Entretien avec Isabelle Gougenheim, présidente d’IDEAS
Le rôle des organismes de certification dans le secteur à but non lucratif
Dans notre société actuelle, comment définiriez-vous le rôle d’un organisme de contrôle et de labellisation ?
La place prise par le monde associatif et les mutations à l’œuvre dans ce secteur conduisent à constater, d’une part le développement de l’action solidaire en complément ou en substitution de politiques publiques, et d’autre part l’accroissement des exigences et contrôles pesant sur ces acteurs.
Dans ce contexte, la création d’IDEAS, institut de développement de l’éthique et de l’action pour la solidarité, répond à un double besoin identifié sur le terrain : renforcer les capacités des associations et des fondations, et faciliter leur recherche de financements.
La labellisation s’inscrit ainsi dans ce double objectif de répondre à la fois aux attentes des financeurs en terme de transparence et d’efficacité de l’action et aux besoins des associations et des fondations qui relèvent chaque jour le défi de la cohésion sociale et du vivre ensemble.
L’ambition d’IDEAS au travers de sa démarche de labellisation est en effet de favoriser la qualité, la pérennité et la capacité de mobilisation des acteurs de la solidarité.
Comment IDEAS se distingue-t-il d’autres organismes existants ?
IDEAS s’est attaché dès le départ à associer dans une réflexion commune associations et fondations, philanthropes et mécènes, et experts du contrôle et de l’audit pour construire ensemble la réponse aux attentes et aux besoins identifiés.
IDEAS a délibérément opté pour une démarche constructive et non intrusive, s’inscrivant dans la durée, pour soutenir les organismes à but non lucratifs dans leur développement. Il est fondamental de bien comprendre que la démarche d’IDEAS est conduite par une logique d’optimisation de bonnes pratiques, à partir d’un constat partagé, et en s’appuyant sur un ensemble d’indicateurs qui permet d’interroger l’organisation de façon très complète.
La méthode, déclinée sur la base du Guide des bonnes pratiques, propose une approche globale et un modèle structurant original, fondé sur un accompagnement bénévole et durable. Il n’y a pas de seuil budgétaire exigé pour entamer ce processus, dès lors que l’objet social de l’association relève du domaine de la solidarité.
La première étape de l’accompagnement permet de poser un diagnostic qui souligne les points forts de l’organisation mais identifie également les points d’amélioration au regard des 120 indicateurs du guide IDEAS. De ce diagnostic découle une démarche d’optimisation, formalisée par une convention, qui recense les chantiers à mener, leur calendrier et le rôle des conseillers bénévoles pour chacun d’eux.
Nous portons évidemment une grande attention au recrutement, à la formation et à l’animation des conseillers bénévoles, aujourd’hui une petite centaine, dont les profils professionnels sont variés : experts comptables et commissaires aux comptes en activité ou en fin de carrière, juristes, ingénieurs, experts en management et conduite du changement, psychologues en entreprise, etc. Leur activité s’exerce toujours en équipe de deux, avec des profils complémentaires, et toujours en lien avec un conseiller référent.
IDEAS est dans l’accompagnement et non dans le contrôle : j’insiste sur ces éléments qui me paraissent très importants du point de vue de l’éthique et de la cohérence de notre démarche qui se veut toujours constructive.
Dans la démarche de labellisation IDEAS, le rôle de chaque partie prenante est clairement établi : accompagnement, contrôles, et délivrance du label relèvent d’entités différentes et indépendantes, assurant ainsi la « séparation des pouvoirs ». L’accompagnement est assuré par les conseillers bénévoles ; les contrôles, indispensables pour présenter sa candidature au label, sont réalisés par des professionnels indépendants, formés au guide IDEAS, choisis et rémunérés directement par l’organisme candidat ; enfin, le label est délivré par un comité autonome composé de personnalités qualifiées de très haut niveau.
Comment avez-vous mis au point votre système d’indicateurs et de labellisation ?
Des travaux préparatoires approfondis ont mobilisé un comité expert en 2007 et 2008, pour permettre de croiser les points de vue des donateurs, des associations et des professionnels du contrôle et de l’audit, avec une ambition : couvrir tous les aspects du fonctionnement d’une organisation, en gouvernance, gestion financière et pilotage, efficacité de l’action.
Ces travaux ont défini, par exemple, la gouvernance au travers de cinq objectifs, qui se déclinent autour du projet associatif, de la gestion désintéressée, du renforcement des organes de gouvernance et de direction, de l’identification / gestion des risques, et du respect du donateur, couvrant ainsi tous les aspects stratégiques de l’organisation.
Ces thèmes permettent aussi d’adresser les différents enjeux constatés sur le terrain: renouvellement des organes dirigeants, réflexion pour un nouveau plan stratégique, appréciation des risques, introduction d’une culture de l'évaluation de l’impact de l’action, changement d’échelle ou d’implantation, recherche de partenaires, etc.
D’une façon générale, cette méthode permet de contribuer à franchir des étapes de croissance, à affronter des changements structurels, ou tout simplement à pérenniser une structure.
Ce concept de labellisation original, spécifique au secteur associatif, répond ainsi à un besoin non couvert par les normes nationales AFNOR ou internationales ISO, grâce un dispositif innovant.
Quels sont vos objectifs pour 2016 ? Et plus globalement, quelle est votre vision des grands enjeux du secteur ?
Le fait associatif occupe une place décisive dans notre société. La Fonda, laboratoire d’idées du monde associatif, a très bien décrit, dans sa cartographie, les grandes tendances qui impactent l’évolution du secteur : fragmentation de la société mais aussi empathie et fluidité.
Pour aider les associations à se mettre en position d’actrices de ces grandes transitions, il faut mieux les outiller et les accompagner.
Cet objectif, récemment souligné par le Mouvement associatif, est fondamental, et doit structurer notre action. Nous y veillons en réunissant régulièrement le comité expert, pour apprécier les évolutions qui pourraient être apportées au guide IDEAS des bonnes pratiques. L’essor de l’économie sociale et solidaire, tout comme le développement de la responsabilité sociétale des entreprises, nous incitent à poursuivre la réflexion et l’action, initiées il y a dix ans déjà.
Les 70 associations et fondations actuellement labellisées ou en phase d’accompagnement par IDEAS présentent une grande diversité, qu’il s’agisse de leur domaine d’intervention (action sociale, enfance, éducation, santé, solidarité internationale, environnement…), de leur ancienneté, ou de leurs organisations et moyens. Avec le recul de l’expérience acquise en ce début 2016, il me semble que ce dispositif leur a permis de bien s’approprier des outils qui ont pu leur sembler hors de portée, et d’acquérir des compétences nouvelles.
Nos objectifs pour 2016 ? Mieux faire connaître encore, dans le monde de la philanthropie, la qualité et la portée du label IDEAS, pour permettre un meilleur soutien des projets labellisés.
« Exigence et bienveillance » caractérisent notre vision et notre engagement !
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