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La place de la philanthropie dans le monde : découvrez les environnements les plus favorables

15 juin 2022

En mars dernier, la Lilly Family School of Philanthropy de l’Université d’Indiana a publié la deuxième édition de son Global Philanthropy Environment Index, qui établit un classement des environnements philanthropiques par pays. Le point sur ses principaux enseignements avec, pour la partie internationale, Charles Sellen, chercheur sur la philanthropie, et pour la France Philippe-Henri Dutheil, avocat, ancien responsable du secteur ESS chez EY, qui ont tous deux participé à cette étude.

parole-expert-37.webp Charles Sellen et Philippe-Henri DutheilQuel est l’objectif de cette étude et sa valeur ajoutée ?

Charles Sellen : Cet Indice, qui porte sur la période 2018-2020, cartographie les environnements philanthropiques de 91 pays (12 de plus que l’édition précédente parue en 2018), qui représentent ensemble 85 % de la population mondiale et 95 % du PIB mondial. C’est le rapport mondial le plus complet. Ce travail repose sur une méthodologie robuste, structurée et transparente de collecte et d’harmonisation des données à l’échelle régionale et mondiale, avec l’intervention d’une centaine d’experts issus de chaque pays étudié.

Grâce à une grille d’évaluation commune, il donne un aperçu de la place de la philanthropie dans chacun des pays et offre des outils d’analyse et de comparaison pour les responsables du secteur à but non lucratif, pour les philanthropes, les pouvoirs publics et les autorités de régulation. Cette étude peut également nourrir le débat public et les discussions d’experts, autour d’éventuelles évolutions des cadres juridiques et fiscaux nationaux et favoriser ainsi le développement de la générosité privée. Quand on observe ce qui se passe chez nos voisins, cela peut en effet donner des idées d’amélioration.

Quels sont les indicateurs analysés ?

Charles Sellen : Cet Indice repose sur six grandes dimensions :  

- Le contexte législatif et réglementaire, favorable ou non, pour créer et gérer une organisation privée à but non lucratif (association ou fondation) ;

- Le cadre fiscal et les éventuelles incitations pour développer les activités à caractère philanthropique ;

- La possibilité de recevoir et/ou d’émettre des dons transnationaux ;

- L’environnement politique favorable ou non à l’activité du secteur à but non lucratif et philanthropique ;

- L’environnement socio-culturel (traditions, coutumes, mentalités, perceptions des activités philanthropiques…) ;

- L’environnement économique (critère ajouté par rapport à l’édition 2018).

Chaque critère est noté sur une échelle allant de 1 à 5 (la meilleure note étant la plus haute), puis une moyenne pondérée permet d’obtenir un score global par pays et par région du monde.

Pour lire le rapport complet :  https://globalindices.iupui.edu/environment-index/downloads/index.html
Pour consulter la fiche sur l’Europe occidentale :  https://scholarworks.iupui.edu/bitstream/handle/1805/27918/2022GPEIWesternEurope.pdf
Pour lire la fiche sur la France : https://scholarworks.iupui.edu/bitstream/handle/1805/28259/2022GPEIFrance.pdf

Quels sont les principaux enseignements de cette étude internationale ?

Charles Sellen : Cinq enseignements principaux se dégagent :

- À l’échelle mondiale, on observe une amélioration globale des scores, certes légère mais bien réelle, ce qui est plutôt positif.

- Trois pays sur cinq déclarent un environnement positif pour le développement de la philanthropie : les dons des particuliers et le mécénat d’entreprises y sont favorisés par les politiques fiscales et il est aisé d’y créer une organisation philanthropique, ce qui par conséquent créé un terrain propice pour favoriser l’engagement de la société civile.

- En revanche, un tiers des pays ont subi une dégradation de l’environnement politique par rapport à la précédente édition portant sur la période 2014-2018. C’est un sujet d’inquiétude que les Anglo-Saxons appellent Shrinking Space: l’espace pour la philanthropie se restreint, par exemple dans des pays où il devient plus contraignant de recevoir des financements provenant de l’étranger. Dans ces pays, l’existence même des associations militantes, activistes, qui interviennent souvent dans les domaines des droits de l’Homme, sont surveillées voire empêchées (difficultés à s’immatriculer, à renouveler leurs agréments).

- Notons également l’existence de disparités, avec pour certaines régions des améliorations, et pour d’autres, des détériorations. Ainsi les Balkans, l’Europe du Nord, l’Afrique sub-saharienne, l’Asie du Sud et du Sud-Est voient leurs scores progresser. Dans les Balkans, le secteur de la philanthropie se structure, alors qu’il n’était pas mature il y a 10 ou 20 ans. Cela est corrélé à un arrimage des Balkans aux autres pays de l’Europe occidentale, avec notamment l’adoption de lois permettant des déductions fiscales.

