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Le rôle des fondations dans l’élaboration des politiques publiques

30 avril 2024

Hanna Surmatz, en charge des question politiques à Philea et experte en philanthropie et en droit des fondationsPar Hanna Surmatz, en charge des question politiques à Philea experte en philanthropie et en droit des fondations. 

Article  paru dans le magazine Alliance en décembre 2023

 

Parce qu’elles sont légitimes, les fondations sont appelées à jouer un rôle important dans l’élaboration des politiques publiques, mais cette légitimité doit s’appuyer sur une gouvernance exigeante et une grande transparence.

Dans un monde où persistent encore les conséquences d’une pandémie mondiale, où les conflits s’enlisent et les crises sociétales sont de plus en plus nombreuses, la mise en œuvre de mesures vraiment efficaces s’avère plus que jamais urgente. Mais quel rôle faut-il assigner aux actions philanthropiques ? Souvent perçues comme des organismes apolitiques, comment les fondations peuvent-elles exercer leur influence dans un domaine si sensible ? Et que signifie une fondation « politique » ? 

Traditionnellement, les fondations européennes œuvraient avec une certaine prudence vis-à-vis des décideurs, sans que cela occulte l’influence qu’exercent certaines d’entre elles dans l’univers des orientations gouvernementales. Même si elles ne s'engagent pas directement dans les partis politiques, elles peuvent faire office de think-tanks, produisant au passage de précieuses recommandations. Certaines financent des ONG militantes, d'autres concourent à influencer les décideurs sur la base de faits concluants, et d’autres encore encouragent le dialogue entre parties prenantes pour élaborer des mesures dans divers domaines. Plusieurs fondations s’érigent en sentinelles d’alerte, notamment en ce qui concerne l’État de droit, les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques. Dotées d’une bonne connaissance des différentes approches pour la défense des droits, de nombreuses fondations voient, dans les faits, leurs activités s'aligner avec leur mission et contribuer au progrès social – et tout cela, souvent, avec des moyens limités. 

L’influence des fondations sur l'action de l’État est une question épineuse qui varie d’un pays à l’autre en Europe. Un cas récent en Allemagne, impliquant un organisme nommé Attac, met en lumière le débat en cours sur le lien entre reconnaissance d’utilité publique et engagement politique. Attac, un organisme fondé en 2023 en Allemagne et « reconnu d’utilité publique », s’est employé à réaliser plusieurs actions dans les domaines de l'éducation, la science et la recherche, la protection de la nature, la démocratie et la consolidation de la paix. 

Le tribunal a conclu que, selon la loi allemande, un organisme reconnu d’utilité publique dans le domaine de l’éducation avait le droit d’influencer les décideurs et l’opinion publique, mais uniquement sur des questions répondant directement aux besoins de la mission caritative en question. L'arrêt a généré de nombreux débats parmi les fondations européennes, avec une incidence sur leur engagement. Une étude juridique complète, récemment réalisée par le réseau européen de la philanthropie Philea, révèle ce qui suit. 

Droits fondamentaux : les principes de liberté d’expression et d'association garantissent que les fondations et les acteurs non-décisionnaires s’expriment dans les différents forums publics. Ce dialogue civique suggère que les décideurs devraient être en contact étroit avec la société civile et ses organisations, au moment de prendre des décisions stratégiques (voir l'appel à un dialogue plus riche dans le manifeste pour une philanthropie européenne de Philea ).  

Partis politiques et défense des droits : même si les lois interdisent formellement les activités politiques proprement dites, la défense des droits et la mobilisation concernant ces mesures vont de pair avec la reconnaissance « d’utilité publique » et semblent être autorisées. 

Au cours des dernières années, la philanthropie insiste davantage sur la nécessité d’opérer des changements systémiques en agissant à la racine des enjeux. Cette évolution donne lieu à des retours sur expérience, à l’identification de potentiels risques et à des discussions sur la légitimité des fondations à agir, notamment, pour la défense des droits. 

Récemment, en marge de la conférence du European Research Network on Philanthropy (ERNOP – Réseau de recherche européen sur la philanthropie) qui s’est tenue à Zagreb en juin 2023, Volker Then de la fondation italienne Fondazione AIS  a exposé trois points particulièrement pertinents : 

  1. La défense des droits est un outil indispensable pour amplifier l’impact sociétal de la philanthropie. 
  2. La philanthropie peut davantage renforcer sa légitimité démocratique, et peut donc aller chercher ses arguments ailleurs, afin d’étayer ses stratégies. 
  3. La philanthropie peut pleinement incarner une certaine forme d’expertise grâce à des savoirs et une expérience spécialisés dont elle peut se saisir lorsqu’elle touche à des questions de droits et de démocratie. 

Pour acquérir la légitimité et l’efficacité voulues, la philanthropie doit, selon Volker Then, démultiplier ses actions : porter la parole des personnes marginalisées, proposer une expertise professionnelle dans des domaines spécifiques, valider les avis éclairés issus de la recherche, favoriser le dialogue entre les parties prenantes, maitriser le rôle d’organisme habilité par les libertés d’expression et d'association... 

Pour ce faire, il est crucial que la gouvernance et la transparence soient maintenues au meilleur niveau. Les organismes qui participent au bien public, et notamment ceux qui contribuent à façonner des politiques publiques, ont des comptes à rendre au grand public. La transparence, le reporting et la surveillance externe sont autant d’outils qui garantissent le statut d’utilité publique. Cet engagement pour la transparence et la redevabilité peut aider à légitimiser les projets des fondations, tant dans la formulation des décisions stratégiques que dans d'autres domaines. 

Au-delà de cette mobilisation générale, la philanthropie a certainement un rôle à jouer, en offrant un environnement stimulant à ses missions sociales. Il s'agit donc de défendre son champ d'action qui, parmi d'autres missions, lui donne la possibilité de s’engager en tant que partie prenante importante dans des sociétés plurielles. 

Il revient à chaque fondation de choisir son niveau d’engagement. C’est pour cela que la question de la gouvernance reste centrale. Par ailleurs, en Europe et dans le monde, les fondations sont nombreuses à montrer leur intérêt pour le dialogue, les échanges d’information, le réseautage, le travail en commun avec les décisionnaires politiques et les autres parties prenantes, puisque ces partenariats détiennent à la fois la clé des connaissances acquises ensemble et la création de solutions efficaces. Une telle transparence, fondée sur la confiance au sein des relations, présage des capacités de la philanthropie à participer à l’élaboration de politiques publiques, à différentes échelles, du local au global. 

Dans un environnement fluide, où s’estompent de plus en plus fréquemment les frontières entre le public, le privé et le tiers secteur, les fondations doivent également préserver leur fonction spécifique, leur rôle d’observateur critique et leur autonomie, tout en collaborant avec des acteurs publics. C’est seulement ensemble que, grâce au dialogue et à la coopération, les différentes parties prenantes de l’intérêt général pourront agir et relever les défis les plus urgents de la planète. 

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