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La philanthropie au service de l’émancipation économique des femmes victimes de violences

11 décembre 2024

Par Nadège Lharaig, Responsable de programme à l’Alliance for Gender Equality in Europe 


© D.R.
Comment le contrôle économique alimente-t-il la violence domestique ? Et comment l’indépendance financière peut-elle permettre d’y échapper ? Alors qu’a eu lieu le 25 novembre dernier la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, examinons le rôle essentiel que peut jouer la philanthropie pour les aider à reconstruire leur vie.

L’argent est une arme puissante dans les relations abusives, utilisée pour piéger les victimes dans des cycles de dépendance et de peur. Si beaucoup se demandent pourquoi les femmes restent dans des situations de violence, la réponse se trouve souvent dans leur dépendance financière. Les auteurs de violence contrôlent qui gagne de l’argent, où il est épargné et comment il est dépensé, et excluent ainsi les femmes de ces aspects essentiels.  

La pression économique mondiale croissante déclenchée par la pandémie de Covid 19 et exacerbée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie ne fait qu’aggraver le problème. Une nouvelle étude montre que les inégalités entre les femmes et les hommes se sont creusées pour la première fois dans les tranches de revenus les plus basses.

Aucune femme ne devrait se sentir obligée de vivre avec un partenaire violent simplement parce qu’elle n’a nulle part où aller. Les efforts de prévention de la violence entre partenaires ne sont pas suffisants. Les combiner avec des investissements en faveur de l’émancipation économique des femmes pourrait changer la donne.

L’ampleur alarmante du problème

Les violences économiques sont souvent cachées et méconnues, mais elles sont omniprésentes : 95 %  des cas de violence conjugale impliquent une forme ou une autre de contrôle économique. Dans l’Union européenne, une femme sur dix  a été victime de violence économique de la part de son partenaire. Les taux sont encore plus élevés dans des pays comme la France, où près d’un quart des femmes ont subi une forme ou une autre de violence économique de la part de leur partenaire.

L’association NANE , basée en Hongrie et dont le centre d’assistance téléphonique pour les violences conjugales reçoit plus de 2 000 appels par an, a vu les cas de violence économique passer de 67 % à 88 %  pendant la pandémie. Comme l’a confié une victime : « je n’avais pas mon mot à dire sur quoi que ce soit, pas même sur le déjeuner ».

Le piège de l’argent

L’argent est au cœur du processus de maltraitance. À l’origine de ce cercle vicieux : les inégalités structurelles de genre en matière d’emploi, de rémunération et de responsabilités familiales. Les femmes gagnent généralement moins que les hommes et, à la retraite, leurs pensions sont inférieures d’environ 37 %  à celles des hommes. Le handicap, l’âge, le statut juridique, la monoparentalité et d’autres facteurs exacerbent le déséquilibre.

Ces disparités ne font pas que creuser les inégalités économiques, elles alimentent aussi le risque de violences. Les femmes qui gagnent nettement moins que leur partenaire sont deux fois plus susceptibles  d’être victimes de violence économique.

Les tactiques de contrôle économique, comme les comptes bancaires secrets ou l’interdiction de contribuer aux dépenses du ménage, enferment les femmes dans une dépendance financière et sont la principale raison pour laquelle nombre d’entre elles ont tant de mal à partir. Celles qui parviennent à s’en sortir doivent mener une lutte acharnée pour obtenir un emploi, un logement et une aide, et doivent parfois rembourser des sommes considérables liées à des dettes d’assurance, d’impôts, ou à des prêts qui ont été contractés à leur nom sans leur consentement.

Investir dans les « fonds de secours » pour les femmes

Mettre fin à la violence conjugale est un défi complexe qui nécessite de s’appuyer sur les associations de protection des femmes. L’emploi, l’épargne personnelle et l’acquisition de connaissances financières sont autant de leviers pour protéger et aider les victimes à s’en sortir.

Depuis 2022, l’Alliance for Gender Equality in Europe  a investi plus de 4 millions d’euros dans l’Union européenne et au Royaume-Uni pour renforcer l’aide aux femmes. Comment ? En finançant des organisations qui militent en faveur d’une législation plus stricte contre le harcèlement et les abus, qui proposent un soutien juridique, des formations professionnelles, des cours de gestion financière, des stages, ou encore des micro-subventions pour que les femmes puissent lancer leur entreprise. Ces ressources sont essentielles, en particulier pour les femmes à faible revenu et marginalisées, qui sont souvent les plus exposées au risque de violence économique.

Combler le déficit de financement

Malgré l’urgence des besoins, 1,8 % seulement des subventions britanniques , dont la moitié est inférieure à 10 000 livres sterling, sont consacrées au soutien des organisations de femmes et de jeunes filles, un montant qui est loin d’être suffisant pour un travail durable et efficace.

Entre-temps, le financement de l’« anti-gender movement » a augmenté, avec au moins 707 millions de dollars  dépensés entre 2009 et 2018 dans toute l’Europe pour éroder des droits durement acquis.

La philanthropie a un rôle crucial à jouer dans la lutte contre ces tendances régressives. Les donateurs peuvent soutenir les organisations de défense des droits des femmes en première ligne. Il s’agit notamment de financer des campagnes de sensibilisation et des stratégies de prévention, ou de soutenir des programmes qui permettent aux victimes de collaborer avec les banques pour détecter les abus financiers et bloquer l’accès des délinquants à leurs comptes. En soutenant des programmes tels que ceux de l’association NANE, où les victimes peuvent rejoindre des groupes de soutien ou bénéficier d’une aide juridique, la philanthropie peut avoir un impact réel et immédiat.

Texte traduit et adapté de l’anglais à partir de l'article  « If money fuels domestic violence, it can also defuse it », publié sur le site du magazine Alliance le 25 novembre 2024.

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