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La philanthropie à l'heure du Big data, par Nicolas Ponset, fondateur et directeur d’Aleron Group

31 mars 2016

Nicolas Ponset est fondateur et directeur d’Aleron Group

Le big data, ce sont ces masses de données numériques que nous produisons en surfant sur internet, et que les techniques actuelles permettent désormais de collecter, d’agréger  et d’analyser. Ces données représentent pour le secteur philanthropique des opportunités considérables de développement. L’expérience d’outre-Manche nous éclaire sur les enjeux et les écueils du big data.

Mieux connaître ses donateurs, répondre de manière plus précise à leurs attentes et les fidéliser est un enjeu capital pour le secteur non-profit. Le big data peut contribuer à relever ce défi. En Grande-Bretagne, où le caritatif occupe une place importante dans la société – 50 % des adultes sont donateurs et / ou bénévoles –, la crise financière a entraîné une réduction drastique des subventions accordées par l’État, ainsi qu’une importante baisse des dons des particuliers et des entreprises. Dans ce contexte, les organisations ont dû repenser leur modèle et sont actuellement en pleine mutation.

Encourager une utilisation raisonnée du big data

Grâce à l’utilisation intelligente des données, des innovations ont vu le jour en matière de fundraising, mais aussi plus largement dans la stratégie de développement des organisations. Ainsi, Macmillan Cancer Support ou Cancer Research UK réalisent désormais de manière systématique et avec succès des modèles prédictifs et créent de nouveaux produits marketing en s’appuyant sur les compétences de statisticiens et de mathématiciens. 
Des cycles de tests sur les programmes et sur les causes à mettre en avant précèdent toute sollicitation des donateurs. Ces évolutions s’inscrivent en parallèle du développement du crowdfunding, qui permet d’effectuer des dons directement sur internet.

Certaines pratiques marketing, conséquences d’un mauvais usage des données, suscitent de vifs débats en Angleterre. Ce fut le cas notamment suite au suicide d’une dame de 92 ans souffrant de dépression, qui avait reçu en un an plus de 3000 lettres d’appel au don de la part d’organisations caritatives. Le big data doit au contraire servir à réduire la pression marketing, en sollicitant moins les donateurs mais de façon plus ciblée et donc plus efficace.
Suivant les recommandations de l’un des groupes représentant les organisations caritatives (NCVO),  un nouvel organisme de régulation a été créé et a demandé une contribution financière de £15,000 pour frais de fonctionnement aux cinquante plus grosses organisations. L’objectif est d’instaurer une autorégulation au sein du secteur plutôt que de pousser le gouvernement à mettre en place de nouvelles mesures. Ce nouvel organisme travaille en ce moment sur les questions éthiques et la relation avec les donateurs, afin d’éviter les dérapages liés à un usage abusif des données. Alors que les futures mesures ne sont pas encore connues, certaines organisations ont déjà mis en œuvre des changements dans la gestion des données. La Croix-Rouge britannique travaille ainsi sur un plan visant à ce que les démarches de collecte de fonds restent respectueuses des donateurs. Cela inclut notamment la mise en œuvre d'un cadre d'assurance de la qualité, supervisé par un comité interne. Elle estime aussi qu’elle devra faire face à des réductions de 10 à 20 % de ses revenus de marketing direct, et devra faire 10 millions de livres d’économies annuelles en conséquence.
Par ailleurs, l’encadrement législatif va se renforcer ; alors que le commerce de la data bat son plein, une loi européenne qui entrera en vigueur en 2018 prévoit que les organisations seront dans l’obligation de prouver qu’elles ont le consentement explicite d’une personne avant de la contacter. Il sera alors indispensable de connaître avec certitude l’origine du contact.

Réinventer la relation avec les donateurs : du bon usage du big data

Il y a aujourd’hui un réel manque de culture du big data ; moins d’un quart des organismes collectent et analysent des données. Les 4/5e de ceux qui le font ne les utilisent finalement pas. Et si le sujet se heurte parfois à des réticences en interne, il apparaît néanmoins indispensable d’encourager son essor. Pour des raisons économiques, bien sûr, afin de réduire les frais (un tiers des sommes levées servent à collecter), mais aussi pour créer une relation plus personnalisée avec ses donateurs et les fidéliser. De ce point de vue, nous avons beaucoup à apprendre des universités américaines : Columbia a par exemple levé des sommes considérables en faisant du scoring(1), auquel se sont ajoutées des données additionnelles collectées directement auprès des anciens élèves. Cela a permis une analyse extrêmement fine de leurs attentes et du type de relation qu’ils souhaitaient entretenir avec leur université.

Au-delà de la question de la collecte, le big data peut être un outil précieux pour améliorer des programmes d’action d’intérêt général. Ainsi les social impact bonds, qui ont vu le jour en Grande-Bretagne et sont aujourd’hui expérimentées en France, utilisent notamment l’analyse du big data pour la mesure de l’impact social et de la création de valeur. Le principe ? Des financeurs privés expérimentent des programmes d’accompagnement et de prévention, un accompagnement des détenus pour prévenir la récidive par exemple. Il s’avère que le coût de ces programmes est inférieur à celui que supporterait l’État en cas de récidive. L’État voit alors son intérêt à soutenir ces programmes en abondant l’investissement des acteurs privés.


(1) Traitement statistique qui consiste à analyser des données pour évaluer la probabilité de don d’un segment de donateurs et de prospects en fonction d’un certain nombre de critères.

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