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Trois questions à Frédéric Théret, directeur du développement de la Fondation de France

9 mai 2016

Philanthropie et ISF : actualités et enjeux

L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est au cœur de l’actualité pour tous les collecteurs de don. Quel est son impact réel sur la collecte aujourd’hui ? 

Il est essentiel aujourd’hui : pour la Fondation de France, les dons au titre de l’ISF représentent 20 % des sommes collectées auprès des particuliers, un pourcentage dans la moyenne constatée par les fondations. En 2016, les dons au titre de l’ISF devraient représenter 200 millions d’euros, ainsi que le prévoit le budget de l’État. On peut donc affirmer que, grâce à la déduction introduite en 2008 par la loi TEPA, l’ISF est un véritable créateur de ressources pour financer des projets d’intérêt général. Les huit années de recul nous ont permis de vérifier que cette déduction n’avait pas créé d’effet d’aubaine (des donateurs versant au titre de l’impôt sur le revenu qui verseraient désormais au titre de l’ISF), mais avait au contraire attiré vers la philanthropie de nouveaux donateurs. Pour d’autres, elle a joué un rôle d’amplificateur de générosité, dans des proportions parfois impressionnantes. Ainsi, des dons sont passés de 50 euros par an à 5 000 euros ! Les donateurs confirment ces chiffres : ils sont 60 % à prendre en compte la déduction fiscale pour donner plus[1]. Notons enfin que la déduction des dons au titre de l’ISF ne constitue pas une niche fiscale, puisque le donateur déboursera in fine toujours 33 % de plus que s’il n’avait pas réalisé le don.

Pourquoi la déduction ISF a-t-elle tant d’influence sur la générosité ?

L’immédiateté de la déduction fiscale et son plafond particulièrement élevé favorise le passage à l’acte, notamment de la part de donateurs qui ont un potentiel de don important. Cela marque une évolution du comportement philanthropique français : les Français sont généreux, mais ils ont une tradition d’assez petits dons. Les montants les plus fréquents correspondent souvent à ceux des billets de banques. Or, le plafond de déductibilité de l’ISF à 50 000 euros (soit un don de 66 667 euros), associé à l’essor du mouvement philanthropique, a généré un nouveau comportement de don que nous avons constaté à la Fondation de France. Cette déduction a aussi permis à la philanthropie de franchir un cap, en incitant à la création de fondations, encouragée elle aussi par ce dispositif de déduction ISF.
Une autre raison de l’efficacité de la déduction au titre de l’ISF à ne pas sous-estimer, c’est l’impopularité de cet impôt. L’ISF est le seul impôt français dont l’assiette est le patrimoine. D’une certaine façon, il déroge à la règle générale de l’impôt français : une taxation sur les entrées et sorties financières. Alors qu’il est perçu comme l’impôt des plus riches, il peut également concerner des revenus relativement modestes recevant un héritage par exemple. Même si l’imposition est répartie par tranches, l’ISF peut dépasser les revenus du capital des contribuables, qui verront alors leur patrimoine s’amoindrir d’année en année. De plus, les assujettis doivent estimer la totalité de leurs biens, ce qui donne un caractère intrusif à l’impôt. Dans ce contexte, certains assujettis préfèrent débourser plus pour des projets philanthropiques servant l’intérêt général, plutôt que de s’acquitter de l’ISF. Le don peut alors devenir un acte revendicatif, ou a minima, avoir ce côté gaulois d’astuce, de malice, même si tout cela est parfaitement légal et encouragé par le législateur !

Quelles seraient les conséquences d’une suppression de l’ISF ? 

Si l’ISF venait à être supprimé, ce serait pour des raisons économiques et politiques. La diminution des ressources des fondations, qui n’est pas visée, serait un dommage collatéral difficile à supporter pour le secteur. Plus de 50 % des donateurs au titre ISF déclarent qu’ils ne donneraient plus si cet impôt venait à être supprimé[2]. Pour continuer à financer ses projets, le secteur philanthropique aurait alors besoin d’une solution alternative. Si la déduction fiscale sur l’ISF est remplacée par un dispositif sur l’impôt sur le revenu, on perdrait la force incitative que représente le fait de réduire son ISF, la perception de cet impôt étant très différente de celle de l’impôt sur le revenu. De plus, la déduction IR n’est pas immédiate : les dons déclarés aujourd’hui ne seront déduits qu’un an et demi plus tard. Enfin, le plafond de déductibilité de l’IR étant un pourcentage (20 %), on perd la force du symbole.

L’année prochaine sera une année marquée par plusieurs sources d’incertitudes fiscales et de changements : une campagne présidentielle est toujours un facteur de perturbation, et même si cela est difficilement concevable en termes de calendrier législatif, certains candidats proposent de supprimer l’ISF dès 2017. De plus, le débat sur l’imposition à la source va forcément perturber le comportement des donateurs. La suppression de l’ISF est donc un véritable enjeu pour le secteur des fondations, qui vit une croissance historique. Diminuer le nombre et la portée des actions solidaires menées par les fondations serait préjudiciable dans le contexte actuel. Il faut au contraire trouver les moyens d’inciter les personnes qui le peuvent à être encore plus généreuses.  Car au-delà des questions fiscales, il y a tous les projets solidaires et nécessaires que les fondations peuvent et doivent continuer à financer.


[1] Sondage Sofres-Fondation de France 2015
[2] Enquête IPSOS-Apprentis d’Auteuil 2016: l’ISF et le don

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