Qu’est-ce que la philanthropie stratégique ? par Peter Frumkin
Si la littérature concernant la stratégie d’entreprise est importante, celle traitant de stratégie philanthropique reste très rare. Aucun entrepreneur n’a jamais envisagé de diriger une entreprise sans stratégie, pourquoi en serait-il autrement pour un philanthrope ?
Lors de son intervention aux Rencontres internationales des philanthropes le 13 juin dernier, Peter Frumkin, directeur du Centre de recherche en stratégie d’impact social à l’Université de Pennsylvanie et expert renommé du secteur philanthropique, a exposé les grandes conclusions de son livre Strategic Giving, The Art and Sciences of Philanthropy. Cet ouvrage, inédit dans le secteur, donne les outils et les concepts essentiels pour une stratégie philanthropique réussie.
Peter Frumkin, directeur du Centre de recherche en stratégie d’impact social à l’Université de Pennsylvanie et expert renommé du secteur philanthropique, expose ici les éléments essentiels à prendre en compte dans l’élaboration d’un projet philanthropique. Voici les cinq questions qui selon lui doivent être considérées.
Quel est votre objectif ?
Si pour certains philanthropes, l’engagement et les valeurs personnelles déterminent l’objectif, d’autres le définissent en fonction des besoins qui émanent de la société. Le plus efficace est de combiner les deux : le philanthrope doit analyser les besoins de la communauté et y répondre en fonction de ses propres valeurs, capacités et engagements.
Quelle est votre théorie du changement ?
Vouloir agir c’est d’abord savoir où agir. En philanthropie, il existe cinq niveaux de changement : à l’échelle individuelle, d’une organisation, des réseaux, des idées ou au niveau des politiques.
Il est impossible pour un philanthrope d’agir aux cinq niveaux à la fois. Il doit donc choisir deux ou trois périmètres d’action, pertinents avec l’objectif à atteindre, mais surtout cohérents les uns avec les autres.
Quel style adopter ?
Si certains philanthropes cherchent la reconnaissance et une communication forte sur leur projet, d’autres préfèreront une action discrète voire cachée. Bien que tous légitimes, les profils des philanthropes sont différents et relèvent d’un choix individuel et intime.
En termes d’engagement et d’implication personnelle dans le projet, les attitudes varient également selon la personnalité de chacun, mais aussi selon le niveau de confiance qui s’est instauré entre le philanthrope et ses bénéficiaires.
D’autre part, la compétence du philanthrope dans la thématique traitée va souvent déterminer le niveau de son implication opérationnelle: dans des secteurs qu’il ne maîtrise pas, il ne s’engage souvent pas au-delà de l’aspect financier.
Quels moyens utiliser pour atteindre votre objectif ?
Aujourd’hui, de nombreux outils légaux et organisationnels sont à la disposition des philanthropes pour mener à bien leur projet. En France par exemple, le philanthrope aura le choix entre créer une fondation sous égide, un fonds de dotation, une fondation reconnue d’utilité publique… Bien que des contraintes pratiques – ressources, durée du projet – dirigent souvent le choix vers un statut plutôt qu’un autre, l’enjeu majeur est de trouver le véhicule le mieux adapté et le plus cohérent avec le reste des choix stratégiques du philanthrope (son objectif, son implication…).
Quel est votre cadre temporel ?
Aux États-Unis, le cadre légal fixe le seuil minimal de redistribution des fondations à 5 % du montant de leur dotation par an. Ce seuil plancher étant devenu une norme constante dans le temps, il ne correspond pas toujours aux réalités des besoins empiriques : certaines problématiques se détériorent, d’autres s’améliorent, et pourtant la redistribution reste la même à travers le temps. Cela souligne la nécessité pour les fondations d’adopter une stratégie temporelle, afin d’adapter leurs financements à l’évolution des besoins.
Ces questions n’ont pas une seule et unique réponse. Ce qui est essentiel dans une démarche philanthropique, c’est la cohérence des choix effectués : il faut étudier chaque aspect de manière à la fois individuelle et globale afin qu’aucun des choix effectués ne rentre en conflit avec un autre. C’est donc le croisement cohérent et harmonieux de ces cinq dimensions qu’il faut rechercher.
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