiscal et réglementaire n’explique pas tout, elle est aussi le reflet d’un changement de mentalités plus général au sein des institutions publiques. Il est aujourd’hui fréquent qu’un conseil d’administration d’une grande institution publique intègre des collectionneurs privés ou des philanthropes, ou qu’une société d’amis de musées participe à la politique d’acquisition d’œuvres, ce qui était impossible il y a 20 ans. Aujourd’hui, tous les musées se sont dotés de comités d’amis du musée ou de mécènes, de donateurs, et organisent de grands dîners de fundrising ou de bienfaisance dans leurs galeries, des visites de collectionneurs guidés par leurs directeurs ou conservateurs dans les foires et les biennales....

La philanthropie dans les arts est aujourd’hui essentielle et prend même de plus en plus de place. Il ne s’agit pas de pallier le désengagement de l’Etat car en valeur absolue son budget culturel continue d’augmenter sur la durée. En revanche, les acteurs sont plus nombreux, les institutions se développent, les missions se diversifient, les coûts augmentent et donc les besoins en ressources augmentent. Le rôle de la philanthropie est notamment devenu considérable dans le développement des collections publiques pour l’acquisition d’œuvres par exemple.  Ceci passe par des dons et legs, mais aussi par la constitution d’associations, de cercles d’amis qui s’impliquent financièrement et apportent également leurs connaissances, leur expertise ou leur réseau.

Quelle comparaison peut-on établir avec d’autres pays, notamment anglosaxons ?

Traditionnellement en France, depuis le XVIIe siècle, l’Etat a un rôle d’opérateur majeur. Il finance une grande partie de l’action artistique et lui donne aussi sa légitimité, en distinguant ce qui est « de bon goût ». C’est une particularité française, que peu d’autres pays partagent, héritée de Louis XIV puis complétement réinvestie par la tradition jacobine et républicaine. A côté de l’Etat, les villes, départements et régions ont pris une importance sans cesse croissante grâce à la décentralisation, avec des budgets conséquents.

Ainsi, en France, le modèle culturel s’est construit autour de l’institution publique et, pendant longtemps, la philanthropie n’était pas encouragée dans ce domaine. A la différence des pays anglosaxons où la philanthropie joue un rôle de marqueur social, d’engagement citoyen très valorisant et valorisé, où il n’est pas concevable d’être dans une situation socialement favorisée sans être fortement engagé dans la philanthropie. En France, c’est tout à fait possible.

A titre d’exemple, lorsque des collectionneurs ou philanthropes participent au conseil d’administration des grands musées en France, ils le font bénévolement. Aux Etats-Unis ou en Angleterre, ces mêmes membres payent pour y contribuer de manière très spécifique, en fonction de la place qu’ils occupent dans les différents comités. Heureusement, la philanthropie prend aujourd’hui de plus en plus de place en France et son action s’est professionnalisée.

Quelles doivent être, selon vous, les priorités des philanthropes dans le domaine culturel ? 

Au-delà de la mission d’intérêt général à laquelle elle contribue, chaque action philanthropique a une identité particulière, un angle de vue spécifique. Ainsi, certains fonds familiaux peuvent choisir de se spécialiser dans l’aide à la publication, la constitution d’archives, la résidence d’artistes, etc.

Bien sûr, Il y a aussi des modèles plus globaux, adoptés généralement par de grandes structures privées comme les fondations Cartier, Vuitton , Lafayette, ou la collection Pinault  ... qui embrassent tout le cercle de la vie artistique : la production, l’exposition, la collection, le travail intellectuel, la médiation, la pédagogie, etc. Ces entités sont surtout reconnues pour leur engagement dans l’art contemporain, en partie en raison de l’importance des enjeux de rayonnement à l’international. Depuis une vingtaine d’années, c’est ce champ de l’art qui est le plus synchrone avec la mondialisation, l’évolution des pratiques d’information, ou encore le concept de lifestyle… et donc qui bénéficie de la plus grande visibilité.

Pour autant, ces grosses fondations ne doivent pas faire oublier tout le reste. Il ne faudrait pas que l’image du milliardaire collectionneur soit l’unique modèle d’engagement philanthropique. La philanthropie est composée d’une grande diversité d’acteurs qui interviennent dans tous les domaines et selon des modalités très différentes. C’est ce qui la rend accessible à tous types de philanthropes, et c’est cette diversité qui fait sa véritable richesse.

 

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