Étonnamment, l’Amérique latine, le Canada et les États-Unis connaissent une légère détérioration de leur environnement philanthropique. Par exemple, aux États-Unis, le seuil à partir duquel il est possible de déduire des dons a été rehaussé, les ménages les plus modestes ne peuvent donc plus déduire leurs dons de leurs impôts.

- Enfin, au niveau mondial, nous constatons un renforcement de l’infrastructure philanthropique. Le réseau d’organisations interprofessionnelles pour faciliter l’accès aux ressources, à la connaissance, à des échanges entre pairs, le plaidoyer, les prises de parole communes vis-à-vis des pouvoirs publics au niveau mondial se développent. En Europe, notamment avec la naissance de Philea, l’infrastructure philanthropique se consolide. De même dans les Balkans, où les dispositions législatives et règlementaires entraînent une structuration de l’écosystème philanthropique. Dans les Caraïbes, une alliance philanthropique a été créée pour fédérer les acteurs au niveau de la région.

Quelles sont les régions qui obtiennent les meilleurs scores, et a contrario, quelles sont celles qui se trouvent au bas du classement ?

Charles Sellen : Il existe de fortes disparités entre d’un côté l’Europe du Nord, la zone États-Unis & Canada, ainsi que l’Europe de l’Ouest qui constituent le trio de tête de ce classement et de l’autre, certains pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, d’Amérique latine, d’Europe du Sud et d’Océanie qui enregistrent des scores plus bas en raison notamment d’un encadrement plus strict de la liberté de création et de gestion des organisations sans but lucratif, souvent dans un contexte d’absence d’incitations fiscales et d’une plus grande fragilité de la société civile.

 

« Trois pays sur cinq déclarent un environnement positif pour le développement de la philanthropie »

Charles sellen

Où la France se situe-t-elle dans ce paysage mondial ?

Philippe-Henri Dutheil : La France se situe dans le haut du classement, avec un score de 4,64, au-dessus de la moyenne d’Europe de l’Ouest qui est à 4,59. Ce score est stable par rapport à l’édition précédente, il n’y a pas d’évolution ; seul le critère de l’environnement économique, qui a été ajouté pour cette nouvelle édition, fait baisser très légèrement la note de la France en raison d’un contexte peu favorable au moment de l’étude, lié à la crise du Covid.

Quels sont les atouts de la philanthropie en France ?

Philippe-Henri Dutheil : Malgré le rabot fiscal sur le mécénat d’entreprise pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros par an, nous bénéficions encore aujourd’hui du régime fiscal le plus élaboré et le plus favorable du monde philanthropique et associatif des pays occidentaux. L’environnement socio-culturel français, qui se traduit notamment par une belle dynamique associative, est également très favorable. Nous avons la chance d’avoir l’une des lois les plus simples de tout l’arsenal juridique occidental avec la loi de 1901 ; c’est une loi extraordinaire, copiée dans beaucoup de pays, même si elle est aujourd’hui un peu grignotée par les agréments et des démarches administratives alourdies.

Voyez-vous des points d’amélioration ou de vigilance pour la philanthropie en France ?

Philippe-Henri Dutheil : La fiscalité en France est déjà très incitative, mais il convient de demeurer vigilant pour que ces dispositifs fiscaux existants ne soient pas rabotés.

La France est mal notée sur la question des dons transnationaux, sur laquelle nous sommes très en retard : hormis dans le cadre très spécifique du Transnational Giving Europe, on ne peut pas donner ni déduire systématiquement quand les fonds sont destinés à l’étranger. Cette fiscalité mériterait d’être fluidifiée, avec par exemple la possibilité de bénéficier de déduction fiscale pour des actions se déroulant à l’étranger, sans qu’elles soient nécessairement pilotées depuis la France. Nous pourrions nous inspirer de ce qui se fait dans certains pays anglo-saxons.

Le point de vigilance majeur réside dans l’environnement politique. Cette édition s’arrête fin 2020. Mais avec la loi sur la consolidation des principes républicains d’août 2021, l’environnement politique français s’est dégradé pour le monde philanthropique et associatif. Le « contrat d’engagement républicain » institué par cette loi limite en effet la liberté des associations et fondations et fait reposer de lourdes responsabilités sur les dirigeants associatifs. Veillons donc à ne pas fragiliser davantage les libertés qui concernent la philanthropie et le monde associatif.

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